vendredi 6 décembre 2024

Histoires de la création des pôles de fabrication d’instruments de musique.

                                                            par José-Daniel Touroude.

Notre objectif est d’essayer de répondre à la question posée aussi bien dans les sciences sociales que par les collectionneurs et les musiciens.

 Pourquoi a-t-on vu la création de pôles importants de fabrication d’instruments de musique émerger à tel endroit, parfois dans des villages et petites villes excentrés, et pas ailleurs ? 



La récente soutenance de thèse à la Sorbonne d’Emanuele Marconi consacrée à la Couture Boussey a permis d’en éclairer et d’en illustrer certains aspects. Nous allons retracer le passage progressif, durant 3 siècles, de l’origine d’un artisanat rural primaire et ponctuel et de son évolution (d’où le concept de proto-industrialisation) pour s’orienter vers les manufactures d’instruments sophistiqués (pré-industrialisation) avec la mobilisation de la population locale puis vers la révolution industrielle (industrialisation).















Mais l’histoire commence toujours par l’interrogation sur les origines et celle-ci n’est pas toujours scientifique ! Les hommes veulent souvent créer des récits distrayants voire merveilleux qui élucident des faits passés, des ressentis plus ou moins réels en les amplifiant, voire en les détournant. Ainsi pour commencer, démystifions les merveilleuses légendes racontées, et même publiées, sur des origines de la spécificité de la facture d’instruments et qui à force d’être répétées arrivent à se figer comme vérités historiques : Mirecourt, Crémone, Markneukirchen, la Couture Boussey, Mittenwald… ont leurs contes parfois assez loin de la vérité mais tellement attirants !

Forêt de buis














Prenons par exemple le pôle de la Couture Boussey et de sa région avec une histoire connue et répétée. La première explication, qui est crédible, part d’un avantage comparatif majeur, à savoir des forêts de buis qui entouraient le village de la Couture Boussey et qui avaient donné son nom au village (Boussey voulant dire buis). Ce bois abondant suscitait naturellement une spécialité traditionnelle et ancienne de tourneurs sur bois qui s’appliqua plus tard pour les instruments à vent. Si au début cela semble plausible voire probable, c’est exagéré vu la croissance lente des buis, il a bien fallu en trouver ailleurs.

Nous avons des exemples analogues avec les bois de Füssen en Allemagne, haut lieu de la facture des luths, ou bien des épicéas et érables autour de Crémone en Italie qui ont permis un essor de la lutherie des instruments à cordes avec les géniaux Amati, Stradivarius, Guarnerius etc… Au début cet avantage comparatif local avait sans doute permis et généré une activité spécifique de fabrication d’instruments de musique en bois dans certains lieux. 

Nous avons aussi souvent un narratif, plus ou moins véridique, dans les apparitions artisanales locales grâce à une personne illustre à l’origine des activités. (Exemple le luthier Caspar Hopf à Graslitz puis à Markt Neukirchen …). Ainsi on enjolive un récit qui se raccroche à des célébrités qui ont eu un impact décisif et à qui on doit rendre hommage (un ancêtre de la communauté)

Photo de Stradivarius à Crémone


On explique aussi l’origine des activités par la proximité d’un fait historique, ou d’une personnalité connue qui ont permis même indirectement, une certaine prospérité et notoriété de la ville.

Ainsi les fêtes au château d’Anet, proche de la Couture Boussey, où Diane de Poitiers aurait eu besoin de flûtes et flageolets pour ses orchestres et ainsi susciter une demande locale pour des tourneurs sur bois. Il n’y a pas de facteurs d’instruments sans musiciens civils et militaires et sans concerts et fêtes qui sont indispensables pour créer une demande. Cette histoire est sans doute une extension d’un fait ponctuel car à part des chansons et poèmes connus célébrant la maitresse du roi Henri II à Anet et à quelques concerts, rien n’indique qu’il y avait un orchestre permanent, ni que cela ait généré un début de facture d’instruments à vent autour du château.  

 

Henry IV à la bataille d'Ivry
"Ralliez-vous à mon panache blanc"

 

Et puis il y a aussi la fameuse bataille d’Ivry d’Henri IV, proche de la Couture Boussey, où les paysans des alentours auraient ramassé des flûtes et fifres des mercenaires allemands et suisses décédés. Habituellement et c’est un fait connu, qu’après une bataille, les armées victorieuses et les populations locales incinéraient les morts et dépouillaient les soldats. Que la facture d’instruments à vent commence par cet évènement est plausible car pour un tourneur sur bois, habitué par exemple à faire des robinets en bois pour les tonneaux de vin, il est possible de reproduire des instruments simples si on a des exemplaires comme modèles, ou tourner des bagues en os ou en corne. Sur ce fait historique, est-ce qu’on n’a pas greffé une explication plus romanesque sur l’origine de la facture à la Couture Boussey et de ses environs ?

Ces exemples nous montrent que tous les pôles ont des histoires qui embellissent et donnent une explication possible et qui répondent à l’interrogation sur les origines.

Après les origines, étudions l’évolution au début modeste mais qui va déboucher sur des pôles qui vont inonder le monde entier de ses instruments. On peut distinguer trois étapes qui parfois se sont enchevêtrées selon la rapidité de cette évolution linéaire.

1ère étape : Quels furent réellement les déclencheurs de cette première étape vers l’activité artisanale instrumentale qui ont permis de passer des champs à un atelier sommaire d’abord ponctuel puis installé ? Cette première matrice d’une facture, était certes élémentaire et sous-traitante, mais elle a généré la première proto-industrialisation. 

