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samedi 3 octobre 2015

Analyse des spécificités de la facture des clarinettes anglaises de la première moitié du XIXème siècle. What are the features of the English clarinets from the first part of the XIX° century.

 Par José-Daniel Touroude  


Le thème de la dernière visite de ma collection a porté notamment sur la facture anglaise entre 1820-1840. A travers 4 clarinettes anciennes anglaises : une Wrede à 5 clés, une Metzler 6 clés, une Dawkins 10 clés, et une Key 12 clés nous avons construit notre propos autour de 2 questions.

1° Quand est apparue la clarinette en Angleterre ?
En 1751, Jean Chrétien BACH (un des fils du grand Jean Sébastien) introduisit la clarinette allemande en Angleterre. HAENDEL (le grand rival saxon de JS Bach), a été aussi été un des premiers compositeurs à utiliser et à faire connaître à Londres cet instrument pourtant très approximatif et imparfait. Avec ces deux parrains prestigieux, la clarinette en Angleterre va faire son entrée dans la musique. Avec un son pastoral plus rond différent du hautbois (perce cylindrique et non conique du hautbois), se mariant bien avec les bassons et les cors, la clarinette va peu à peu se répandre dans les musiques classique et populaire anglaise. 
Jean Chrétien BACH peint par Thomas Gainsborough.
Les grands musiciens anglais du 17ème comme DOWLAND et PURCELL  d’une part, les nombreuses mélodies tirées d’un riche répertoire populaire des différents peuples des îles britanniques d’autre part, vont créer un répertoire national. Il faut aussi ajouter l’importance de la musique sacrée qui  passera du grégorien à la polyphonie comme le reste de l’Europe et la présence de JC Bach, Haendel, Porpora et ses castrats dont Farinelli etc..  qui feront de Londres une des capitales de la musique. Enfin un public anglais très réceptif aux différentes musiques vont entraîner l’utilisation variée d’abord du chalumeau (ancêtre de la clarinette) puis de la clarinette.
John DOWLAND.
Pourquoi la célèbre facture anglaise a t-elle disparue à la fin du XIXème ? La facture anglaise de la 1ère partie du XIXème siècle est originale et s’est rapidement démarquée de la facture allemande (qui ne l’oublions pas a crée la clarinette). A cette époque en fait, il y avait deux sources d’innovations et de modifications d’instruments. Des innovations externes : L’Angleterre n’était pas du tout isolée et faisait même partie du parcours des cours royales et aristocratiques de tout musicien de talent voulant être reconnu.
Les musiciens se promenaient à travers l’Europe avec leurs répertoires, les dernières nouveautés de leurs instruments, certains facteurs anglais voyagèrent sur le continent et inversement certains facteurs émigrèrent en Angleterre. Il faut se rappeler que la 1ère moitié du XIXème siècle est d’une créativité incroyable dans la facture d’instrument. En quelques décennies la clarinette 5 clés connue par Mozart (où il fallait être virtuose pour jouer correctement) est passée à 6 clés puis avec Iwan Müller à 13 clés. D’un instrument approximatif qui ne faisait pas toutes les notes et justes, on arriva en quelques décennies à un instrument abouti, fiable, avec un doigté facile permettant de la vélocité et parfaitement intégré dans tous les orchestres qu’ils soient militaires, symphoniques ou populaires. 
Mais il y avait aussi des innovations internes. En effet le monde des facteurs était limité, organisé en corporations et imbriqué (apprentissages, compagnonnages et mariages entre eux). En conséquence, les innovations dans ce réseau restreint se diffusaient relativement vite, la notion de brevet (lettre de patente ou patent en anglais) existait mais était d’une protection très relative pour les instruments de musique. D’autre part la clarinette a évolué parallèlement aux autres instruments à vent.
Clarinette à 5 clés, en Ut de WREDE à Londres. (Collection José TOUROUDE)
Les facteurs de clarinettes faisaient aussi des flûtes, des hautbois voire des bassons et chaque innovation sur un instrument était transférée sur les autres instruments à vent. Cela dura jusqu’au système Boehm où celui ci appliqua les bouleversements de ce qu’il avait réalisé sur la flûte, au hautbois et à la clarinette.
Ainsi la clarinette se généralisa et la demande d’instruments va croître rapidement.

