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samedi 8 décembre 2012

Claude LAURENT facteur de flûtes en cristal à Paris.



 Si les flûtes en cristal de Laurent sont bien connues, le facteur Claude Laurent (né à Langres-décédé à Paris en 1848) l'est nettement moins.
On sait qu'il était horloger, mais comment en est il arrivé à fabriquer des flûtes et en cristal...ceci est encore un mystère.
C'est en 1806 qu'il apparaît dans le domaine de la facture d'instruments, puisqu'il est le premier "facteur d'instruments à souffle qui se présente à une exposition", en l'occurrence celle de Paris.
C'est à cette exposition qu'il présente sa flûte en cristal et reçoit une médaille d'argent.
La même année il obtient un brevet d'invention de cinq ans, pour cette même flûte
(21 novembre 1806)
 
Flûte à 5 clés de 1809. (David Shorey)

Pourquoi le cristal :" On sait que tous les instruments en bois ou en ivoire se gonflent par l'humidité soit atmosphérique, soit par celle que produit le souffle du musicien et qu'ils se dessèchent et se fendent par temps sec. Le cristal au contraire, impassible aux effets de l'humidité conserve toujours ses mêmes dimensions et joint a son inaltérabilité une compacité élastique qui rend l'instrument plus sonore et plus facile". (Extrait du brevet de 1806. Inpi)
Signature de Claude Laurent dans son brevet de 1806.
Après avoir résolues les difficultés que présentait le travail du cristal, il devait résoudre un autre problèmes : la fixation de clés sur les tubes en cristal " Les clés sont artistiquement et solidement adaptées à l'instrument par de petites vis à écrous. Leurs charnières dont les charnons sont d'acier trempé et poli, traversées par une vis de la même matière font leur service avec aisance et ne peuvent jamais s'user sensiblement. Les ressorts en sont plus prolongés que dans les flûtes ordinaires pour leur donner plus d'élasticité et les empêcher de se rompre".(Brevet 1806)

Montserrat Gascon joue une flûte à 8 clés de Laurent.

La commission qui avait observée la flûte en 1806 était composée de professeurs du conservatoire de Paris : Gossec, Méhul, Chérubini, Ozi, Wunderlich. Ils avaient constatés que la flûte n'était pas sensible à l'humidité et que la justesse ne variait pas. Très facile de jeu, le clétage était très soigné et supérieur aux instruments connus. En revanche elle était lourde et fragile.

Quelques flûtistes, comme Dubois de Paris (Concert à Amsterdam 1808) l'utilisèrent épisodiquement.
Mais les flûtes en cristal sont plus connues pour leur coté précieux que pour leurs qualités musicales.
Laurent envoya en 1813 une flûte au président Madison des Etats Unis d'Amérique et de nombreuses personnalités en possédaient une (Napoléon, Louis Napoléon, Joseph Bonaparte, Franz 1 d'Autriche....). Richement décorées de pierres précieuses, elles pouvaient être faites dans un cristal de couleurs différentes : Cristal transparent, opaque (Zinc), bleu (Cobalt), vert (uranium) montées avec des clés d'argent ou d'or.

Actuellement plus de 40 flûtes sont répertoriées et chaque instrument est signé et daté, ce qui est très intéressant pour étudier l'évolution des clétages. De 1806 vers 1815, elles sont généralement munies de 4,5,6 clés et peuvent avoir une ou deux têtes, et un corps de rechange. (Voir image de la flûte de David Shorey)
Flûte 1815 à 6 et 8 clés. (Germanisch Museum)
Après 1815 les flûtes sont plutôt à 6 et 8 clés, avec deux pattes, exceptionnellement  à 9 clés.
Ci dessous quelques illustrations de pattes toutes différentes, qui permettraient de dater par comparaisons les flûtes d'autres facteurs.

1817 Flûte 6 clés (Dayton Miller Collection)

1818 Flûte 6 Clés (Dayton Miller Collection)

1822 Flûte 8 clés (D. Shorey)

1826 Flûte 8 clés (DCM)

1833 Flûte 9 clés . (Teater museet Stockholm)

 
 
 
Si en 1806 il se déclarait horloger (voir sa signature), lors de l'obtention de son second brevet le 15 mars 1834 il se déclare fabricant de flûtes.
 