D’abord les avantages naturels évidents comme, par exemple, la présence pour l’énergie des moulins à eau ou à vent, les matières premières locales (transformation des terres comme la porcelaine ou la poterie, des minéraux comme le fer créant la métallurgie, des produits agricoles à transformer notamment le lin et la laine engendrant les tissages, des arbres et du bois adéquats pour les instruments de musique etc…) 

Thibouville à Ivry (Coll RP)








Souvent il y avait aussi des traditions artisanales ou un savoir-faire spécifique antérieur (ainsi les luths, violes de gambe, rebecs en Italie notamment à Crémone qui vont évoluer vers le violon), ou les chalumeaux, hautbois, flageolets et flûtes baroques vers des instruments à vent plus sophistiqués. En fait, le progrès technique n’était pas si lent à se diffuser grâce à la mobilité des musiciens et des compositeurs exigeants, des facteurs compagnons mobiles (tour de France) et le brassage des populations dû aux guerres et aux immigrations permanentes.

Fabricant de boites à musique à Mirecourt. (Coll. RP)









L’organisation du travail était flexible, saisonnière selon le tempo des agriculteurs basé sur le rythme de la nature. Les moyens de production et les outils étaient simples et appartenaient aux producteurs. Fiscalement, ils restaient paysans et non pas artisans (avec leurs taxes spécifiques). Les activités artisanales domestiques (de domus = maison) étaient faites avec toute la famille dans la ferme (avec les femmes et les enfants, les ouvriers agricoles et domestiques), et ce travail complémentaire et discontinu pendant les temps libres des travaux agricoles, permettait un appoint de revenus additionnels. Mais l’autonomie, la mobilisation et la motivation dépendaient de chacun. 

Atelier d'un canut à Lyon, lieu d'une multi-activités
Parfois fabrication d'instruments de musique.










La pluriactivité existe encore dans certaines régions (montagne, bord de mer…) où certains ont plusieurs métiers, selon les besoins et les saisons, et l’activité principale ou la plus lucrative sont parfois difficiles à distinguer.

La position avantageuse sur des axes routiers ou des voies navigables, reliant des grandes villes proches et des marchés, permettait de se lier à des marchands - facteurs qui écoulaient la production. Ceci a été démontré pour la plupart des biens (tissage notamment). Le succès venant, les demandes augmentaient et créaient des liens solides entre donneurs d’ordres de la ville et producteurs ruraux sous-traitants. Ainsi Brescia et Crémone en Italie sont proches de Milan, Mittenwald est situé sur la vieille route commerciale entre Venise et Augsbourg, Markt Neukirchhen en Saxe pas trop loin de Dresden sa capitale, la Couture Boussey de Paris etc… Mais le fait qu’une partie d’un village ou d’une petite ville ait pu se mobiliser et se spécialiser pour un type d’activité spécifique, à savoir la facture d’instruments de musique, avec ses leaders entrepreneurs et une main d’œuvre disponible à faible coût, est quand même rare.
Le colporteur (Coll. Musée du Louvre)

L’impulsion pouvait venir aussi de personnalités entreprenantes parfois endogènes (un menuisier, tourneur talentueux et motivé par la musique, qui décidait de se spécialiser sur ces objets, se formant à l’extérieur (apprentissage, tour de France) et qui venait s’installer, créant une dynamique villageoise et des emplois voire une notoriété internationale. (Exemple le luthier Vuillaume à Mirecourt)

Jean Baptiste Vuillaume de Mirecourt.

Parfois ce sont des personnes extérieures (par exemple les immigrés tourneurs - facteurs allemands amenant un savoir- faire (Amlingue, Geist, Keller etc…) ou d’autres provenant d’autres régions de France (l’alsacien Proff qui se fixe à Tours, Kreitszchmann de Markneukirchen qui se fixe à Strasbourg etc... ou les 12 luthiers de Graslitz en Bohème autrichienne émigrant en Saxe qui créent le principal pôle d’instruments de musique du monde à Markt Neukirchen.)

Ces premiers artisans professionnels s’installaient comme facteurs à temps complet, souvent liés entre eux (par exemple les familles entrecroisées de facteurs à Lyon ou à la Couture Boussey) et se différenciaient du monde agricole mais restaient liés au monde rural pour des travaux simples de sous-traitance. C’est cette symbiose entre artisans professionnels (luthiers, facteurs) et la mobilisation d’agriculteurs- artisans ponctuels qui va permettre de créer et développer ces pôles de fabrication.

Certains au départ sous-traitants vont devenir de plus en plus professionnels et ces nombreux artisans spécialisés, qui auparavant ne faisaient qu’une partie de l’instrument et qui donnaient la finition donc l’estampille et la vente (et les profits !) à d’autres, vont s’établir à leur compte réalisant entièrement les instruments avec une diversification des produits de plus en plus qualitatifs qui garantissaient la crédibilité, l’expansion et l’évolution des pôles instrumentaux.

Nous connaitrons ainsi une multitude d’artisans facteurs locaux liés entre eux souvent par mariages (les collectionneurs raffolent de ces estampilles différentes entrecroisées). Ces activités artisanales de qualité vont créer de la richesse et les conditions pour une évolution.