Clarinette en Bb et à 6 clés de METZLER à Londres.
Collection José TOUROUDE)
L'Angleterre, qui avait de bons tourneurs sur bois, commença à avoir des facteurs d’instruments réputés  comme Wood, Cramer, Gutteridge, Clementi, Metzler, Goulding, Key, Miller, Astor, Gerock, Dawkins, Bilton, Monzani, Milhouse, Wrede, Wolf, d’Almaine….
Clarinette en Ut et à 10 clés de DAWKINS à Londres.
(Collection José TOUROUDE)
Clarinette en Bb et à 12 clés de KEY à Londres.
(Collection José TOUROUDE)
2° Quelles sont les spécificités de la facture anglaise ?
La facture anglaise possède des caractéristiques spécifiques et originales permettant de la reconnaître de suite :
·         Le bec est original: court disposant d'un tenon très long entrant dans le barillet et qui permet en le tirant de s'accorder. Le diapason en Angleterre à cette époque est mouvant bien sûr mais assez  élevé  autour de La à 440 (contre souvent La à 430 ou 435 Hz sur le continent), ce qui permet à de nombreux musiciens actuels, voulant jouer sur des instruments d’époque avec un diapason La= 440 Hz, de jouer avec les clarinettes anglaises. La clarinette Key que nous présentons, a un bec encore plus original : il est inversé. 
Comparaison de trois becs et barillets : de gauche à droite, bec français
avec barillet bombé, bec classique anglais à long tenon et à barillet creusé,
bec original de la clarinette KEY avec tenon sur le barillet (inversé).
·         Le barillet est aussi original et reconnaissable car il est creusé au centre et renflé à l'extrémité et non renflé au milieu comme les barillets continentaux. C’est une caractéristique des tourneurs de clarinettes anglaises. Ceci est purement esthétique et n’a aucune incidence sur le son, la perce étant la même. Si les barillets continentaux ont deux bagues plates et étroites, la clarinette anglaise a, au contraire, deux bagues en ivoire plus larges (l’ivoire des éléphants de l’Inde ne manquait pas à l’empereur puis à Victoria impératrice des Indes !) . Ceci est une caractéristique esthétique des clarinettes anglaises.  

·         La sixième clé est une clé particulière et traditionnelle de la facture anglaise :
La création à la fin du 18ème siècle de la 6ème clé par Lefèvre et Baumann pour faire le do#/sol#  avec le petit doigt main gauche (G4)  avec un patin, boule, charnière et vis en laiton va se généraliser dans le monde . Mais les facteurs allemands s’ils adoptent de suite cette  6ème clé au même endroit, resteront fidèles aux blocs en bois avec un axe laiton pour fixer la clé. 
Les facteurs anglais à la même époque feront eux une 6ème clé mais totalement différente, longitudinale sur le corps du haut servant pour les trilles.  
Plus tard l’Angleterre intégrera la clé G4 de sol# / do#  (exemple la Dawkins à 10 clés et la Key à 12 clés)
Détail de la sixième clé sur la clarinette de Metzler.
Même partie d'une clarinette française à six clés, de la même époque. 

