Les ventes
d'instruments de musique de Vichy sont toujours un moment magique de
découvertes de nouveaux trésors. Lorsque comme moi l'on est collectionneur mais
surtout amateur de beaux instruments de musique, les ventes organisées deux
fois dans l'année par Etienne et Guy LAURENT à Vichy sont des moments
privilégiés de découvertes, d'apprentissages, de partages, de
plaisirs...Qu'importe que ces "trésors" appartiennent ou pas, à notre
domaine de collections, de compétences, cette salle des ventes est un rendez-vous
exceptionnel d'experts, de collectionneurs, de musiciens, d'amis...où l'on peut
approcher, toucher, découvrir, explorer des chefs d'œuvres de la facture
instrumentale qui s'évaderons à la fin de la vente vers d'autres pays, des
musées, des collections prestigieuses, et qui pourront reprendre vie dans les
mains d'artistes qui les joueront de nouveau après une "remise en
forme" adaptée. Et tout cela dans une ambiance conviviale où nous sommes
" chouchoutés" par une équipe d'une grande compétence. Alors ne nous
privons pas de ces bons moments de mai et juin, surtout dans cette période si
pénible.
Deux instruments très intéressants seront présentés au cours de la prochaine vente du premier mai 2021 : " A priori deux instruments éloignés l’un de l’autre, mais qui partagent une particularité organologique : leur caisse est taillée en bateau. Non pas à l’image de la mandoline ou du luth au dos bombé, mais à celle d’une guitare ou d’un violon dont le fond serait plus petit que la table. Des curiosités qui nous donnent l’occasion de revenir sur ce moment charnière de l’histoire de la lutherie, lors duquel s’opère le basculement progressif de l’instrument baroque à l’instrument moderne…" Nous dit le solide dossier réalisé par les experts de l'étude.
Dossier sur les instruments à cordes à caisses en bateau élaboré par l'étude E. Laurent.
De notre coté, à la demande d'amis s'intéressant à ce type d'instruments nous avons voulu en savoir plus sur ce luthier.
Jacques Philippe MICHELOT (1734-1814)
Signature de notre luthier. |
Il est né à Paris le 26
juin 1734 et fut baptisé à l'église Saint –Eustache. Son père Jacques MICHELOT,
officier de maison, avait épousé Marie Cécile La MANCHE.
A 16 ans, le 12 mai
1751 il entra en apprentissage, pour six ans chez le Maître luthier François
GAVINIES, originaire de Bordeaux, fixé à Paris vers 1741, reçu Maître luthier " par expérience " le 27 juin 1748 et juré de sa corporation le
23 novembre 1761. Furent témoins lors de cette signature, Jean Baptiste
LEMPEREUR dit Keiser (Maître luthier en 1736 et juré pour l'année 1749) et
Jacques BOURDET (Maître luthier en 1736 et juré pour l'année 1750).
Après 3 ans
d'apprentissage, le 5 Juillet 1754 François GAVINIES transmis le contrat
d'apprentissage à Joseph BERTET (BERTHET) marchand maître luthier " installé à l'enseigne au Roy David
rue Neuve Saint Roch" et qui après 1764 s'installera à Nantes sur le
quai Brancas. C'est avec lui que J. P. Michelot terminera son apprentissage et
sera reçu Maître, par " chef d'œuvre", le 30 décembre 1757.
Signature de Jacques Bertet en 1754. |
Il s'installa rue Saint Honoré à
l'enseigne : " A la Mélodie ", près de l'église Saint Roch.
Etiquette manuscrite relevée sur une guitare à caisse bateau de 1767. (Musée de la musique de Paris : E 2015 4 1. |
Il est connu pour avoir publié en 1791
(année de la suppression des corporations. Loi Le Chapelier du 14 juin 1791)
une annonce publicitaire : " renommé
pour les guitares en bateau dont les avantages sont de réfléchir, le son au
dehors d'une manière plus sensible, et pour faire d'excellente quintes et
violons ".
