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De gauche à droite : J. D. TOUROUDE (JDT), E. BARET (E.B.), D. GAUTIER (D.G.) M. ARRIGNON (M.A.), M. VALLET (M.V.). |
JDT :
Pouvons nous analyser les différents modèles de clarinettes professionnelles,
en réalisant bien que la subjectivité est essentielle dans le choix d'un instrument, mais j'aimerais connaitre la progression des modèles de clarinettes
?
EB
: "le choix d'une clarinette est très personnelle. Combien d’artistes ais-je vu
venant essayer un modèle et repartant avec un autre ! Combien de clarinettistes
ais-je vu rester attachés viscéralement à un modèle même ancien et dépassé".
MV : "Dans ton article sur les saxos Selmer, tu montrais bien que les jazzmen
affectionnaient encore leurs vieux Mark VI, prouvant que la subjectivité est un
point essentiel".
MA :"Par contre objectivement, changer de bec, de ligature, d'anches voire de baril
sont plus courants et donnent plus de résultats dans les changements recherchés
parfois que de changer de clarinette".
MV : "Les exemples de la DG ou de la Vintage montrent la réactivité qu’est obligé
d'avoir l'entreprise face à une demande des musiciens. Si on ne répond pas de
suite à leurs besoins, notre image s’écorne… c’est pareil pour tout le
monde : Les fabricants de voitures de luxe sont obligés de sortir une
voiture hybride en 2015 pour intégrer la mode électrique et intégrer tous les
gadgets et innovations des concurrents…"
JDT :
Puis arriva une vraie réussite : la Tosca. Michel Arrignon, peux tu nous
parler de cette clarinette, toi qui en fut un des concepteurs ?
JDT : les clarinettes s’usent si on s’en sert et
beaucoup plus vite que les instruments à cordes. D’ailleurs certains ont une
clarinette pour travailler et une autre pour jouer en concert. Le bois supporte
mal l’air chaud et humide pulsé en permanence par l’instrumentiste, l’acidité
de la salive, sans compter le passage de l’écouvillon
plusieurs fois par jour. Que faire pour prolonger sa clarinette ?
JDT :
Sans entrer trop dans les détails techniques, quelles ont été les innovations
recherchées selon chaque modèle par ordre chronologique. R.
Carrée n’était plus et avait été remplacé par son fils et par Daniel Gautier
qui sera lui même remplacé en 1993 par Eric Baret. Nous
avons la chance d'avoir les principaux acteurs devant nous et de recueillir vos
expériences. Ce qui me frappe, c’est le souvenir omniprésent de R. Carrée qui
plane sans cesse. Il avait laissé la R13 et la RC, les deux bases sur lesquelles
BC va décliner ses clarinettes jusqu’à maintenant, mais il laisse aussi une empreinte
indélébile, une vision du métier et une orientation innovante permanente. Commençons
par la Festival et la Prestige. DG en tant que digne successeur de R. Carrée,
est-ce qu'on peut dire que la Festival
est une R13 améliorée et la Prestige une
RC améliorée ?
DG : "Tout à fait. Nous avons crée La
Festival en 1987 avec l’aide des 3 essayeurs maison (Lancelot, Deplus,
Arrignon). En
effet les objectifs étaient de poursuivre les améliorations de la R13, certains
musiciens ne voulant pas de la perce RC qui était très différente. La
BC20 posait de sérieux problèmes de justesse parmi les professionnels et il
était temps de revenir au diapason (La = 440 Hz), d’améliorer la justesse (et
cela a nécessité de modifier les trous) tout en gardant toutes les qualités des
clarinettes précédentes. On a alors rallongé le corps du bas (idée de l’américain
Lee Gibson) et modifié les trous en conséquence (trous de Mi et Fa graves
remontés, trou de douzième remonté, trou Dol# / Sol# aussi, trous de La et Sol#
modifiés, levier Mib…)".
MV : "Il y avait aussi quelques innovations, notamment le repose pouce réglable. Ce
fut une réussite qui reste très appréciée par les étudiants qui ont des
morphologies très différentes (l'apprentissage de la clarinette se faisant
pendant l’adolescence) mais aussi par quelques professionnels".
Repose pouce réglable de BC. |
Repose pouce de clarinettes anciennes |
EB : "D’ailleurs 25 ans après sa création, la festival est toujours vendue au
catalogue avec un lifting permanent en intégrant les innovations des
clarinettes postérieures avec les nouveaux matériaux. Elle fut longtemps le n°1
des ventes de BC" .
DG : " La Prestige crée aussi vers 1987
va créer un évènement avec l’apparition du nouveau matériau composite le Green Line qui n’est utilisé que par
Buffet Crampon. Comme
la Festival améliorait la famille de clarinettes avec la perce étroite de la R13,
la Prestige est issue de la perce large RC. L'objectif poursuivi avec nos essayeurs était donc simple : garder la spécificité de
la RC et peaufiner sa finition, faire une clarinette RC de luxe, de prestige,
mais dans un matériau composite complètement nouveau. Il
y avait aussi quelques innovations, notamment un travail dans le pavillon qui
donnèrent une clarinette très appréciée. Pascal Moraguès, professeur au CNSM et
essayeur aussi chez BC, à joué longtemps sur ce modèle. D'ailleurs,
elle est toujours vendue au catalogue avec un lifting permanent en intégrant
les innovations des clarinettes postérieures avec les nouveaux matériaux".
MA : "Attention à la confusion souvent entendue et écrite : une autre clarinette se
nomme R13 Prestige et n’a rien à
voir avec la véritable Prestige issue de la RC ! (la
R13 prestige est destinée surtout au Japon, la R13 étant reconnue pour eux à
l’époque comme la meilleure clarinette professionnelle et le mot prestige
voulant dire finition soignée, de luxe dans tous ses composants.)".