2ème étape : De l’atelier artisanal à la manufacture : une pré-industrialisation



Cette évolution s’est intensifiée et a été possible grâce à une demande civile et militaire qui évoluait quantitativement (par exemple avec l’expansion des clarinettes) et qualitativement (nombre de clés…). Certains facteurs et marchands des grandes villes intervenaient pour accélérer la production des parties basiques des instruments, grâce à un financement (par des avances et des crédits), par l’achat de matériels (forges plus modernes, tours à bois…) et d’outils (célèbres pour les métiers à tisser dans d’autres régions), fournissant des machines de plus en plus efficaces, mais aussi des matières premières (des produits importés comme des soieries et cotonnades, ou de l’ébène et laiton. (Ainsi pour les clétiers, on leur apportait des plaques de laiton pour les clarinettes ou d’argent pour les flûtes et les modèles à reproduire pour fabriquer les clefs) pour faire à façon, avec un paiement à la pièce du travail fini après un contrôle qualité.



Cette collaboration se formalise de plus en plus avec des contrats précis (cahiers de charges sur la production) et les luthiers et facteurs se réservaient certaines tâches techniques spécialisées complexes (finisseurs et régleurs, essayeurs des instruments par des musiciens confirmés) pour satisfaire la qualité demandée.

Cette activité a permis une véritable transformation de la vie locale. Les habitants commencèrent à traquer le temps libre pour travailler plus, pour épargner afin d’améliorer leurs conditions de vie, pour pouvoir se marier et élever leurs enfants correctement (ascenseur social) et surtout pour consommer (il y avait beaucoup de nouveaux produits importés (tabac, thé, sucre, café créant des besoins addictifs dans les campagnes, des dépenses aussi afin d’améliorer son statut social avec des vêtements plus pratiques ou pour affirmer son identité, un confort domestique amélioré avec de nombreux objets etc…). En effet il fallait se distinguer des autres, se positionner dans le village pour se différencier du prolétariat rural et des domestiques mais pour avoir tout cela, il fallait avoir soit des activités lucratives artisanales et/ou commerciales, soit une belle exploitation agricole soit d’autres métiers lucratifs…

Usine Couesnon en 1891. (Coll. RP)


Bien sûr les caractéristiques de la 1ère étape antérieure de la proto-industrialisation vont encore parfois subsister (organisation rurale afin de générer des revenus complémentaires et d’utiliser les temps morts des saisons non agricoles à domicile avec paiement à la pièce) mais cela va vite évoluer et se complexifier.

La proto-industrialisation était très flexible, suivant les marchés, donnant du travail et des revenus ou non aux sous-traitants qui faisaient l’essentiel du travail selon les commandes, les paiements étant fixés à la pièce. Grace à cette flexibilité, les artisans et leurs sous-traitants constituaient les amortisseurs de ce système et subissaient les aléas de la conjoncture à savoir pics d’expansion et de commandes et crises cycliques (par exemple dues aux guerres en Europe)

Avec le succès et la demande accrue, l’extension des activités artisanales diversifiées à la communauté villageoise était logique et a mobilisé une partie de plus en plus grandissante de la population sur ces activités. Cela demandait une organisation et une division du travail qui allait s’opérer en fonction des aptitudes et formations des ouvriers spécialisés. Les lieux de fabrication éclatés des sous-traitants artisanaux sont d’abord regroupés dans le même village puis dans un même lieu à savoir la manufacture (de manu = main montrant la part importante encore du travail manuel). 

Usine Julliot à La Couture-Boussey. (Source RP)








Car fabriquer un instrument devient de plus en plus complexe et demande des savoir-faire différents (par exemple la fabrication d’une clarinette à 13 clés puis la clarinette moderne système Boehm en ébène faite en série n’a plus rien à voir avec la fabrication artisanale d’une clarinette en buis à 5 clés).

Cette organisation du travail, avec des outillages, des machines et des matériaux différents, engendrait plus d’efficacité et devenait moins aléatoire car elle intégrait peu à peu des sous-traitants mieux formés, plus spécialisés et professionnels grâce à l’amélioration générale des savoir-faire par la pratique et les apprentissages.

D’autres moins formés seront cantonnés à des tâches plus simples et resteront ouvriers, tâcherons, sous-traitants pour les facteurs. 




Mais les bénéficiaires de ces activités étaient surtout les facteurs finisseurs qui connaissaient l’emplacement des trous et des clés, connaissant l’acoustique, et bien sûr aussi où se situaient les débouchés, les clients et devenaient ainsi plus ou moins marchands ou facteurs reconnus avec pignons sur rue. Ces bénéfices allaient permettre soit de vivre mieux comme un bourgeois pour certains facteurs, soit se diversifier dans d’autres branches (certains facteurs abandonnant la facture pour d’autres activités), soit de générer du capital et des investissements plus importants et réaliser une évolution du modèle artisanal vers la manufacture pré-industrielle.

Exemple : la manufacture d'Adolphe Sax. (Source RP)

En fait, ils constituaient souvent un groupe plus riche et dominant économiquement, socialement et même politiquement (notables, créateurs d’emplois, apprentissage des jeunes vers un avenir artisanal puis industriel limitant l’exode rural, en liaisons commerciales avec les grandes villes et les marchands puis surtout l’export…).

Ainsi les facteurs d’instruments à vent de la Couture Boussey étaient liés souvent à un magasin de vente à Paris (estampilles de presque tous mettant A Paris, d’autres Wien (Vienne), Dresden, Prague…). Certains facteurs locaux ont aussi fait connaitre leur ville avec une notoriété internationale de leur lieu de production (Mirecourt, Crémone, Markneukirchen, Graslitz, la Couture Boussey…)  

 

Atelier Couesnon à Garenne en 1890. (Source RP)










Ces activités allaient avoir des répercussions importantes dans les sociétés rurales, car l’autarcie reculait et ces activités non agricoles permettaient de se procurer plus de ressources et de consommation. Ceci va favoriser la croissance démographique et paradoxalement freiner l’exode rural car il y avait des emplois sur place. Certains pouvaient s’enrichir un peu et élaborer une accumulation primitive de capital qui allait engendrer des investissements et la création d’ateliers plus conséquents voire à terme des manufactures.

