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La prochaine vente de Vichy du mois de mai 2019 propose une magnifique clavi-harpe de Dietz. Nous avons voulu en savoir un peu plus sur ce facteur et sur cet étrange instrument.
Jean Chrétien Dietz, premier de cette génération est né à Darmstadt dans le canton de Hesse en Allemagne en 1778. Né dans une famille d'origine viennoise, il était mécanicien et s'installa sur les bords du Rhin à Emmerich. C'est là que naissent ses enfants et une de ses premières inventions musicales : le mélodion (1805), petit piano carré proche du phys- harmonica. Ses sons proches de ceux de l'harmonica étaient produit par le frottement de tiges métalliques. Ses voyages en Hollande lui donnent l'occasion de présenter son invention dont il vendra quelques exemplaires, lui permettant de créer une société de fabrication d'instruments de musique et d'objets de mécaniques.
Mélodion de Jean Chrétien Dietz vers 1805
(Grassi Museum N°357)
Dans la même période il met au point une harpe éolienne dont les deux cotés sont montés avec des cordes à boyau.
Harpe d’Éole. Vers 1805
(Collection MIM N°1512)
Il réalisa également la calipsonance, formée d'abord de diapasons puis ensuite de tiges métalliques placés verticalement sur des règles en sapin, sur lesquelles ont été collé des bandes de verre, frottées par les doigts. Suivra le Trochléon, une sorte de piano à archet circulaire, type Geigenwerk. En 1813 il est appelé à Paris par le Comte de Montalivet, ministre de Napoléon pour mettre au point des moyens mécaniques destinés à creuser des canaux. Installé à Paris en 1813 , il obtient un brevet de 10 ans le 18 février 1814 pour l'invention de sa Clavi-Harpe ou Harpe à clavier. En 1816, il obtient un brevet pour : "Un moteur à vapeur applicable aux mécaniques" qu'il vend à Théophile Cauchoix en mai 1817. En 1819 il participe à l'exposition de Paris où il présente sa clavi harpe. Il n'obtiendra aucune récompense. (Dietz et Cie 6 rue Notre Dame de Nazareth) Cette même année J.C Dietz quitte Paris pour créer une usine de machines hydrauliques à Bruxelles. Son fils Christian (Chrétien) Dietz (1804-1888) suivant l'exemple de son père apportera dès l'âge de 15 ans des améliorations à la clavi harpe.
Signature du brevet de la clavi-harpe. (Source INPI)
Texte du Brevet de la Clavi-Harpe. (Source Inpi)
Cette harpe à clavier possède des touches qui font mouvoir de petits crochets, garnis de peau et qui pincent les cordes de métal filées de soie. Deux ou quatre pédales permettent de modifier le son. Cette invention sera exploitée par les 3 générations de la famille Dietz jusqu'à la fin du XIXème siècle.
Mécanisme d'une clavi-Harpe.
D'abord installé rue Notre Dame de Nazareth puis au 36 rue des petits Champs, ses ateliers seront ensuite transférés au 26 rue Bondé, puis 13 rue Neuve des Capucins pour arriver au 53 rue Fontaine Saint Georges. Christian Dietz participe à l'exposition de Paris de 1827 et obtient une médaille d'argent pour la présentation de sept instruments à clavier dont une clavi-harpe et un grand piano à queue à quatre cordes.
Il fabriquait des pianos de toutes formes : ovale (1822), trapézoïdale (1824), ogivale (1826). En 1824 il invente un aérophone dont les lames métalliques sont mises en vibration par le vent.
Aérophone de Charles Dietz (1824)
Musée de la musique de Paris
Photo de Charles (Christian) Dietz (1804-1888)
Voiture à vapeur de Charles Dietz. (Source INPI)
Non seulement Charles (Christian) Dietz était inventif au niveau des instruments de musique, mais il l'était également au niveau des machines à vapeur. Il obtint notamment un brevet en 1841 pour "une voiture à vapeur dite remorqueur voyageant sur des routes ordinaires."
Le violon selon C. Dietz. (Musée MIM de Bruxelles)
Il obtient un brevet le 15 mars 1856 pour un piano à queue verticale. En 1860 il met au point un violon qu'il lègue au MIM de Bruxelles. Il décède à Paris en 1888. Son fils Christian Dietz sera lui aussi ingénieur, fabricant de pianos et de harpes à Bruxelles. Il obtiendra pour ses clavi-harpes une médaille d'argent à l'exposition universelle de Paris en 1889 et une d'or à celle de 1897.
Clavi-Harpe de Christian II Dietz.
Scenkonst Museet Stockholm
Le XIX°
siècle, avec l'avènement de la musique romantique voit se développer l'intérêt
pour la guitare. De nouveaux virtuoses de l'instrument, comme Fernando SOR se
produisent dans toute l'Europe. Certains inventeurs cherchent à développer la
guitare classique, c'est le cas de J.F. SALOMON et de l' Harpolyre qui
malheureusement ne rencontra pas le succès qu'il escomptait.