JDT :
Et la suivante fut l’Elite qui m'interpelle car depuis 25 ans, je joue sur ce
modèle, aussi je ne peux m’empêcher de vous interroger tous sur l'aventure de
cette clarinette puisque j'ai en face de moi ses concepteurs. Quelle a été l'aventure de l’Elite? Pourquoi alors que la R13, la RC, la Festival, la
Prestige dominaient le marché, se lancer dans une clarinette totalement différente
et élitiste ?
DG
: "Nous avons créée en 1989 cette clarinette qui possède une place très
particulière dans l’évolution des clarinettes de BC car elle a eu une vie
brillante mais courte, arrêtée en 2003, ce qui a fait beaucoup parler. L'objectif poursuivi était de faire une clarinette différente, luxueuse réservée aux
professionnels (d’où son nom Elite), et qui était une rupture dans la
conception de la clarinette. En plus le coût n’était pas limité. On voit
toujours la stratégie de BC de la recherche du très haut de gamme".
MA : "Nous voulions transposer aussi le constat connu des flutes en métal moins
épaisses qui avaient plus de son que les flutes en bois. Or on voulait faire un
instrument pour solistes, léger avec un beau son mais aussi avec du volume, des
harmoniques riches. Mais la question a été au départ : Avec quelle perce ?
on fit deux prototypes (avec la perce R13 et avec la perce RC) et nous sommes
tous tombés d’accord, après de multiples essais, qu'il fallait prendre la perce
R13".
DG : "Ce fut un travail d’équipe, on ne peut citer tout le monde mais avec les
directeurs de fabrication Guerniou et Lienhard, Trouillon pour la perce,
Lesieux pour les viroles en carbone, moi et Arrignon comme essayeur principal, nous
avons donc retravaillé et perfectionné la perce R13 avec peu d’évasement comme
les clarinettes allemandes".
JDT :
le son allemand ! Que de débats, étudiants nous avons eu là dessus ! D’excellents
clarinettistes allemands jouant sur le système allemand créaient des disques de
référence. Nous faisions des master class avec eux. La
sonorité à l’allemande devenait à la mode et convenait mieux pour certains passages
et certaines musiques. La vieille querelle du son français, du système Boehm,
de la facture française contre tout ce qui venait d’Allemagne était révolue,
les guerres et les nationalismes étaient loin… Notre génération est celle de l’Europe
et le couple franco-allemand existait, on reconnaissait les qualités de
l’autre. Votre concurrent Selmer avec sa Recital allait dans le même sens, à
savoir se rapprocher d'une synthèse avec la clarinette allemande.
DG : "C’est vrai, car après avoir perfectionné la R13 et la RC avec la Festival et la
Prestige, on arrivait à la fin d'une aventure. Il fallait créer autre chose,
nous avons tout remis à plat et remis en cause toutes les composantes une
à une. R.
Lesieux a introduit la fibre de carbone pour les viroles afin de faciliter
l’émission du son car les bagues métalliques comprimaient le bois donc les
vibrations donc le son. La
perce bien sûr étroite de la R13 a été retravaillée et creusée".
MA : "Puis nous avons travaillé les trous et mis des bosses rapportées en
élevant les cheminées qui ont aussi un impact essentiel sur la sonorité, ce qui
a été ensuite imité par nos concurrents. Le bord du pavillon est devenu plat (nous
l’avons repris sur le pavillon ICON et la RC 2015 qui a été relookée) car cela
a aussi des incidences sur le son".
Bosse de la clarinette Elite qui permet d'élever la cheminée. |
DG : "Nous avons allégé au maximum l’instrument par l’épaisseur du bois (1 mm de
moins de diamètre soit 15%) et la finesse des clés ce qui lui donna un air racé
mais aussi une certaine fragilité".
EB : "Il n’y a pas que le travail dans la perce. Tous les détails comptent, les
boules en or, les viroles en carbone, le pavillon aplati, le fraisage des
trous, la hauteur des cheminées, les résonateurs des tampons etc… chaque
élément a un impact léger certes sur la sonorité mais en les cumulant ils
peuvent modifier beaucoup de choses qui sont désormais analysées plus seulement
par l’instrumentiste mais aussi par des appareils acoustiques de plus en plus
perfectionnés qui objectivent ces réalités. Le
résultat donna un son fin et timbré mais puissant. Même
la boite était luxueuse… Bien sûr, cette clarinette était chère et certains ont
dit que BC avait crée la Rolls des clarinettes !
JDT :
L’Elite est à la fois un sujet de satisfaction technique mais aussi une
insatisfaction économique. C'est un sujet peu abordé voire douloureux pour vous
puisqu’elle a été retirée du catalogue ?
MV : "Pour BC cela n’a pas été un flop comme certains l'ont dit. Cette clarinette
avait une cible de clientèle certes un peu étroite, mais on en vendait quand
même".
MA : "Si l’Elite n’a pas été une réussite commerciale fantastique, BC n’a pas perdu
d’argent avec mais surtout elle fut une réussite technique qui a eu un impact. Ses
faiblesses étaient le fa grave (d'ailleurs l’Elite a connu un deuxième modèle
avec correction de ce problème), une certaine fragilité qui demandait d’être
soigneux et un prix élevé qui a repoussé nombre de clarinettistes mais à part
cela, j'ai joué à travers le monde et enregistré avec ce modèle".
Pour écouter Michel Arrignon dans Rossini sur clarinette Elite : allez à 1h 01
JDT :
Est-ce que nous pouvons faire le parallèle en aéronautique avec l’avion
Concorde technologiquement avancé, qui a permis de capitaliser des avancées
pour les avions suivants mais trop coûteux pour générer des profits importants ?