Certains marchands et facteurs plus riches s’installèrent dans la région au plus près de leurs sous-traitants et investirent pour devenir chef d’entreprise. Le rôle des marchands était crucial créant au départ un troc avec des produits, organisant des prêts et l’endettement de certains pour les inciter à consommer plus afin qu’ils produisent plus encore…

Le salariat au départ modeste va se développer. La manufacture était donc un mode mixte de production à mi-chemin entre la proto-industrialisation de la période précédente et la production industrielle à grande échelle de la 3ème étape du XX° siècle.

Atelier Buffet-Crampon en 1890. (Source RP)





3ème étape : De la manufacture à l’usine : l’industrialisation

Lors de la première étape, nous avons vu que les paysans contrôlaient leur travail ponctuel artisanal avec leurs outils, les facteurs-marchands commandaient des parties d’instruments, parfois fournissaient des matières premières et achetaient la production, ce qui constituait un appoint de revenus mais les paysans -producteurs restaient maitres de leur organisation et de leur temps productif artisanal.

Puis dans une deuxième étape, les facteurs-marchands demandaient d’accélérer et de fournir plus de production. Pour cela, ils vont intensifier des prêts, faire acheter des moyens de production plus performants, procurer des matières premières, fournir des investissements importants. Ainsi ils organisaient et contrôlaient mieux la spécialisation du travail. Les ateliers s’agrandirent et on regroupait différents métiers dans un même endroit. Le chef d’entreprise fixait alors l’organisation et le temps de travail.

Nous arrivons aussi à la 3ème étape plus capitaliste où certains vont regrouper des ouvriers spécialisés en quelques tâches, des sous- traitants et artisans déclassés dans un même lieu de travail appelé usine, en divisant le travail en tâches plus simples et répétitives, en fixant le temps de travail, augmentant les cadences et subissant une hiérarchie avec un salaire.

La facture artisanale devenait industrielle, avec des outils et des machines plus modernes et performantes, une formation et un savoir-faire plus spécialisé à certaines parties de l’instrument… Le taylorisme envahissait tous les secteurs de la production de masse industrielle (des automobiles Ford à la cuisine élaborée d’Escoffier dans les palaces…) Ceci entrainait une plus grande efficacité, une économie d’échelle et une production plus régulière et normative dans les instruments permettant d’améliorer la qualité, la rapidité d’honorer certains marchés notamment l’export en pleine expansion mais constituait un prolétariat ouvrier détaché du monde agricole et domestique de la proto-industrialisation et même de l’artisanat de la période précédente. Ces usines se mécanisaient de plus en plus et captaient la valeur produite (la plus-value) ce qui permettait des investissements pour une production de masse demandées pour les harmonies civiles et militaires et l’export.



Puis la facture instrumentale va connaitre, après sa période d’évolution et d’expansion, une série de crises liées à la conjoncture (la guerre civile de sécession aux USA) puis un déclin voire pour certains un arrêt pratiquement complet. La première guerre mondiale et ses millions de morts, puis la crise économique des années trente, les conflits sociaux. Ainsi les exportations massives à l’étranger (par exemples un pic de 80% de sa production pour la Couture Boussey notamment aux USA, le même phénomène à Markneukirchen) vont se tarir, d’autant plus qu’il y avait de nouveaux concurrents d’autres pays produisant aussi... (exemple la facture américaine)

Pour contrer la baisse des profits et la concurrence industrielle, comme dans les autres secteurs d’activités, une des solutions avec l’augmentation de la productivité est la concentration d’entreprises par des fusions-acquisitions. Ainsi la plupart des manufactures ayant eu leur période de gloire se sont fait racheter pour s’intégrer à des groupes productifs plus performants. Seuls les collectionneurs connaissent leurs aventures, les successions, les fusions etc….

Avec la 2ème guerre mondiale et la difficile reconstruction, quelques entreprises vont surnager et profiter du boom vers l’exportation des trente glorieuses et le marché mondialisé, certains vont continuer (exemple : Leblanc à la Couture Boussey …) avant de disparaitre à leur tour. Nous connaitrons le même phénomène dans les autres pôles étrangers.

Mais à Mantes, deux groupes financiers français d’importance (Selmer et Buffet Crampon) vont peu à peu se diversifier en rachetant d’autres entreprises en France et à l’étranger et prendre la quasi-totalité des marchés intérieurs des harmonies civiles et militaires, les orchestres prestigieux, les conservatoires et se positionner comme leaders d’un marché mondialisé pour les instruments à vent.

Beaucoup d’anciens pôles de fabrication autrefois renommés et fondamentaux n’ont pas pu suivre les évolutions modernes. Pourtant il existe encore des entreprises qui s’accrochent avec des niches comme les fameux hautbois de Marigaux à la Couture Boussey ou certains luthiers toujours en activité par exemple à Markneukirchen…

Mais ces anciens pôles de production appartiennent au passé et rappellent leurs apogées et les péripéties de leurs histoires dans des musées (exemples : les Musées de Markneukirchen, de la Couture Boussey, de Mirecourt etc…), pour que le patrimoine soit montré avec des instruments témoins, et devenir un lieu privilégié et nostalgique pour les musiciens, mélomanes et collectionneurs curieux du patrimoine. 



mercredi 20 novembre 2024

La Méthode de Flûte de Jean Louis TULOU et sa flûte perfectionnée : datation.