Harpolyre de
J.F. SALOMON. (Collection J.M. Renard)
Jean
François SALOMON est né le 22 mars 1781 à Besançon. Son père Louis SALOMON
était maître boulanger et sa mère était Louise GRESSET. Il devint orphelin
assez rapidement, puisqu'il perdit son père, veuf de son épouse en 1786.
Signature de
J.F. SALOMON.
On ne sait
pas comment il se forma à la musique, mais il était déjà professeur de musique
à son mariage avec Jeanne Bégnine CHALON, la fille d'un serrurier de Besançon
le 12 avril 1809.
Marque de l'
Harpolyre de la collection J.M. Renard.
Ils eurent
plusieurs enfants : Françoise Catherine SALOMON (1810), Claude Etienne SALOMON
(1811), Charles Henry SALOMON (1812), Sophie Antoinette SALOMON (1817),
Christine Marie SALOMON (1822), Augustine Sophie SALOMON (1825).
Marque au
fer d'une Harpolyre du Musée de La Villette.
En 1825, il
est professeur de musique, Maître de chapelle à l'église métropolitaine de
Besançon, Professeur de guitare et de chant à l'école polytechnique. Le 22 août
il demande un brevet d'invention pour une guitare à 3 manches et 21 cordes
qu'il dénomme Harpolyre (Arpolyre).
Fixation des
21 cordes sur l'Harpolyre de la collection J.M. Renard.
Cette
guitare comportait 6 cordes sur le manche du milieu, qui étaient accordées
comme une guitare ordinaire. Le manche de gauche était destiné aux basses et
comportait 7 cordes accordées par demi-tons depuis le mi du bas jusqu'au la
grave de la contrebasse. Le manche de droite était le manche diatonique et
comportait 8 cordes (ut, ré, mi, fa, sol, la, si, ut).
Harpolyre
d'André Augustin CHEVRIER.
(Métropolitain Muséum de New York)
Mais
visiblement sa description de l'instrument et ses explications ne suffirent pas
au jury, qui demanda des dessins et explications supplémentaires. Puis des
erreurs d'envois de courriers retardèrent la décision, ce qui désolait le
pauvre SALOMON qui avait engagé ses économies dans la fabrication
d'instruments.
Lettre du 10
février 1829.
" Jean
François Salomon, Maître de Chapelle de l'église métropolitaine de Besançon,
inventeur d'un instrument nommé Harpolyre, sollicite de votre excellence un
brevet d'invention depuis le 22 août 1828. Il a rempli toutes les formalités
qu'exige cette demande. Il a eu déjà eu deux fois l'honneur de vous supplier de
vouloir bien lui faire expédier ce dit brevet et pourtant il gémit toujours
dans l'attente ; il est privé après avoir épuisé toutes ses ressources
pécuniaires à faire fabriquer de ces instruments, d'en continuer la fabrication
et il a tout à craindre que les ouvriers qu'il a employé ne deviennent
contrefacteurs si ce brevet qu'il attend depuis prés de six mois ne vient pas
lui donner le droit de les poursuivre". (Dossier de l'INPI)
Dessin
complémentaire fournit lors de sa demande de brevet,
montrant les différentes
utilisations des trois manches
et le branchement avec le piédestal résonateur.
(INPI)
Finalement
il obtiendra son brevet le 19 mars 1829. Ses instruments étaient réalisés par
un luthier né à Mirecourt : André Augustin CHEVRIER qui s'installa ensuite à Bruxelles.
Pour faire
connaître et développer son invention, il s'installa à Paris chez le
"Sieur DUCOUDRAY rue Saint Thomas d'Aquin à Paris". Il commercialisa
une méthode pour Harpolyre et demanda à Fernando SOR (1778-1839), le
guitariste, né à Barcelone, le plus célèbre du moment d'écrire de la musique
pour Harpolyre.
Fernando
SOR.
Le 19
septembre 1829 il demande un nouveau brevet pour un "Instrument propice à
accorder les instruments à cordes" qu'il nomme accordeur. Il s'agit d'un
système à lames métalliques sonores, accordées sur l'échelle chromatique,
associé à un mouvement d'horlogerie à ressort qui permet de faire vibrer la
note choisie aussi longtemps que souhaitez. Mais là également il rencontre des
difficultés et il n'obtiendra son brevet que le 18 mai 1830.
Dessin de
l'accordeur. (INPI)
L'Harpolyre
n'a pas eu de succès, car aucun artiste ne voulait se livrer à l'étude des
difficultés liées à l'utilisation des trois manches. "Après avoir fait
inutilement un long séjour à Paris pour y faire adopter ses inventions J.F.
Salomon retourna à Besançon, où la fatigue de ses efforts et le chagrin d'avoir
dissipé en essais le fruit de ses travaux et de ses économies, le conduisirent
au tombeau à l'âge de 45 ans (49 ans)"
François
Joseph FETIS
Harpolyre de
J.F. Salomon (Musée de la Musique Paris)
Jean François
SALOMON est décédé à Besançon à 49 ans le 19 février 1831.
Cette Marche
funèbre pour Harpolyre écrite par Fernando SOR était prémonitoire.
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