EB : "En effet ! l’Elite est importante pour BC car par ses avancées, cela a permis
de faire 3 apports essentiels : sur
le plan acoustique et mécanique, ses innovations vont être utilisées sur les
clarinettes postérieures. Sur
le plan esthétique et de raffinement de l’instrument mais aussi ergonomique. Un
apport économique aussi : l’Elite a permis de recadrer BC vers le
pragmatisme et le souci de faire des clarinettes magnifiques mais aussi
rentables !Toujours
les paramètres différents à concilier …."
JDT :
je suis aussi collectionneur de clarinettes et je ne peux m’empêcher de te
poser deux questions qui obsèdent quelques clarinettistes : est-ce que BC
a réellement fait une clarinette à quart de tons ? et pourquoi la DG a été
une véritable étoile filante dans les modèles de clarinette, et pour cela si recherchée
par les collectionneurs ?
DG : "la clarinette quart de tons a réellement existé comme prototype et sur le plan
acoustique cela a été une avancée technique certaine, puis elle a été rangée
dans un coin et a disparue ! BC est prêt à la racheter pour son musée,
l’exemplaire étant unique. Espérons qu'elle vienne un jour à une vente aux
enchères…" En
ce qui concerne la DG puisqu'elle porte mon nom, ce n’est pas un bide commercial
de BC comme je l’ai entendu. Je vais te raconter la véritable histoire qui est
peu connue : J’étais en fin de carrière (je suis parti à la retraite en
1993), Paul Meyer qui affectionnait la RC m’avait demandé d’améliorer une RC
(toujours la tentation du sur mesure). La RC avait déjà été améliorée dans le
modèle Prestige grâce à un travail sur le pavillon notamment, mais Paul voulait
une facilité d’émission pour jouer le concerto de Spohr et d'autres pièces difficiles pour un concert en Suisse. (patrie de Sabine Meyer et de Thomas
Friedli, deux super clarinettistes). J’ai
commencé à agir sur le corps du bas et j'ai fait une clarinette qui sonnait pas
mal. Là je dois faire une parenthèse et rendre hommage à nos musiciens
essayeurs (notamment Arrignon, Meyer,
Baldeyrou, Moragues) qui n'ont pas peur de prendre des risques en jouant
sur des prototypes en concert car c’est autre chose que de jouer dans un local d'essayage ! Cette
clarinette donc brute de décoffrage n'avait pas d’estampille et les
clarinettistes après le concert ont bombardé Paul de questions sur cette
nouvelle clarinette « secrète » alors que l’essentiel était dû au
talent de P. Meyer ! Mais tous les musiciens sont avides de connaître les
instruments en préparation. C’est normal c’est leur outil de travail. J’ai
réalisé encore quelques innovations mineures sur ce modèle puis je suis parti à
la retraite et je n’ai pas pu la finir comme je voulais. Elle est sortie en
petite série et de suite a été vendue. Mais c’était une comète, un petit
plaisir de facteur, sans prétention, qui répondait à une commande ponctuelle
d’un musicien. Maintenant si elle est traquée aux enchères, cela me réjouit et
m’amuse. J’aurais dû en garder !"
JDT :
Une autre clarinette est apparue en 1996, qui n’a pas connu un retentissement
important mais qui continue lentement mais régulièrement à se vendre :
c’est la Vintage. Je ne comprends pas tellement sa place dans la progression
des clarinettes de BC ?
EB : "Là aussi c’est toute une histoire. En 1993 D.Gautier était parti à la retraite
et je commençais ma carrière à essayer de le remplacer. Heureusement avec M.
Arrignon nous avons pu travailler de suite en harmonie puis avec tous les
autres. Le
célèbre magazine américain « the clarinet » qui faisait autorité a
déclenché une rumeur comme quoi la fameuse R13 qui avait été considérée comme
le must aux USA était de moins en moins bonne et qu'elle n'avait plus les
qualités d’avant !"
JDT
Cela me rappelle ce que nous disait Badini (cf notre article) que les saxos Selmer
Mark VI après tel numéro étaient devenus moins bons, le vernis ayant été
changé ! Les collectionneurs continuent à véhiculer cette idée et les prix aux
enchères s’en ressentent ! mais fermons la parenthèse.
MV : "Il a fallu, vu l’impact de ces journalistes, répondre soit par le dédain et
perdre de l’image sur notre marché essentiel des USA, soit jouer le jeu et
accepter cette idée même fausse. R. Lesieux qui était un de nos ingénieurs
spécialisé dans les clarinettes basses et corps de basset, releva le défi et joua
le retour aux sources des années 50, de la perce R13 authentique(alors qu'elle
était au catalogue) En
partant de la Continental avec une perce étroite de R13 travaillée, on
cherchait au départ le son plus feutré et l’aspect rétro . on l’appella Vintage.
Le marché américain serait content, on ferait des petites séries de 30
clarinettes par mois avec un nom porteur…. On a répondu aux caprices et contre
toute attente, cela n’a pas marché ! les journalistes avaient changés de
sujets !"
EB : "Avec Richard Vieille, clarinettiste et pédagogue mais aussi ex- essayeur de Leblanc,
nous avons donc amélioré la Vintage dans une deuxième version, ce qui a permis
de la mettre au catalogue et de la vendre en Europe mais surtout en Espagne et
en Amérique Latine ! mais peu aux USA… elle est toujours au catalogue donc
produite en petite série pour cette niche étroite géographique et recherchée en
occasion par certains qui l’apprécient".