" Brevet d'invention de 5 ans pour des perfectionnements apportés à la flûte allemande descendant jusqu'au sol d'en bas comme le violon"
 
" Déjà en Allemagne on avait essayé de fabriquer des flûtes descendant jusqu'au sol d'en bas. On y était parvenu en faisant revenir sur elle même la patte portant la clé d'ut ce qui sans rendre la flûte d'une longueur démesurée donnait assez d'étendue pour adapter les 5 clés supplémentaires indispensables pour produire les 5 demi-tons existant depuis le si jusqu'au sol d'en bas".


Stéphan senior KOCH (1772-1828) flûte à 15 clés descendant jusqu'au sol. (DCM)
"Mais ces 5 clés supplémentaires munies de branches extrêmement longues en métal ne pouvant faire jouer la soupape qu'à une très grande distance du point d'appui rendaient la flûte très lourde et d'une exécution difficile. Ces inconvénients ont été cause que cette flûte ne s'est pas propagée".



S.KOCH à Vienne: flûte à 14 clés descendant au Sol. (DCM)
"Dans la flûte pour laquelle je sollicite le présent brevet, j'ai cru devoir adopter la construction connue : ainsi ma flûte que je démonte au besoin en cinq parties est munie d'une patte qui revient sur elle même rendant l'espace de six pouces et demi. Les deux parties sont fermées par le bout et ajustées l'une contre l'autre au moyen d'une culasse. Dans cette flûte d'une étendue de trois octaves et demi, toutes les clés a partir du ré d'en bas jusqu'au sol d'en bas sont disposées sur bascules en tous sens, de manière que le point d'appui se trouve toujours au centre".

Descriptif du schéma de la Flûte Laurent du Brevet de 1834. (Inpi)
Pour grossir cliquez sur la photo.
"Mais les perfectionnements principaux que j'y ai apportés consistent à mettre aux cinq clés pour les cinq demi tons d'en bas, à partir du si naturel jusqu'au sol naturel, au lieu de branches ou tiges en métal établissant la communication avec les cinq soupapes, cinq petits fils d'argent ou autre métal ou substance convenable de la grosseur d'une épingle ordinaire, qui produisent exactement l'effet des mouvements de renvoi  pour les sonnettes d'appartements et qui font basculer mes cinq soupapes en leur transmettant par le tirage la précision exercée sur les clés".
Shéma du brevet de 1834. (Inpi)
"Ces perfectionnements donnent beaucoup de précision au jeu des clés, beaucoup de légèreté à l'instrument et offre une grande économie dans la matière employée pour faire les clés. Aux cinq dernières clés un petit ressort à boudin est placé dans une charnière d'argent : ce ressort du moment que le tirage des fils de communication a cessé, fait relever les soupapes sans frottement et sans huile".
Détail de la patte.

Détail.
Pendant la majorité de son activité, sa boutique se trouvait au Palais Royal, dans la Gallerie de Pierre. Il était donc voisin avec un autre facteur : Jean Daniel HOLTZAPPFEL.

"Une merveille" faite à la fin de sa vie en 1844, une flûte en cristal vert (uranium), système Boehm de 1832.
En 1844, l'atelier de Laurent employait 5 ouvriers.

Est il décédé en 1848 ? Cette date correspond au texte de Constant Pierre " Ce facteur semble avoir cessé de fabriquer après 1848". Aux archives de Paris nous avons trouvé un Claude LAURENT décédé le 20 juin 1849 dans le 2iéme arrondissement de Paris, mais cette information sans précision d'adresse, de métier....est tout à fait aléatoire.

Son successeur et élève J.D. BRETON commença son activité en 1844 : le Bottin de 1850 mentionne
"Breton Brevet 1844, Flûtes Boehm et petites flûtes ordinaires, clarinettes et hautbois, cor anglais, bassons et flageolets perfectionnés etc....Garniture inter. et ext., instruments en cristal, becs de clarinettes et d'instruments en cuivre, flûtes en cristal de tout genre. 28 rue J.J Rousseau.

Pour grossir les images et photos cliquez dessus.

Bibliographie :
Constant Pierre : "Les facteurs d'instruments de musique".
William Waterhouse : "The New Langwill Index".
Nancy Toff : "The dévelopment of the Modern Flute".