Mais il fabriquait depuis longtemps ce type d'instrument comme le montre cette guitare à caisse bateau de 1767 du musée de la musique de Paris (E2015 4 1
Violon de Michelot portant une étiquette de 1782. (Vente 2012 à Troyes chez Ivoire) |
Jacques Philippe Michelot resta
célibataire ; il exerçait encore à 78 ans, rue Neuve Saint Roch comme le montre le Bottin
de cette année. Il décéda le 21 mars 1814 à 79 ans.
Un inventaire après décès fût réalisé le 11 juin 1814 (MC/ET/XII/835 chez Maître Jean Baptiste Poisson)
Son appartement de deux pièces, situé au second étage de l'ancien hôtel du Saint Esprit au N°252 rue Saint Honoré, était plutôt sommaire.
Rien de particulier dans son
appartement très modeste, qui correspondait également à son atelier parce qu'en
plus de son lit et des meubles classiques on y trouvait trois établis.
C'est le luthier Jean Gabriel KOLIKER, installé au N°24 rue Croix des petits champs qui fit l'inventaire des " outils, ustensiles, instruments et marchandises".
30 violons de basse de
viole prisés ensemble |
360
frs |
19 autres violons dont
une quinte, d'auteurs différents |
152
frs |
4 quintes finie, une
quinte et deux violons sans être finis |
75
frs |
30 vieux instruments
tant violons que pardessus de violes |
20
frs |
3 basses estimées
ensemble à raison de 20 frs la pièce |
60
frs |
7 guitares dont six à
six cordes et une à cinq |
84
frs |
Dans un étui à deux
violons, un violon neuf du défunt Sieur Michelot et une basse de viole,
l'étui et les deux violons estimés ensemble |
60frs |
3 Lyres dont une dans
son étui estimées ensemble avec l'étui et deux serinettes |
36
frs |
2 violons dans un
vieil étui à 2 violons |
30
frs |
Un lot de Gouges,
ciseaux, de vieilles limes |
6
frs |
Un rouet pour filer
les cordes en mauvais état |
6
frs |
Une petite boëte
contenant des petits rabots pour fabriquer des violons |
8
frs |
15 rappes de fer |
15
frs |
2 rabots de fer |
8
frs |
Un lot de fer à
souder, un vilebrequin |
3
frs |
Trois vieux étuis à
calotter |
3
frs |
Un lot de planches de
sapin et d'érable |
6
frs |
Une boëte remplie de
pièces de violons et de basses |
6
frs |
Un lot de vieux
manches de violons avec de vieux corps de luths |
12
frs |
Un lot d'archets |
10
frs |
Un lot de vieux bois |
3
frs |
Un étau et deux valets |
8
frs |
Une boëte contenant
des cordes à violon |
1
frs |
Un vieux corps de
harpe avec un corps de basse de viole |
2
frs |
Monsieur Michelot se
" permettait " une petite fantaisie : il louait une chambre à la
campagne en périphérie de Paris….dont l'inventaire fût réalisé en quelques
minutes : une couchette, table et quelques chaises.
Elisabeth Justine Poupard née en 1755 à Paris, cousine germaine et actrice au théâtre de Rouen, fût la seule héritière de J. P. Michelot et n'a pas dû s'enrichir avec l'héritage de son " oncle de Bretagne".
En revanche son histoire est intéressante. Artiste elle-même, elle avait épousée un acteur célèbre, André Prosper Lanchantin dit Valmore père. Ensemble ils ont eu un fils François Prosper Lanchantin dit Valmore, acteur lui aussi qui épousa la célèbre actrice, chanteuse et poète native de Douai : Marceline Desbordes Valmore (1786-1859) pionnière du romantisme, une des plus grandes poétesses qui inspira Verlaine, Rimbaud, Aragon…..
Dans le tableau de Martin Drolling, on la voit à côté d'une guitare….peut-être une des sept répertoriées dans l'inventaire de son arrière cousin germain Jacques Philippe Michelot…? Ce dont on est sûr, c'est que la guitare représentée sur ce tableau n'est pas une guitare à " caisse bateau ".