MA : "La Tosca a été créée en 2003 afin de
remplacer à terme l’Elite qui n'avait pas le succès attendu. Avec Eric Baret
nous sommes repartis de la Festival. Nous
avons aussi repris quelques innovations de l’Elite malgré sa spécificité. Notre
objectif essentiel était de finir avec la justesse relative entre les
registres, problème récurrent de la clarinette depuis Denner ! Que
de travail et d’essais ! mais nous avons réussi enfin à faire une
clarinette parfaitement juste dans tous les registres avec un beau son timbré
et centré et avec du volume. On a pris les matériaux composites Green Line, les
viroles en carbone. On
améliora les clefs avec des spatules différentes et avec des tampons en Gore
Tex et on essayé de se rapprocher aussi du son allemand (avec un évasement plus
petit et une perce assez cylindrique). On a descendu les 4 trous du corps du
bas d’1mm. Cette clarinette a été de suite plébiscitée par les professionnels.
Des centaines de clarinettistes professionnels vont aussitôt l’adopter".
JDT : C’est une date importante la Tosca arrivait à être l'aboutissement de la
plupart des modèles de clarinettes que nous avons vu en empruntant un demi
siècle d’innovations. BC avait enfin atteint ses objectifs alors pourquoi une
autre clarinette la Divine aussitôt mis en chantier ?
MV : "C’est la mentalité chez BC, toujours améliorer à cause des concurrents bien sûr mais aussi des musiciens. Au départ, nous avons toujours que des louanges du nouveau modèle sorti qui améliore le précédent puis peu à peu avec les musiciens, qui sont des pinailleurs et des perfectionnistes, mais aussi avec l’apparition de nouvelles techniques, des nouveaux appareils, de nouveaux matériaux, des nouveaux modèles chez les concurrents, on rêve de faire encore mieux. Tout cela génère des idées et des essais et avec l’expérience des uns et des autres, on arrive à préciser de nouveaux besoins, de nouvelles demandes et donc de nouveaux objectifs et rapidement le projet d'un nouveau modèle".
JDT :
Puisque Eric Baret est parmi nous, peux tu nous parler de votre dernière née,
la Divine crée en 2012 chez BC !
EB : "Comme tu l’as montré, Il y a deux familles de perces et de clarinettes
différentes chez BC. Fabricants et surtout musiciens sont attachés à l’une ou
l’autre famille. Les
clarinettistes fidèles de la perce R13 avaient la Festival et étaient
satisfaits de la progression de leur famille avec la Tosca.
Les
tenants de la perce RC avec la Prestige voulaient eux aussi leur nouveau modèle
amélioré. Dans la pratique, les innovations de chaque modèle étaient répercutées
sur les modèles anciens et on arrivait peu à peu à un rapprochement de ces deux
familles de clarinettes. Pour
la Divine la perce choisie fut la RC
que P. Meyer affectionne, perce large produisant un son plus rond qui fut
améliorée notamment par un travail complexe sur le pavillon. Mais l'objectif poursuivi était de garder les qualités d’intonation et de justesse
de la Tosca qui devenait maintenant la référence mais dans une perce et un
modèle différent. Pour cela il a fallu modifier beaucoup de choses".
MA : "La perce plus large a une facilité d’émission plus difficile car elle demande
plus d’air mais et c’est cela qui est vraiment incroyable, elles ont toutes le
son BC. Même la E13 qui n’est qu'une bonne clarinette d’étude (sans doute une des meilleures sur le marché) réalisées
ici à Mantes a le son BC. Cela tient aux outils, aux savoir faire, aux
matériaux utilisés…."
EB : "La Divine est exclusivement en bois et reprend les innovations des modèles
précédents notamment de la RC et de la Tosca (notamment le clétage) et en
ajoutent de nouvelles (les trous sont différents), le corps plus long comme la
RC… La
RC était lourde et notre objectif était d’alléger la Divine en utilisant les
viroles en fil de carbone (de l’Elite) et alléger la clarinette (150g de moins).
De plus le carbone facilite l’émission du son, étant plus souple que le métal
et serrant moins le bois. Une
autre innovation a été d’éviter les condensations stagnantes qui obstruent les
trous et humidifient trop les tampons et qui créent des micro fentes d’où des
cheminées avec des inserts en GL pour les trous supérieurs (mais cela fait deux
siècles que des facteurs avaient inventés les inserts). Nous
avons aussi supprimé les lièges naturels des tenons qui posent des problèmes à
terme d’étanchéité, de remplacement fréquent et d’action négative sur le son.
Nous avons désormais un nouveau matériau le liège synthétique en polymère qui
ne se rétracte pas, ne s’use pas facilement et reste étanche, et cela agit aussi
sur le son. Pour
améliorer les tampons, qui ont une influence importante pour l’intonation et la
sonorité, nous les avons pris en Gore Tex déjà utilisé. Tout
cela concourt à faire une clarinette, chère bien sûr mais au top niveau".
MV : "On le voit beaucoup de mini-objectifs à résoudre qui paraissent secondaires
pour un non initié mais qui sont importants pour un professionnel (comme le
réglage d'une voiture de course pour un pilote). Les musiciens progressent sans
cesse, s’enregistrement et sont de plus en plus exigeants et l’on sait comme le
dit le proverbe que le diable se niche dans les détails. On le voit, les nouveaux
matériaux deviennent fondamentaux".
EB: " D'abord se laver les mains avant (dans l'eau chaude cela est bon aussi pour les
articulations) la nettoyer après usage notamment les clés, sécher les tampons
avec du papier à cigarette, la démonter pour ne pas comprimer les lièges des
tenons, passer un écouvillon fin sans racler la perce sans cesse, graisser les
lièges, ne jamais la mettre près d'un endroit chaud ou froid, huiler les trous
et la perce que rarement et légèrement avec une huile adéquate… cela paraît
banal mais beaucoup d’étudiants ne le font pas et abîment leurs
instruments !"