·         Les anneaux et blocs : Les clés sont montées sur des blocs tournés dans la masse du buis qui
permettent de fixer les clés mais ceux ci sont raccourcis et allégés comme on peut voir sur les deux photos ci-dessus.
Le corps du bas possède aussi un renflement plus allégé : le bulbe renforcement caractéristique des clarinettes anciennes est ici coupé en deux, contrairement aux clarinettes de la même époque allemandes et françaises où le bulbe est entier et constitue un bloc.
Comparaison des bulbes  : de gauche à droite, deux clarinettes françaises
avec le bulbe complet et les deux anglaises avec des demis bulbes.
·         Le montage des clés se font sur des blocs sculptés dans la masse en buis y compris les guides des clés et non avec des pièces métalliques rajoutées comme les autres clarinettes.  
·         Pour éviter les cliquetis et améliorer le bouchage des trous par le tampons, le bois est creusé en dessous des clés transversales  que ce soit pour les clés carrées ou pour les clés rondes comme la Dawkins ou la Key.
·         Les trous fermés par les clés sont chemisés pour améliorer l'adhérence des tampons. C’est une innovation anglaise de James Wood qui sera repris par tous. (chemiser l’ «âme» c’est à dire le trou de douzième pour éviter le bouchage par la condensation et la salive (chemisage en ivoire, en laiton, en maillechort…). En France seuls les facteurs lyonnais faisaient de même (Simiot, Sautermeister, Tabard). 
·         Les clés sont en laiton : Les clés sont plates parfois carrées mais souvent rondes, de forme classique, en laiton. Les ressorts sont en laiton et rivetés sur les clés. Celles ci sont articulées par des axes en laiton à travers des blocs en bois tournés dans la masse pour fixer les clés.  Rien d’original. Par contre la grande clé main gauche de fa# grave est en zig zag, formant un angle caractéristique et  n'est pas droite comme ses semblables provenant d'autres pays et ceci est aussi une spécificité anglaise. (Mais avec la Key à 12 clés plus tardive, cette spécificité disparaît .)
Clé de Fa# grave en Zig Zag.

La clé du petit doigt droit D4 a une petite pointe rentrante comme beaucoup de clarinettes anglaises (sauf la Wrede 5 clés à gauche qui a une clé traditionnelle).
Clé du petit doigt à spatule comportant des encoches.
Dans la 1ère moitié du XIXème siècle, pour jouer de  la musique romantique qui demandait de plus en plus de la vélocité pour les clarinettistes, les facteurs vont creuser des trous supplémentaires et mettre des clés pour les boucher. Ainsi en quelques années la clarinette à 13 trous et 5 clés va devenir la clarinette à 20 trous et 13 clésCes 4 clarinettes montrent l’époque de transition passant de 5 à 6 clés, puis rapidement à 10 et 12 clés. Ces clarinettes permettent de faire toutes les notes mais avec des doigtés spécifiques peu commodes et à la justesse relative.  
·         La couleur des clarinettes anglaises est aussi caractéristique et un ami chimiste et collectionneur m’a indiqué que le buis était poli, passé à l’huile de lin et à l’acide nitrique puis au vernis glaçant. Cela donne une couleur spécifique qui est très différente des clarinettes en buis françaises qui sont surtout cirées et allemandes teintes et vernies.
·         L’estampille a souvent une tête de licorne : cette marque est courante et typique des facteurs anglais (cf le musée d’Edimbourg) mais on ne sait pas si c’est un label de qualité officiel, la marque d’une corporation de facteurs ou une mode qui a du sens ?) surtout que certains mettent la couronne royale (Dawkins) ou rien du tout (Metzler). Il y a aussi le nom du facteur (ce qui n’est pas original ) mais aussi son adresse (ce qui l’est plus), pour les réclamations et pour la publicité. Il y a aussi souvent la tonalité (A, B, C…) marques habituelles sur la plupart des clarinettes.
 
Marque de H.Wrede avec adresse , tête
de licorne et marque de tonalité C.
Parfois il y a aussi des chiffres : souvent le n°2. D’après un courrier sur ce sujet que j’ai reçu du spécialiste anglais A. Rice, il y a deux explications. Le plus souvent il y a le numéro 2 : le facteur faisait une paire de clarinettes identiques : 2 en Ut, 2 cors de basset, 2 clarinettes d’amour car elles devaient jouer ensemble (avec 2 cors, 2 bassons…). Mais souvent il y a d’autres numéros et là c’est différent ; en fait c’est une mention de la hauteur du diapason : John Cramer le facteur anglais mais aussi Thomas Key mettaient des chiffres de 1 à 6 ( 1 étant le plus diapason le plus bas et 6 le plus élevé), car à cette époque le diapason était mouvant selon les lieux, les orchestres.  Ainsi la Key est marqué 4 et le barillet 5 (il devait en avoir un autre 4 à l’origine).  D’ailleurs c’est un anglais qui fixera le diapason international utilisé par tous actuellement..