Flûte Tulou Méthode Musique

Jean-Louis TULOU
Par Isabey

Nous avons publié plusieurs articles sur Jean-Louis Tulou flûtiste virtuose et professeur au conservatoire de Paris, notamment un article dans notre blog : 

Jacques NONON facteur de flûtes et de hautbois dans l'ombre du grand TULOU.

Article complété, par un deuxième dans le numéro 58 du Larigot d'octobre 2016. Pour écrire ces articles, en plus de nos recherches nous nous sommes appuyé sur la thése de Michelle Tellier : " Jean- Louis Tulou : flûtiste, professeur, facteur ". Paris 1981.

Thése de Michelle Tellier (Gallica-BNF)

Pour notre part en écrivant ces articles, notre but était de compléter cette thèse en mettant plus en lumiére la vie et le travail de  Jacques Nonon généralement oubliés dans les articles concernant le virtuose de la flûte. Depuis la parution de ces articles nous avons bien sûr découvert de nouvelles informations qui mériteraient de compléter nos articles principalement au niveau d'instruments portant la marque Tulou ou Nonon.

En revanche, il existe une polémique concernant la date d'introduction de la flûte perfectionnée : Système Tulou, mais également sur la date de parution de la méthode de Tulou. 

Si généralement 1850 était retenu pour l'introduction et la parution de ces deux éléments, (Thèse de Michelle Tellier notamment ), la parution de l'excellent ouvrage de Tula Giannini sur " les familles Lot et Godfroy"  apportait la contradiction sur cette hypothèse. En effet, une note (page 130) affirmait que cette méthode de Tulou serait parue en 1835 et que l'introduction de la flûte perfectionnée aurait eu lieu au début des années 1840.

Flûte perfectionnée de Tulou. Shéma de la méthode

Et cette remarque était reprise systématiquement dans tous les ouvrages de référence sur la flûte, comme celui d'Ardall Powell : " The Flute " ou celui de Nancy Toff " The Decelopment of the Modern Flute ". Dans nos articles, mais également lors d'un débat qui avait eu lieu sur facebook entre nos amis Michael Lynn et autres flûtistes et Johanne Favre-Engell qui elle même posait la question : Quelle chance! Une amie vient de m’offrir la première édition chez Chabal en 1835 (?) de la méthode de Tulou, signée à l’encre par Tulou! Je voulais partager ceci avec vous! ".

Je m'étais engagé à étudier cette question et à revoir les arguments de Tula Giannini.

1° Partie : Vérification des arguments de Tula Giannini.

Quels sont ses arguments ?

" Tulou's Méthode de flûte is cited by George Kastner in his Traité d'instrumentation (Paris, Philipp et Cie,1836) which evidently refers to its first publication in 1835 " chez l'auteur ". A later edition adopted by the Conservatoire, c1842, contains an important introduction comparing the ordinary and Boehm flutes, an further, devotes a section to the flute with C-foot, and includes a diagram and fingering chart for the flûte perfectionnée. The letter establishing the Méthode's adoption by the Conservatoire is signed by Auber, President from 1842, and a letter from the Conservatoire to the Académie Royale de Lille, dated November 12th 1845 (AJ 37, 82.7e) states that Tulou's Méthode was being used in the Conservatoire classes. This information allows us to date the introduction of the flûte perfectionnée by the early 1840's ". (Tula Giannini-page 130-note 25-Great Flute Makers of France. The Lot & Godfroy Families. 1650-1900)

1) Premier argument : " Tulou's Méthode de flûte is cited by George Kastner in his Traité d'instrumentation (Paris, Philipp et Cie,1836) which evidently refers to its first publication in 1835 " chez l'auteur ". 

" La méthode de flûte de Tulou est citée dans le Traité d'instrumentation de George Kastner publié en 1836.....donc la méthode à été publié en 1835 ".

Traité Général d'Instrumentation de G. Kastner
1836

Et page 33 voici " la preuve de l'existance " de la parution de la Méthode de Flûte de Tulou en 1835 !!!



C'est un peu mince, un nom dans une liste sans aucune précision et qui se termine par  " et autres ": S'agit-il de Méthodes (Matérielles : livre, document) publiées ou de Méthodes d'enseignement (immatérielles) propres à des flûtistes célébres, et/ou professeurs de flûtes ? G. Kastner ce serait-il " emballé " en voulant montré le nombre très important de méthodes parues dans cette période. Dans son Traité, il cite pour chaque instrument évoqué, un grand nombre de noms. 

De plus il existait certaines réactualisations de Méthodes, comme celle de Devienne revue par Ludovic Deplus complétée par des compositions de J.L. Tulou.

Ou celle de V. Bretonniére dont la couverture mentionnait Tulou.


En 1844, George Kastner avait lui même rédigé une méthode de flûte dans laquelle " il souhaite rassembler...les différents modéles de flûtes ". (Voir en dessous).....et là pas de flûte perfectionnée ?


 
2) Argument : A later edition adopted by the Conservatoire, c1842, contains an important introduction comparing the ordinary and Boehm flutes, an further, devotes a section to the flute with C-foot, and includes a diagram and fingering chart for the flûte perfectionnée. The letter establishing the Méthode's adoption by the Conservatoire is signed by Auber, Président from 1842....."

Vers 1842 " une nouvelle édition aurait été publiée avec l'ajout d'une importante introduction comparant la " flûte ordinaire " à la flûte Boehm....ainsi que la tablature de la " flûte perfectionnée ". Cette seconde édition confirmait en 1842 l'adoption de cette méthode Tulou par le conservatoire.

Pourquoi 1842 ? Parce que le rapport du Comité des études musicales du Conservatoire National de Musique  de Paris, est signé par Mr Auber, Président, Directeur du Conservatoire.