MA : "Pour prolonger sa clarinette qu'on aime sans avoir envie ou les moyens
d’acheter un autre modèle, BC a crée il y a 3 ans la marque ICON avec des
barillets et des pavillons qui s'adaptent (à part l’Elite) et qui donnent un plus à votre RC, festival, prestige… C’est un accessoire essentiel pour
customiser et modifier en gardant l'essentiel de son instrument. Nous sommes
partis du fameux vieux barillet Möenig à cône inversé (style sablier) qui donne
un son timbré plus fort et clair et une émission plus facile. Le pavillon a une
base plate, comme l’Elite".
EB :
Certains musiciens sont conquis par ce relookage ICON car une clarinette est
comme une pipe, il faut qu'elle soit culotée afin de donner le maximum et
changer de barillet et pavillon mais aussi d'autres accessoires permettent de
garder la même clarinette tout en continuant à progresser.
Les
accessoires sont essentiels mais c’est un sujet connexe : bec, anches,
ligatures… Le son dépend tellement de la vibration de l’anche donc de sa
qualité et de son usure mais aussi de la ligature et du serrage, Notre
fournisseur H&B pour moi est le meilleur (c’est aussi le fournisseur de
Selmer d’ailleurs).
JDT : "Analysons maintenant le rôle des musiciens essayeurs, véritables conseillers
techniques. Dans l'histoire de notre instrument, il y a toujours eu une forte
relation voire une intimité entre les facteurs et les musiciens (les 3 frères
.’. Lotz, Mozart et Stadler avaient inauguré cette relation étroite). Bien sûr
les stars sont aussi les ambassadeurs de la marque voire d’un modèle. La
politique de BC a toujours été de choisir les meilleurs solistes et professeurs. La
liste des essayeurs de BC se confond avec la lignée des grands
clarinettistes : en commençant par Klosé le virtuose, pédagogue et
co-concepteur de la clarinette moderne système Boehm, professeur au
conservatoire de Paris".
MA : "En effet il y a eu les grands solistes et professeurs : Rose (encore
célèbre par ses études jouées), Henri Lefèvre, Lancelot, Deplus, Moraguès, Meyer…et d'autres mais n'oublions pas aussi les autres instruments : les petites
clarinettes avec Maurice Briançon, la clarinette basse avec Georges Pigassou,
les hautbois avec Myrtyl Morel et Pierre Pierlot, le basson avec Allard et
Oubradous, les saxophones avec Lhomme et Deffayet etc… que des grands ! Quelle
est la part des musiciens dans l’évolution d’une clarinette, l’essayeur a t-il
une importance réelle de conseiller technique ?"
MV : "Nous avons vu que Buffet a toujours privilégié l’osmose entre facteur et
musicien. Des grands clarinettistes ont permis de donner des idées, voire même
des innovations, de régler les instruments et bien sûr d'avoir un impact
commercial en drainant les acheteurs potentiels vers ces nouveaux modèles".
DG : "Mon expérience a été d’écouter les demandes des virtuoses et de traduire celles
ci afin d’essayer de trouver des réponses. Améliorer une clarinette est
empirique et c’est une prise de tête permanente car en corrigeant un aspect, on
malmène un autre aspect et on déséquilibre l’ensemble".
MV : "A chaque avancée, nous techniciens avons résolus quelques problèmes qui peuvent
paraître mineurs (mais pas pour les professionnels) et sommes heureux de les
présenter dans un nouveau modèle. C’est comme cela qu'il faut comprendre la
succession des modèles et non pas uniquement par un effet marketing de relookage
de la clarinette afin de faire une nouveauté à chaque décennie. Mais
bien sûr ils sont aussi ambassadeurs de la marque et du modèle et quand par
exemple Lancelot allait au Japon former l’école japonaise de clarinette, il est
évident qu'il a fait connaître BC. Mais je le répète tout est affaire de goût,
nous techniciens améliorons l’instrument petit à petit objectivement mais vous
clarinettistes, vous choisissez subjectivement l’instrument qui vous convient. La
divine est un bijou mais tu préfèreras peut être garder ton Elite ou un autre
sa Tosca?"
JDT :
On voit bien une double dimension : chaque modèle de clarinette apporte
des améliorations dans l’évolution de cet instrument car chaque modèle a sa
spécificité.
Quand
nous essayons les différentes clarinettes, on trouve un modèle avec lequel on
se sent mieux et cela dépend tellement de notre morphologie, du son que l’on
recherche pour la musique que l’on joue, des becs et anches que l’on utilise
(plus de la moitié de la valeur du clarinettiste selon Lancelot !). Cet
objet est le prolongement de nous même et jouer sur tel modèle est souvent révélateur. Et puis on s’habitue à son
instrument, on corrige les défauts inconsciemment, on compense et puis on
accumule les souvenirs et après il est difficile de se séparer de son instrument, certains en parlent comme
d’un être aimé !
Se
faire voler son instrument est souvent un véritable traumatisme ! (cf mon
analyse sur la psychologie du collectionneur sur l’attachement à un objet dans
ce blog)
MV :
Cela m’a toujours surpris de voir les relations entre un musicien et son
instrument, à le caresser, le nettoyer, l'amener anxieux au premier dérèglement
comme certains amènent leur enfant chez le docteur… je suis d’accord, c’est plus qu'un objet, plus qu’un outil de travail, c’est une partie et c’est
pourquoi certains ne changent pas facilement de modèle, j'allais dire de
partenaire" !
JDT : J'aimerais savoir qui recrute les essayeurs clarinettistes chez BC . Un
ancien élève et ami de Lancelot m’a assuré que c’est Lefevre (cf article
précédent) qui l’a choisi comme son remplaçant. Est ce que cette cooptation entre les
meilleurs se fait entre eux ou est-ce BC qui choisit le clarinettiste star
de la maison ? et puis être un excellent clarinettiste est une chose, analyser
et faire des recommandations d’améliorations en est une autre, non ?
