José Daniel TOUROUDE.
Biographies et contexte :
Dans cette première
moitié du XIXème siècle, les récents États Unis d’Amérique sont passés assez
rapidement d’une facture naissante et artisanale à une production industrielle
florissante.
Graves est emblématique
de cette évolution car il créa la 1ère manufacture d’instruments à vent aux
États Unis.
Signature sur un Trombacello du National Music Museum de Vermillion. |
Néanmoins avant Graves, il existait quelques artisans américains regroupés dans les grandes villes de la Côte Est (Philadelphie, New york, Baltimore…) qui fabriquaient localement des belles clarinettes comme Eisenbrandt etc…
Signature sur une clarinette en do du MET Museum. |
Samuel Graves junior se démarque de ses contemporains car il fut un facteur talentueux mais aussi un entrepreneur dynamique dans la fabrication d’instruments à vent aux Etats Unis.
Né en 1794 à Boston dans un contexte favorable (un pays juste indépendant et voulant se developper, dirigé par le 1er président Georges Washington), Samuel Graves va créer son entreprise d’instruments à vent en regroupant divers associés (son frère Cyrus, Charles Alexander, Henry Anderson, S.W. Richardson, J. Keat).
Il fondera l’entreprise Graves and Co entre 1824 et 1845 permettant d’une part des regroupements de fonds permettant une industrialisation mais d’autre part des synergies de savoir-faire différents (exemple : Keat était un spécialiste des cuivres).
Graves a été aussi un des premiers américains à mécaniser la fabrication d’instruments à vent, grâce à l’énergie de la rivière Ashuelot (affluent de la rivière Connecticut), où il avait installé ses ateliers dans une petite ville du New Hampshire : Winchester.
Winchester est une petite ville du New Hampshire, proche du Québec fondé par des canadiens français (1/4 de la population ancestrale) et par des puritains anglais.
Le centre de Winchester à l'époque de Graves and Co. |
En effet,
les clarinettes jouaient de la musique de chambre vers 1820-1830 notamment au
Haendel - Haydn Society à Boston. De plus elles étaient indispensables aussi
dans la musique symphonique (l’orchestre symphonique de New York date de 1842
suivi de celui de Boston peu après). Enfin elles
étaient omniprésentes, d’une part dans la musique populaire des villages et des
villes naissantes et d’autre part dans les musiques militaires des armées. Vu la demande, Il
fallait passer de l’artisanat à la production industrielle et Graves fut le
premier américain de cette jeune nation, à être un grand facteur industriel diversifiant
les instruments à vent.
Cornet en Eb de Graves and Co. Nat. Music Museum de Vermillion. |
Malgré la demande importante d’instruments à vent, peu à peu
les facteurs américains par la
qualité et la quantité de leurs instruments satisfaisaient
en grande partie le marché intérieur et pouvaient rivaliser avec les meilleurs
d'Europe. Ce fut le cas de
Samuel Graves.
Analyse des clarinettes Graves & C0 à partir de deux clarinettes de notre collection.
Analyse des clarinettes Graves & C0 à partir de deux clarinettes de notre collection.
L’estampille
montre l’aigle américain, qui est un pyrargue ou aigle pécheur aux ailes
déployées avec dans ses pattes des flèches et la branche d’olivier. Il est le
sceau et le symbole officiel, adopté par le Congrès des Etats Unis d’Amérique
en 1789. Il est inscrit sur les dollars et sur tous les papiers officiels. Il
est le signe affiché du patriotisme. De plus le New Hampshire fut le 1er
Etat à se déclarer indépendant de l’Angleterre et fut un des Etats fondateurs
des Etats Unis d’Amérique.
Sa facture est
anglaise, la plupart des clarinettes existantes provenant de l’armée coloniale anglaise,
des immigrants, des revendeurs d’instruments importés étant de ce style. En
conséquence, les facteurs et réparateurs ne connaissaient que ces instruments
et il est donc logique que le jeune Samuel Graves ait fait son apprentissage et
ait connu surtout la facture anglaise qui était réputée à l’époque.