Daniel Auber (1782-1871)
 Effectivement Daniel Esprit François Auber fût Directeur du Conservatoire   de Paris de 1842.....à sa mort en 1871. Il aurait pu signer ce rapport en   1871 également !!! Donc remarque sans intérêt.

 3) Argument : "....and a letter from the conservatoire to the Académie Royale de Lille, dated November 12 th 1845 (AJ 37, 82. 7c) states that Tulou's méthode was being used in the conservatoire classes. "
 
 " une lettre du conservatoire de musique de Paris, en réponse à une question de l'Académie Royale de Lille datée 12 novembre 1845 concernant les méthodes utilisées au conservatoire, précise que la méthode de Tulou est utilisée dans ses classes ".

Nous avons effectivement trouvé ce document à la bibliothéque nationale de Paris.










































A notre avis, le seul argument qui pourrait étayer la thèse de Tula Giannini......Mais il y a toujours la confusion entre méthode publiée et " façon " de travailler du Maître Tulou. Est-ce que les élèves de Monsieur Tulou avaient besoin d'une méthode générale pour se perfectionner ? De plus ce document rédigé par qui ? sorte de brouillon fait en 1845 permet-il de conclure ? : " This information allow us to date the introduction of the flûte perfectionnée by the early 1840's ". and " the méthode de flûte .....refers to its first publication in 1835 ".
Pour notre part nous en doutons fortement. Alors nous avons continué nos recherches et avons trouvé des contre-arguments assez pertinents. (A vous d'en juger)

Alors réglons la date de l'introduction de la  " Flûte perfectionnée système Tulou ".

2° Partie : date d'intoduction de la Flûte perfectionnée système Tulou.

Nous parlons bien ici de cette flûte dite perfectionnée décrite dans la méthode et non des perfectionnements divers apportés à la flûte. (voir notre article sur Nonon : et l'article concernant les flûtes de Mr Tulou dans la Revue Musicale du 19 mars 1831 où il évoque les différents perfectionnement qu'il a apporté à la flûte.

Méthode de Tulou 1851







1) Cette flûte perfectionnée reçoit une médaille d'honneur à l'exposition de Londres de 1851.

Tableaux des expositions de 1798 à 1900. (Malou Haine avril 2008)








" Tulou 27 rue des Martyrs Paris :
Flûtes perfectionnées, avec patte d' Ut et avec d'importantes modifications. Les clés sont arrangées pour permettre aux flûtistes de jouer correctement et avec facilité certaines notes délicates à obtenir avec les flûtes classiques. Les ressorts sont en or, ce qui permet de les huiler moins souvent ". 
(rapport de l'exposition de Londres 1851)

2) Les premières publicités paraissent dans le Bottin de 1853.

Alors pourquoi la flûte perfectionnée à cette date (Voir notre article du Larigot ) : " 1852 fut la période charnière pour l'évolution de la flûte en France. T. Boehm venait d'obtenir le 9 octobre 1847 à Paris son brevet pour sa nouvelle flûte qui résolvait une grande partie des problèmes  rencontrès avec son modèle de 1832. L'exposition de Paris de 1849 n'avait pas encore consacré la flûte Boehm et avait confirmé la médaille d'argent obtenue par Tulou en 1844. Cette nouvelle flûte perfectionnée arrivait opportunément pour " Continuer la lutte ".

3° Une dernière découverte qui clos de débat de la date d'introduction de la flûte perfectionnée modéle Tulou.

Depuis 1831 Tulou et le conservatoire de Paris recompensaient les premiers prix de flûte d'un instrument fourni par l'atelier de Tulou/Nonon.
Ces instruments réapparaissent réguliérement ; c'est le cas d'une flûte de notre collection qui a été donnée à Gustave Lemoux pour son premier prix en 1844.


Il s'agit d'une flûte à 6 clés dont le "perfectionnement" de la clé de Tulou.
Coll RP
Un nouvel instrument de ce type vient d'être retrouvé. Il s'agit d'une flûte perfectionnée datée de 1849 et donnée à Jules Herman (1830-1911) pour son premier prix de flûte.


Collection particulière

Cette flûte faite en 1849, porte le N° 2, c'est à dire l'une des toutes premières flûtes perfectionnées réalisées par l'atelier Tulou/Nonon. 

Cet instrument permet de modifier, une hypothèse que nous avions émise dans nos articles : " ...les flûtes de Tulou numérotées auraient été réalisées par l'atelier de Gautrot..."

Nous pouvons dire aujourd'hui que la flûte perfectionnée, système Tulou a été introduite en 1849 et les premiers instruments ont été fabriqués par l'atelier Tulou / Nonon avant la période de séparation des 2 protagonistes.

Jules Herman ou Hermant (1830-1911) est né à Douai et décédé à Lille. Il fait d'abord carrière à Paris comme flûtiste au théâtre national et aux concerts du Jardin d'hiver. En 1852 il s'installe à Lille et dirige de 1854 à 1902 la classe de flûte du conservatoire de Lille.

Jules Herman par A. D. Collette.
(Tula Giannini)

3° Partie : Date de parution de la méthode de Tulou.

Tulou a publié deux méthodes, celle dont nous recherchons la date de parution, mais également une petite méthode simplifiée parue en 1859 et éditée en France par Chabal. Nous évoquerons que la première

Petite méthode de Flûte de Tulou parue 
en 1859 et éditée par Chabal.






































Concernant cette parution en 1835 de la Méthode de J.L. Tulou, il n'y a pratiquement rien qui pourrait permettre de valider cette date, les arguments suggérés par Tula Giannini sont très approximatifs.