DG : "Ce sont tous des grands instrumentistes évidemment mais aussi capables d'analyser les qualités et défauts d'un prototype, d'aider les techniciens à
modifier l’instrument, de préciser les besoins, d’être toujours en recherche
d’amélioration".
EB : "Il faut plus que bien jouer. C’est vrai Baldeyrou a été présenté par Arrignon,
moi aussi d'ailleurs ! tous les solistes se connaissent et peuvent
détecter les qualités requises. La décision est collective, puisque nous
travaillons étroitement ensemble mais la personnalité du postulant rentre aussi
en ligne de compte. Mais
chez les autres facteurs, c’était identique notamment Selmer (Dangain),
Leblanc (Barras, Vieille) et Couesnon (Périer) qui étaient d'excellents essayeurs.
JDT :
Mais l’essai n’est-il pas faussé ? les stars de la clarinette qui sont vos
essayeurs qui jouent de la clarinette toute la journée et depuis des décennies
au plus haut niveau peuvent-ils choisir la clarinette d'un élève moyen de
conservatoire ? Ne
jouez vous pas sur l’identification à une star comme tous les autres
produits ?
EB : "C’est évident, tout marketing est basé là dessus. Mais actuellement les
recherches analysent aussi des étudiants de différents niveaux pour voir leurs
problèmes ergonomiques, d’émission du son, de sonorité, leurs harmoniques…. afin
d’affiner les clarinettes d’études. Pour les étudiants du CNSM ou les pros, ils
sont déjà des maitres de leurs instruments voire des stars en devenir. Ils se
retrouvent complétement chez BC avec nos modèles essayés par nos virtuoses".
JDT :
Les clarinettes ont connus différents matériaux, différents bois, dont le buis
et le palissandre, puis la mode de la clarinette en métal américaine qui dura
quelques décennies (et Buffet a été obligé de suivre cette mode). Buffet
a toujours expérimenté des matériaux et il faut se rappeler que le matériau est
important mais quand même secondaire sur le plan acoustique. Rappelons
l’exemple fameux du Concerto de Mozart joué par Parès, soliste de la Garde
Républicaine qui joua derrière un paravent avec une clarinette en métal qui à
l’époque était vouée aux gémonies et là surprise générale, personne ne l’avait
reconnue ! Puis Goodyear inventa l’ébonite (qui est du caoutchouc vulcanisé) et
Baekeland la bakélite (qui est du plastique polymère) notamment utilisé pour
les becs et les clarinettes d’études. Aussi on ne peut pas parler de Buffet
Crampon sans analyser son nouveau matériau original le Green Line?
MV : "Nous avions beaucoup de poudre d’ébène comme rebut et il était difficile de le
réutiliser ainsi à cause des particules métalliques infimes dus aux appareils
de perce. Un
architecte inventeur M. Pierre Laurence a trouvé vers 1990 un procédé pour
refaire de la poudre pure d’ébène. Nous travaillons avec lui sous licence et
actuellement il récupère régulièrement chez BC les rebuts et la poudre d’ébène
qui reviennent chez BC purifiés en sac de poudre pure".
DG : "BC a eu l’idée de chauffer cette poudre pour faire une pâte mais en ajoutant de
la fibre de carbone, c’est à dire constituer un nouveau matériau composite en
espérant un plus sur les plans à la fois acoustique et mécanique. Rappelons que le matériau composite est constitué d'au moins deux
constituants dont les qualités respectives se complètent pour former un
matériau aux performances globales améliorées".
EB : "À partir de 1994, Buffet lance les clarinettes Green Line sur
son modèle Prestige composées de 95% de poudre d'ébène chauffée et de 5 %
de fibres de carbone + ? (secret). En fait le GL possède surtout des
qualités mécaniques (plus solide, léger et souple…) avec un meilleur retour en
bouche, tout en gardant les qualités de l’ébène. Ce nouveau matériau va donc
s’imposer. Si la poudre d’ébène est un sous-produit peu coûteux, la fibre de
carbone, elle, est très chère et ce matériau composite reste réservé aux
clarinettes de luxe. On voit bien que l'avenir viendra des ingénieurs dans la
résistance et acoustique des matériaux…"
MA : "Il y a des adeptes du bois et du GL ! Ce matériau a peu
de qualités acoustiques supplémentaires vraiment prouvées pour le moment (tests
en aveugle entre deux clarinettes du même modèle bois et GL) mais la recherche
y travaille notamment sur l’homogénéité du son. En regardant la perce d'une GL,
on voit bien que c'est extrêmement lisse, ce qui améliore l’acoustique (puisque
c’est la surface polie de la perce qui contribue à donner un beau son) mais une
perce bien polie et huilée régulièrement d'une clarinette en ébène peut être
aussi lisse. Et puis le clarinettiste compense instinctivement et retrouve assez
vite en fait sa sonorité avec des clarinettes différentes et cela rend la
comparaison très subjective".
JDT : la GL s’inscrit
aussi dans l’évolution actuelle écologique. il faut plusieurs décennies pour
faire un arbre utilisable dans la savane dans une région très localisée
(Tanzanie et Mozambique) et nous voyons bien partout l’épuisement des ressources
naturelles. La GL n’est pas une mode mais
un substitut à l’ébène de qualité, bois qui n’est pas reproductible facilement.
Nous avons connu ce phénomène avec le palissandre de Rio qui a été vite épuisé
et désormais protégé. Mais
d’où vient le nom Green Line ? les mêmes modèles actuels se vendent en
bois ou en GL. Qu'est-ce qui se vend le mieux ?