Les spécificités de la facture anglaise ont des caractéristiques originales par rapport aux autres clarinettes européennes de la même époque, ce qui permet de les reconnaître de suite, en voici quelques unes :
Les spécificités de la facture anglaise ont des caractéristiques originales par rapport aux autres clarinettes européennes de la même époque, ce qui permet de les reconnaître de suite, en voici quelques unes :
Le bec dispose d'un tenon beaucoup plus
long (le double) rentrant dans le barillet et qui permet,
en le tirant, de s'accorder.
Les deux clarinettes Graves disposent d'un bec à long tenon
d'origine quoique non signé comme souvent à cette époque.
La
forme du barillet est différent car il est creusé au centre et non bombé comme
les barillets continentaux
et très renflé à l'extrémité en bas se terminant par une bague en ivoire très
large.
Les 2 clarinettes Graves disposent d’un barillet
typiquement anglais.
Les deux barillets. |
Les clés sont montées sur des blocs tournés dans la masse du
buis (anneaux et bulbes), ce qui permet de mettre des tiges en laiton pour
fixer les clés. Le bulbe anglais est caractéristique car il est coupé. Il
s’allégera de plus en plus.
Nous en avons un exemple en comparant
les deux clarinettes Graves qui ont moins de 20 ans de différence.
Clés montées sur blocs, avec bulbe anglais typique. |
La grande clé de fa# est en zig zag, formant un angle caractéristique.
La clarinette Graves à 8 clés a cette spécificité, mais plus la clarinette 13 clés.
Clé de Fa diése en zig zag. |
Le
montage des clés se font sur des blocs et des guides sculptés dans la masse en
buis et non
avec
des pièces métalliques rajoutées comme les autres clarinettes même quand elles
auront 13 clés.
Les clarinettes Graves, comme les
anglaises ont cette spécificité.
Le pavillon
anglais est assez droit alors que les autres évasent plus leurs pavillons de
clarinettes.
Blocs
et guides en bois qui vont passer de l’anneau en 1825 à des blocs plus légers
en 1845 chez Graves.
|
Pavillon évasé autrichien Schemmel comparé au pavillon Graves de type anglais à la même époque. |
Notre clarinette 8 clés de Graves and Co, peut être comparée à une clarinette 5 clés en Si bémol du Métropolitan Museum. Elles sont pratiquement identique. Ce qui
diffère est minime étant lié à l’adjonction de 3
clés supplémentaires : le deuxième anneau du haut présent chez la 5
clés s’est réduit à un bloc en bois et trois autres blocs en bois apparaissent
et permettent de fixer et guider les 3 clés supplémentaires du corps du haut
chez la 8 clés. Si on la compare avec
d’autres clarinettes Sib de la même époque et anglaises, on voit que la
clarinette Graves Sib à 8 clés est tournée de façon assez rustique, lourde (400
g avec le bec) par rapport aux autres clarinettes anglaises (dont l’épaisseur
du buis est plus fin, faisant des instruments plus légers et fragiles, comme
sera la 13 clés quelques années après.)
Clarinette en Ut à 13 clés :
Clarinette 5 clés en Si bémol du Met de Ney York. |
Graves en partant du
modèle anglais a su faire évoluer la clarinette en quelques années en
empruntant ce qui se faisait de mieux en Europe. Ce qui reste de la facture
anglaise : le bec à long tenon, le barillet bombé à l’anglaise, la bague
large du barillet, la forme des blocs en bois, le bulbe coupé… mais incorpore
des innovations : lièges des tenons, rouleaux dans les clés…
Les rouleaux pour glisser d’une clé à l’autre ont été inventés par le clarinettiste français César Janssens en 1823 (exposition de Paris) et les allemands l’utiliseront beaucoup. Les français avec l’apparition du système Boehm quelques années après n’en n’auront plus l’utilité.
On peut même voir sur une autre clarinette célèbre de Graves avec une clé inversée à la Simiot.
Après
1840 une des caractéristiques des clarinettes anglaises sera la grande clé de
sol#.
La clarinette Graves en Ut à 13 clés dispose de cette clé.
Pour l'anecdote nos deux clarinettes Graves and Co
proviennent d’une réserve d’un musée américain qui les a vendu aux enchères.
Clarinette en
grenadille avec 13 clés en argent, avec les rouleaux Janssens et clé à la
Simiot (Métropolitan Museum de NY) |
La clarinette Graves en Ut à 13 clés dispose de cette clé.
Clarinette en Mi bémol du musée de Vermillon. |
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