Mais imaginons que cet hypothése soit retenue......une telle méthode éditée et écrite par le plus grand flûtiste de l'époque devrait pouvoir se trouver chez les collectionneurs, musiciens etc....surtout qu'elle aurait vu son usage couvrir une période de plus de 14 ans (de 1835 à 1859 date de retraite de J.L. Tulou). Bien sûr cet ouvrage ne devrait pas comporter de partie sur la flûte perfectionnée système Tulou, puisque celle-ci a été introduite entre 1848 et 1849. De plus quand on connaît J.L. Tulou et son état d'esprit, il serait surprenant qu'il n'ai pas essayer d'en tirer profit, notamment au niveau de sa publicité. Hors, la première annonce sur ce sujet est faite dans le Bottin en 1853 (voir ci-dessus) en même temps qu'apparaît sa flûte perfectionnée......alors si nous suivons la théorie de Tula Giannini  suggérant une seconde édition, où seraient rajoutés les éléments sur la flûte perfectionnée. J.L. Tulou aurait fait plus de publicité sur une seconde édition, que lors de la sortie de la méthode en 1835.....période beaucoup plus favorable à la défense de la flûte classique ? Celà n'est pas du grande logique.

Nous avons essayé de répertorier les différents types d' exemplaires qui auraient pu être édités dans cette période (1835-1851). Pour notre part, nous avons trouvé 3 modèles pour la France et une édition en Allemagne. (Cette méthode a été publiée également en Italie et en Espagne).

Toutes ces éditions sont identiques et abordent la flûte perfectionnée.

Bien sûr si vous possédez, connaissez, etc...des exemplaires différents, par exemple avec les mêmes éditeurs, mais avec des adresses différentes, sans mention de flûte perfectionnée... n'hésitez pas à nous contacter.

Voyons ces trois éditions différentes pour cette période :

Edition Brandus et Cie : 103 rue Richelieu et Chez  l'auteur 27 rue des Martyrs : 1851

L'exemplaire que nous avons observé, est conservé à la BNF et est daté de 1851.

Edition Brandus 1851 (source BNF)








C'est cette édition que les Editions Minkoff de Genéve ont décidé de rééditer en 1979.
Copyright de Minkoff






" Brandus et Cie est une maison française d'édition musicale fondée le 14 janvier 1846 à Paris par Louis Brandus et Ernest Deschamps d'Hannecourt. La maison jouissait d'une belle réputation et constituait l'une des premières maisons d'édition musicale française1. Cette réputation était basée par l'importance et la qualité des œuvres constituant le fonds, le réseau de diffusion et un système d'abonnement, le soutien de sa revue, une promotion dynamique auprès des directeurs de théâtre ou de salles de concerts, et le recours aux techniques nouvelles d'impression permettant d'obtenir des publications à prix compétitifs" . (Source Wikipédia)

De nombreuses œuvres de Jean-Louis Tulou ont été publiées chez cet éditeur.

Les différentes adresses permettent de confirmer la date de l'édition de 1851 : 

de 1846 à 1849 : 87 rue de Richelieu, 

de 1849 à 1851 : 97 rue de Richelieu, 

de 1851 à 1887 : 103 rue de Richelieu.

De plus, la couverture comporte deux mentions importantes : " Milan : Ricordi, " les droits de la méthode de Tulou, pour l'Italie ont été vendus en 1851 à la maison d'édition musicale  " Casa Ricordi  " fondée en 1808 par Giovanni Ricordi (1785-1853), comme nous le verrons  plus tard dans cet article.

Et une deuxième mention : Mayence : Schott, c'est à dire la distribution pour l'Allemagne, la Belgique et l'Angleterre signée vers 1851 également.




































Pourquoi J.L. Tulou a-t-il dédié sa méthode  " A son altesse royale : le Prince Royal de Hanovre "?
 
Qui était le Prince de Hanovre ?
Cousin de la reine Victoria, George de Hanovre (1819-1878) devint le roi George V à la mort de son père le 18 novembre 1851 et le resta jusqu'à sa déposition en 1866, consécutive à l'annexion par la Prusse de son royaume de Hanovre qui entraîna son exil en Autriche.

La famille de George V de Hanovre.
























À la suite d'une maladie infantile puis d'un accident durant son adolescence, Georges-Frédéric de Hanovre était atteint de cécité depuis 1833 à l'âge de 14 ans. C'était aussi un musicien averti, pianiste et compositeur de quelque 200 oeuvres, dans tous les genres dont une symphonie. Il séjournait réguliérement et devait connaître J.L. Tulou. Tous les deux étaient francs maçons.

Georges de Hanôvre est devenu roi à la fin de l'année 1851, la sortie de la méthode de Jean Louis Tulou en 1851 était une occasion de rendre hommage au Prince.
La dernière vente de Vichy, nous a permis de découvrir une magnifique flûte mais aussi des documents personnels de J.L. Tulou, nous montrant que ce dernier n'était pas insensible aux faveurs des Grands (Nombreuses décorations reçues vers  1851).


Edition Chabal : Paris Chabal éditeur 15 Bd  Montmartre






Edition Chabal vers 1851
































A remarquer qu'elle mentionne les Editions Italiennes de la Casa Ricordi, donc vers 1851 et Allemandes de Schott donc également vers 1851.

Chabal est une Maison d'édition musicale créée vers 1840, par François Joseph Chabal (1804-1885) au 10 Bd des Italiens et de 1848 à 1857 au 15 Bd Montmartre.
Là également l'adresse du 15 Bd Montmartre, permet de dater cet exemplaire des années 1851.