·         La facture anglaise est raffinée et a connu un grand succès et elle sera un exemple pour la facture américaine. 
Clarinette de Graves & Co à Winchester. (Collection José Touroude)
Mais l'influence grandissante des clarinettes allemandes et françaises puis enfin l'adoption de la clarinette 13 clés de Müller puis le système Boehm feront péricliter les spécificités des clarinettes anglaises à la fin du 19ème siècle, la clarinette moderne (Boehm ou Oehler) devenant la norme dans le monde.
En revanche, si la facture anglaise s’est évanouie, Il y a eu toujours de bons connaisseurs et d’excellents clarinettistes anglais (cf les 2 livres Pamela Weston « clarinet virtuosi of the past » ainsi Brymer, Pay, P. Weston, G. Dobrée et un de mes maitres Gervase de Peyer of course…., mais aussi de grands collectionneurs (Bingham, Schakleton etc…) et auteurs de livres spécialisés (cf les livres de Rice …) 

La clarinette deviendra populaire dans les armées comme dans le reste du monde mais aussi dans les orchestres de village où malheureusement souvent mal jouée elle aura une image négative. Les « joke » et illustrations anglaises sont nombreuses.





mardi 9 juin 2015

Clarinettes et bassons de BAUMANN et WINNEN équipés d'un système de clés "Inventé par C.H FELIX Mécanicien à Paris". Clarinets and bassoons with a keys system invented by C.H FELIX mechanic in Paris

Dans le magnifique ouvrage rédigé par Albert R. RICE, qui vient de sortir sur la collection de MARLOWE A. SIGAL on peut voir un superbe jeu de clarinettes réalisé par Jean Jacques BAUMANN (1772-1845) et le mécanicien C.H. FELIX.
 J'ai voulu en savoir un peu plus sur ces instruments.  
Clarinettes à 7 clés de Baumann et C.H. Félix, en La et Si B.
(Collection de Marlowe A. SIGAL)
Ces clarinettes en buis foncé, sont munis de clés en laiton très particulières ; elles épousent les courbes de l'instrument, sont d'un accès plus ergonomique et sans doute étudiées pour avoir une articulation plus réactive. Il est précisé dans les commentaires, que les ressorts se situent à l'intérieur des tubes des clés. Donc une conception très originale pour des instruments datant de c. 1815.
Détails d'une clarinette.
Si on regarde la photo de détails (au dessus), il y a sur chaque clé une petite molette permettant de régler la hauteur de la clé par rapport au trou. Ces clarinettes portent la marque de Baumann (voir photo ci-dessous d'une autre clarinette de Baumann). Les clés ne portent pas de marque ; ces clarinettes devaient faire partie d'un jeu de 3 clarinettes (Ut, Si bémol, La), puisque le pavillon de la clarinette en La, porte la marque C. Donc peut être reverrons nous, un jour sur le marché, une clarinette identique en Ut, avec un pavillon marqué A.
Marque Baumann d'une autre clarinette, mais identique
à celles de la collection Sigal.
Albert RICE signale dans ses commentaires, un basson de BAUMANN muni du même système de clés dans les collections du Metropolitan Museum de New York dont les clés sont marquées : " Inventé par C.H. FÉLIX Mécanicien à Paris en 1813".
Basson de Baumann et clés de C.H. Félix.
(Collection Metropolitan Museum de New York).
Qui était C.H. FELIX ? Nous n'avons pas trouvé grand chose sur ce personnage, donc cet article va devoir être complété.. En revanche nous savons que FELIX était mécanicien en 1806 et exerçait au 14 quai des orfèvres à Paris. Il était très inventif non seulement pour les clés d'instruments, mais pour de nombreuses autres choses. Toujours en 1806, il présentait lors de  l'exposition des produits de l'industrie française sur la place des invalides et sur le portique N°28 "Mr Félix, mécanicien au 14 rue des orfèvres : mécanique servant à moucher une chandelle à des temps marqués toujours proportionnés à la longueur de la mèche charbonnée et cela par l'effet même de la combustion de la chandelle et de son raccourcissement".
Première page du catalogue de l'exposition de la place des Invalides de 1806.
Détails du basson du MET.
De 1808 à 1813 il exerce au 11 rue Vieille Bouclerie à Paris. En 1813 il invente ce système de clés mais nous n'avons pas trouvé le brevet correspondant (S'il existe car inventer n'est pas breveter).