EB : "Green Line veut dire bien sûr « ligne verte » et les instruments BC
en GL ont eu une ligne verte discrète imprimée. D’ailleurs
BC a eu une subvention et un prix lié à la défense de l'environnement et
certains musiciens sensibles à cette question ne joueront que sur GL, choix
plus idéologique et écologique que musical j’en conviens; Mais ceci est à
prendre en compte, comme certains musiciens français et du monde ne joueront que
sur des clarinettes made in France ou BC ! mais pour te répondre, les ¾
des clarinettes vendues chez BC sont encore en ébène".
JDT :
Il y a aussi un nouveau matériau qui s’impose : les tampons en Gore Tex,
peux tu nous en dire quelques mots ?
DG : "Ce matériau a été inventé par deux américains Messieurs Gore père et fils en
1969 qui ont étiré du téflon créant un nouveau matériau qui empêche le passage
de l'eau mais permet la transpiration d’où des vêtements imperméables
confortables et ce qui n’était pas prévu … des tampons de clarinettes. En effet M. Guerniou a transposé ce matériau
chez BC. Sur le plan acoustique, la sonorité est bonne, le tampon ne se gorge pas
d’humidité, il est relativement solide et il n’est pas d’un coût élevé".
JDT :
L’évolution de la clarinette a toujours connu de nouveaux matériaux. Faisons un
petit tour d’horizon : bois, clés, ressorts, tampons etc….
MV : "La clarinette est passée du buis et de l’arbre fruitier au palissandre et à
l’ébène (avec des exceptions comme le métal, l’ébonite, la bakélite, le
plastic, la résine…). Actuellement
les matériaux composites commencent à remplacer le bois mais rien
n’empêche de faire une clarinette dans un autre matériau. Les
clés en laiton ont laissé la place au maillechort chromé (avec des exceptions
en argent, or…) J'ai travaillé toute ma
vie le maillechort et je verrai peut- être un jour des clefs réalisées dans un
nouveau matériau révolutionnaire et plus performant ! qui sait ? Les
ressorts des clés qui étaient des lamelles de laiton puis de maillechort, sont
faits dorénavant en acier bleuté et certains sont des ressorts aiguilles
(brevet A. Buffet). Ils
ont été au départ fixés sur le bois puis rapidement ont été rivetés, vissés,
soudés sur les clés. Les
tampons ont connus aussi beaucoup d’évolutions : feutre, baudruche, cuir,
liège, gore tex...Les
bagues ou viroles ont été en corne, ivoire animal, laiton, maillechort, en
bois, en ivoire végétal ou elforyn, en résine, en fibre de carbone, en matériau
composite…"
Clarinette Buffet Crampon vers 1850. (Collection RP) |
Divine BC |
"Les
becs en bois ont été remplacés par le caoutchouc ébonite, le verre dit cristal
voire le plastic bakélite, Les
ligatures qui étaient en ficelle au départ ont connues divers métaux laiton et
maillechort surtout, le cuir, le plastic etc…Les
anches elles n'ont pas trop variées quoi qu'il y a eu des anches plastifiées…Les
tenons ont connu la ficelle puis le liège naturel et maintenant le liège
synthétique.
Tout
ceci montre l’évolution permanente et l'avenir se fera surtout avec
l'utilisation de nouveaux matériaux car nous arrivons à l'optimisation des
matériaux traditionnels".
EB : "BC est très attentif aux nouveaux produits crées dans d'autres secteurs
d’activité et analyse de suite si une application est possible sur les
instruments à vent améliorant ainsi une composante de l’instrument. La plupart
des clarinettes vendues utilisent ces matériaux modernes".
DG : "Depuis toujours l’évolution de la clarinette progresse mais ce n’est pas un long fleuve tranquille et cela n’a pas été linéaire. Il y a eu des modèles qui ont permis des sauts qualitatifs techniques, d'autres ont été moins probants, certains modèles ont été des réussites commerciales, d'autres plus mitigées mais BC continue de progresser et pour moi comme pour vous, musiciens, c’est ce qui importe".
DG : "Depuis toujours l’évolution de la clarinette progresse mais ce n’est pas un long fleuve tranquille et cela n’a pas été linéaire. Il y a eu des modèles qui ont permis des sauts qualitatifs techniques, d'autres ont été moins probants, certains modèles ont été des réussites commerciales, d'autres plus mitigées mais BC continue de progresser et pour moi comme pour vous, musiciens, c’est ce qui importe".
JDT :
Buffet a entrepris une politique de diversification de produits qui en fait le
n°2 des leaders du marché des instruments à vent. Le groupe Buffet s’est étoffé
en rachetant des sociétés reconnues pour la qualité de leurs produits dans d'autres instruments à vent en France comme Courtois spécialisé dans les
cuivres (trompettes, trombones, tubas) ainsi que la société Besson (cornets,
euphoniums) et en Allemagne avec les marques de cuivres B&S, les cors
Hoyer, les saxophones et clarinettes Keilwerth, les percussions de Meinl
Weston, les trompettes de Scherzer, les becs, les clarinettes d’études et saxos
de Schreiber… et il reste à trouver encore un facteur réputé de flutes à
acquérir pour avoir toute la famille des instruments à vent. Buffet
a aussi élargi la gamme de ses produits en produisant des instruments d’étude tout en continuant à garder le leadership sur
les instruments haut de gamme. La marque sert de référence globale de qualité
mais c’est surtout pour nous le modèle qui importe. Le
groupe Buffet a aussi délocalisé la production dans différents pays, mais garde
t-il les instruments de luxe et de prestige en France ?
