José-Daniel
Touroude
Après
la deuxième guerre mondiale, les acheteurs et les marchands
émigrés, mais aussi les fondations et les musées alimentés par des donations
importantes entraînent un certain tropisme des artistes vers les USA, car les
enchères et les achats se font surtout aux USA. Les USA devenus riches achètent
les tableaux qualifiés de «dégénérés», les marchands français vendent de plus
en plus aux USA (les cubistes, les fauves, les surréalistes….), les USA
récupèrent aussi nombre de tableaux perdus, volés, cachés pendant la guerre et
les artistes américains fertilisés par les artistes modernes réfugiés deviennent
essentiels. Un des plus importants est Pollock.
Pollock est aussi un
passionné de jazz, fasciné par tous ces artistes d’avant-garde européens,
admirateur de Picasso, fasciné par
la psychanalyse de Jung. A
l’inverse, des jazzmen comme Richard
Clay sera inspiré et fera référence à la célèbre période bleue de Picasso avec « blue period »
alors que Nando Michelin lui sera
inspiré par Kandinsky et créera un
morceau appelé «Vassily Kandinsky». Kandinsky résumera d’ailleurs
l’état d’esprit des artistes modernes en écrivant «représenter un objet (ou un
sujet) nuit à la peinture, seul compte la résonance intérieure de
l’artiste. » Pollock fera une
peinture libre, spontanée, où tout s’inverse : d’abord la couleur (pot de
peinture troué et peinture sur le sol « le dripping » puis vient le
dessin (alors que toute l’histoire de la peinture est d’abord un dessin, puis
la coloration de peinture). Ainsi « Mural » de 1943 de Pollock où il abandonne dessin, fond et figure.
"Mural" de Pollock de 1943. |
L’expressionniste
américain, instinctif, inconscient, primitif, spontané, décontracté,
provocateur, avec des couleurs et des sonorités nouvelles comme le thème de Duke Ellington « the Mooche »
improvisation contrôlée.
«L’art
automatique» de Pollock c’est
laisser l’esprit flotter, les doigts libres et on peut improviser sans grilles
ni partitions mais dans la liberté (enfin relative car la moitié est au moins
programmée par les milliers d’heures de travail et de son répertoire, l’autre
moitié il est vrai est plus aléatoire selon l’inspiration du moment).
D’autres peintres seront influencés par le jazz
comme Léger, Otto Dix et bien d’autres. On retrouvera cette recherche de liberté et de spontanéité dans le
mouvement Cobra des peintres belges. Matisse peint plusieurs
tableaux inspirés du jazz «Il faut que la peinture serve à autre chose qu'à la peinture... " dira
Matisse. Ainsi dans son tableau « la tristesse du roi »
(Salomé qui danse) liberté, papiers découpés, pas de dessins que des couleurs.
Il inspirera des jazzmen comme le grand saxophoniste français Guy Lafitte avec son morceau "Matisse"
. Robert et Sonia
Delaunay avec
«Rythme 1932» puis "rythme sans fin" en 1934 puis « Rythme n°1 »
en 1937 seront aussi fasciné par le Jazz. Robert Delaunay maîtrise les
cercles de couleurs différentes liés aux réflexions sur les cercles de couleurs
primaires, complémentaires, antagonistes obligeant l’œil à ralentir ou à
accélérer créant un rythme saccadé identique au jazz. Warhol peint «Fox Trot» qui représente un diagramme de pas de cette
danse.
Warhol, Fox Trot. |
Autre
peintre fondamental passionné de jazz, Stuart
Davis dessinait et peignait dans les clubs de jazz, ami de nombreux
jazzmen dont Duke Ellington qui l’a
beaucoup inspiré, admirateur de Diego
Rivera qui faisait ses superbes fresques à Mexico, de Matisse, des Dadaïstes,
il va être un des créateurs de «l’art dans la rue» (un des slogan repris
en Mai 1968 par l’école des beaux arts). Précurseur
du Pop Art, cool, décontracté, à la sortie de la guerre mondiale, il peint « The Mellow Pad » ou en 1951 « Owh
in san pao » avec des mots dans la peinture.
Stuart Davis : « Tropes de teens » 1956 inspiré de la musique de Duke Ellington « It dont’t mean a thing » |
Comme
son ami Mondrian, Stuart Davis est fasciné par l’optimisme
et le dynamisme des USA, du rythme trépidant et débridé de la ville et de la
vie moderne industrielle. Le jazz avec le swing devient la musique populaire de
cet état d’esprit de vivacité, que le rock continuera. Le peintre est de son
époque, en interaction entre l’homme et son environnement, l’espace, le temps,
les énergies, le émotions, l’ambiance, les couleurs, le rythme, les sons …
"For internal use only" de Stuart Davis. |
Stuart Davis annonce le Pop
Art et utilise les grilles d’accords de jazz
« the Mellow Pad » en 1951. Plus récemment Jean Michel Basquiat improvisait sa
peinture sur des thèmes de jazz et a fait seul ou avec A. Warhol plus de 30 toiles influencées par Billie Holiday et Charlie
Parker alors que D. Hammons avec « Chasin’the blue train »
rendait hommage à John Coltrane. En retour, des
jazzmen voudront aussi colorer la planète comme Fabien Degryse avec son thème " painting the planet", ou Gregory Porter «painted on canvas» ou Jacky Terrasson « gouache». Actuellement
le jazz et la peinture font encore bon ménage et s’influencent réciproquement
comme par exemple dans les expressions du « sound painting ».