3éme et  dernière édition : Schonenberger 28 Bd Poissonnière Paris.
Méthode édition Schonenberger 28 Bd Poissonnière
2nd édition aprés 1851













































Il s'agit d'une seconde édition publiée après 1851. Elle comporte également les mentions italiennes et allemandes pour 1851.
La maison parisienne Schonenberger a été créée en 1830 par Georges Schonenberger (1807-1856).
Les différentes adresses : 10 Bd Poissonnière de 1830 à 1840, au 20 de la même adresse de 1841 à 1842, puis de 1843 à 1875 au 28.

5 minutes de pause vont nous faire du bien. Ecoutons la musique de J.L.Tulou interprétée par Anna PUSTLAUK  sur notre flûte de 1844 offerte à Gustave Lemoux.
Anna Pustlauk a également travaillé sur cette méthode de Tulou et rejoint notre point de vue : 
" 1851 is a special year for Tulou in many respects. In the summer, he publishes his long-awaited flute method op. 100. There is still much conjecture about the correct year of origin of the method, but in fact there is no longer any doubt that it is 1851. The method was published by at least three publishers: Chabal, Brandus & Cie and Schott (with a German translation). The Chabal and Brandus & Cie editions differ slightly from each other. The content is the same, but four pages with scales have different page numbers. In her dissertation about Tulou Michelle Tellier quotes a letter from Tulou to the engraver Benoit dated Sunday 4 May (the year is not mentioned, but in 1851 4 May was a Sunday) that two plates with trill charts still had to be engraved (these two trill charts are missing in the Brandus & Cie edition in National library in Paris (bnf). Benoit is the engraver of the method, he is mentioned on the front page below ".

Elle mentionne une lettre, citée dans la thése de Michelle Tellier, de Tulou à Benoit (graveur de la méthode dont le nom apparait dans la page de l'introduction, en bas de page  , " Gravée par Benoit Ainé ", cette lettre datée du dimanche 4 mai sans précision d'année or en 1851 le 4 mai tombe un dimanche.

Anna donne également un élément en faveur de la thése de Tula Giannini (à son avis). Elle a découvert dans la Revue musicale du 19 janvier 1834 une annonce mentionnant une méthode de flûte par Devienne et Tulou (sans précision).
















Bien sûr, cela va tout à fait dans notre sens, il peut s'agir d'une reproduction de la méthode de Devienne enrichie d'aires de Tulou et de Kulhau comme celle de Ludovic Leplus que nous mentionnons au début de notre article.

L'approbation de la méthode de Tulou par le conservatoire de Paris, a été fait  par le comité musicale de cet établissement. Son avis a été cité dans les premières page de la méthode (voir ci-dessous) :
Rapport du comité musical du conservatoire de Paris
Méthode Tulou

























C'est du fait de la signature de ce rapport par Auber que T. Giannini  affirme qu'il y aurait une seconde édition en 1842. (Voir au-dessus)
Or, nous voyons que ce même rapport est signé également par Ambroise Thomas (1811-1896), prestigieux compositeur messin et futur successeur d'Auber (1871) au poste de Directeur du conservatoire de Paris.
Nous avons retrouvé aux archives nationales de Paris, les compositions pour chaque année du comité musical. Ambroise Thomas a rejoint ce comité le 5 mars 1849.

Composition du comité musical de 1849.
Archives nationales de Paris
















Même si nous n'avons pas encore trouvé le rapport d'approbation de la méthode de Tulou, qui mettra un terme à cette polémique, nous avons apporté suffisamment de peuve pour dire que cette méthode a étè approuvée en 1851.

Apportons une dernière preuve pour clore notre démonstration.






































Cette lettre écrite par J.L. Tulou du 29 octobre 1850 à Mr Ricordi à Milan, évoque son 14éme solo pour la flûte qu'il propose de lui vendre.

Puis : " Je profite de l'occasion que j'ai de vous écrire pour vous dire que je viens de mettre la dernière main à ma méthode de flûte  : c'est un ouvrage auquel je travaille depuis une vingtaine d'années ".
Lettre de J.L. Tulou du 29 10 1850
Collection Ricordi





































Cliquez sur les images pour les agrandir et pouvoir les lire.

" Cette méthode toute progressive commence par les principes les plus simples et se termine par des études très développées, elle est faite sur un nouveau plan et différe entièrement de toutes celles qui ont paru jusqu'à ce jour. Elle est dans les mains des graveurs (voir la partie Benoit de notre article) et paraîtra promptement. Elle m'a été demandée par divers éditeurs de plusieurs pays étrangers et je serais charmé que vous puissiez en devenir le propriétaire pour l'Italie.
J'espère , si vous en faites l'acquisition, que vous n'en aurez pas de regret car elle est vivement attendue depuis fort longtemps ; elle ne sera pas très volumineuse et se composera à peu près de 80 à 90 planches.
J'attends votre réponse le plus tôt possible, car je ne voudrais pas arrêter cette publication (si?) elle est acceptée pour l'enseignement du conservatoire".

Voilà la conclusion qui me semble très nette et qui pourrait être remise en cause uniquement si quelqu'un découvrait cette méthode mystérieuse de 1835.
Alors n'hésitez pas, cet article n'est pas parole d'évangile, et doit être discuté, complété, critiqué.....je publierai très prochainement un article dans le Larigot .....avec peut-être l'avis favorable pour la méthode de J.L. Tulou du comité musical du conservatoire de Paris de 1850 ou 51.

Ce 14ème grand solo est celui qu'a joué en 1849, Jules Herman pour obtenir son premier prix de Paris. L'a-t-il fait sur une flûte perfectionnée?