"Intervention
de Jerôme PERROD : Le fonds d'investissement Fondations Capital a été crée
en 2007 et c’est un fonds entièrement français actionnaire notamment de
Courtepaille… Il a acheté en 2012 la société Buffet group pour 58 millions
d’euros. Buffet group fait un excédent ou bénéfice brut d’exploitation autour
de 10% de son chiffre d'affaires et 8% de sa valeur ce qui en fait une
entreprise saine. Après Antoine BEAUSSANT qui a développé l’entreprise, je suis
le nouveau Président du directoire depuis juillet 2014. Buffet
group, surtout installé en France, vend 93% des instruments en dehors de notre
pays. Buffet group est en croissance régulière et sa production comprend 70% de
clarinettes. Grosso modo, le groupe Buffet a fait 80 millions d'€uro de chiffre
d’affaires en 2014, produit plus de 70 000 instruments avec 700 salariés dans
le monde. Il reste leader pour les clarinettes de luxe professionnelles mais
est co-leader avec Yamaha en général. Buffet
a crée 3 agences aux USA, Japon, Chine (et pas des usines !). Les
marques et usines rachetées restent dans les lieux d’origine (exemple B&S à
Markneukirchen, Courtois à Amboise…). Les
clarinettes d’études Buffet se font aussi en Allemagne chez Schreiber (sauf la
E13 qui est la meilleure clarinette d’étude de chez BC et qui est fabriquée à
Mantes). Chaque
usine a son management, son bureau d’études, sa production de modèles et
d’instruments. L’entreprise n’est pas cotée en bourse au second marché".
JDT :
On l’a vu, BC est souvent à la pointe des innovations et élabore des
clarinettes parmi les meilleures du monde mais très chères. Bien sûr en
conséquence BC subit le copiage et la contrefaçon, non ?
EB : "Dès la sortie d'un instrument, tous nos concurrents l’analyse en détail (comme
pour les fabricants de voitures par exemple), démontent tout, puis imitent,
copient les matériaux, retrouvent les savoir-faire ou essaient du moins. BC
se protège par de nombreux brevets, mais certains trouvent des variantes qui les
détournent et ils progressent en vendant des bonnes clarinettes (pas au niveau
de BC bien sûr) mais à des prix moins élevés. Mais c’est partout pareil. Notre
nouveau Président, comme il te l’a dit, vient d'un autre secteur de l’artisanat
de luxe la cristallerie et est rompu à cette défense du savoir-faire de luxe
français copié et attaqué par la concurrence et la massification des produits imitant
le haut de gamme".
MV : "Il est impérieux pour l'avenir de réussir nos recherches dans des matériaux nouveaux (polymères et autres résines) permettant plus de robotisation et de séries en restant acoustiquement corrects car notre coût du travail malgré nos efforts de productivité ne peuvent être concurrentiels avec de nombreux pays. Par contre les recherches en acoustique sont à la pointe en France notamment avec l’IRCAM (les harmoniques impaires des clarinettes sont vraiment disséquées !). Notre avantage concurrentiel est là car la lutte dans un univers ouvert mondialisé sera dure".
MV : "Il est impérieux pour l'avenir de réussir nos recherches dans des matériaux nouveaux (polymères et autres résines) permettant plus de robotisation et de séries en restant acoustiquement corrects car notre coût du travail malgré nos efforts de productivité ne peuvent être concurrentiels avec de nombreux pays. Par contre les recherches en acoustique sont à la pointe en France notamment avec l’IRCAM (les harmoniques impaires des clarinettes sont vraiment disséquées !). Notre avantage concurrentiel est là car la lutte dans un univers ouvert mondialisé sera dure".
MA : "Si BC est encore le leader incontesté dans le très haut de gamme de luxe pour
professionnels, les facteurs asiatiques prennent des parts de marché sur les
clarinettes d’études moins exigeantes en qualité. De plus le marché est
désormais asiatique aussi ! Combien d’asiatiques apprennent la
clarinette ? et comparons aux nombre d’étudiants européens ? Je pars
ces jours ci encore faire des concerts et des master class en Asie. José, tu
étais au dernier concours international Debussy, combien de candidats étaient d'origine asiatique notamment japon, Corée, Chine ? A
chaque concours un peu plus et ils sont à chaque fois meilleurs".
JDT :
Maurice, tu es à la retraite depuis 22 années et tu continues à vivre dans l'orbite de BC d’où le titre de notre entretien : rester au cœur de BC et
l’avoir toujours dans son cœur.
MV : "Je reste un passionné des instruments à vent et notamment de la clarinette et
je reste en contact avec l'entreprise, à suivre l’évolution du métier, les
innovations, les musiciens ! Je vis à Mantes pas loin de l'entreprise comme
Daniel Gautier et je déjeune souvent avec les uns et les autres, restant au
courant de l’évolution et la vie de l’entreprise. Je ne peux pas vivre loin de
«mon» usine et de son esprit d’innovation. Et puis j'ai encore un rôle, celui
de m’occuper de la collection interne de BC, «du musée où il y a de vraies
merveilles reprenant ta phrase». Je suis aussi la vigie sur les enchères et les
collectionneurs publics et privés… Nombre
de collectionneurs de l’ACIMV, d’antiquaires, des réparateurs me demandent des
précisions voire mon expertise. Je reste donc, comme tu le dis, une mémoire
d'une époque de BC, comme Daniel, et je suis fier d'avoir contribué toute ma
vie à cette œuvre collective qui est de faire de beaux instruments à vent au
service de la musique".
José-Daniel
Touroude tient à remercier les différents personnes acteurs de premier plan (Messieurs
Vallet, Baret, Arrignon, Gautier) qui ont répondu à toutes ses questions avec
gentillesse et compétence.
je comprends mieux pourquoi ma vieille clarinette des années 60 est en train de me lâcher malgré une remise à neuf récente par un artisan diplômé. Ma vieille buffet meurt tous les jours un peu plus.Que faire à part se désoler.? dj
RépondreSupprimermalgrés tout cet investissement en R&D, pas moyen de trouver une clarinette UT juste sur l'essentiel de sa tessiture.
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