Revenons au basson de Baumann du Met, il s'agit d'un basson à 7 clés avec une branche de rechange pour adapter le diapason, le bocal possède une visse pour régler sa hauteur et une des clés est couverte par une grille monogrammée avec les initiales du propriétaire : P?G?......je lance un jeu, mon estime pour le premier qui le décrypte. On retrouve le système de molette sur chaque clé pour régler la hauteur.


























En 1822 et 1823 il exerce au 40 rue du Marché Neuf et vend "des outils d'horlogerie". A partir de 1825 jusqu'en 1827 il est "facteur de clarinettes" : "Félix, clarinettes 18 rue des Marmousets, Cité".
C'est peut être à cette époque qu'il réalise le jeu de clarinettes de la collection Marlowe Sigal.
Mais il reste a trouver une clarinette marquée "Félix à Paris".

Il existe un autre basson similaire au Musée de la Musique de Paris  mais signé WINNEN. Toujours à sept clés, avec toutes les caractéristiques décrites pour le basson du Met.
Les différences sont au niveau du pavillon plus travaillé et de la grille couvre clé avec un écusson.
Pavillon du Basson de WINNEN du Musée de la musique de La Villette.
En 1829 voilà ce que l'on peux lire dans l'annuaire Bottin : "Mécanicien : Félix, divers ouvrages pour horlogers et opticiens, garnitures de clefs d'instruments à vent, en cuivre et en argent : 18 rue des Marmousets-Cité".


En 1833 : "Félix, divers ouvrages pour horlogers et opticiens, suspension de montre marine, batte calotte et cercle, exécuté d'après plan et dessin tout ouvrage mécanique en petit. 36 rue des Marmousets-Cité".
En 1837 :" Félix fait divers ouvrages pour horlogers et opticiens, suspension de montre marine, Il fait d'accord avec Teillard le mécanisme des tableaux pour fantasmagorie, exécute d'après plan et dessin tout ouvrage en petit, 36 rue Marmousets-Cité".
Il avait abandonné les clés d'instruments, pour les mécanismes des tableaux pour fantasmagorie.
Spectacle de fantasmagories vers 1850.
Il continue jusqu'en 1847, Toujours 36 rue des Marmousets-Cité : voici sa dernière annonce :"Félix tout ouvrage mécanique en petit, mécanisme des tableaux pour fantasmagorie, 36 rue des Marmousets". La rue Marmousets dans l'île de la cité (Paris 4°), est aujourd'hui la rue Chanoinesse.

La rue Marmousets vers 1860.
N'hésitez pas à compléter cet article : rene.pierre23@gmail.com






samedi 29 mars 2014

Instruments anciens : COUSINEAU Père et Fils facteurs de Harpes et de clarinettes à Paris ?

Une jolie clarinette en Ut à 5 clés de la collection de José Daniel TOUROUDE nous laisse songeur ; en effet elle porte la marque : "COUSINEAU Père et Fils à Paris".

C'est l'un des seuls instruments à vent portant cette marque que nous connaissons.

Seul le pavillon porte cette marque assez effacée. La clarinette est en buis, baguée ivoire à cinq clés carrées en laiton ; la facture est particulièrement fine en particulier le guide creusé dans le bulbe pour la clé de Mib.

Cette clarinette a sans doute été réalisée par un facteur inconnu (où par l'atelier de Cousineau ?) vers 1810.
Les COUSINEAU père et fils étaient des facteurs de harpes très célèbres. Le père Georges COUSINEAU (1734-1800) était facteur de harpes et de guitares, "mais il vendait instruments et œuvres musicales, témoin cette étiquette collée à l'intérieur d'une contrebasse à trois cordes" du musée de la musique de Paris : "Rue des Poulies, vis à vis la colonnade du Louvre, à la Victoire. Cousineau, luthier, fait et vend harpes, lyres, violon, violoncelle, contrebasses, pardessus de viole, alto-viols, guitares, violes d'amour, mandolines, sistres et autres instruments de musique. Il vend aussi des cordes de Naples et tient magasin de musique française et italienne. Son épouse (Madeleine RENAULT) grave la musique". (Constant PIERRE "les facteurs d'instruments de musique" 1)
Détails d'une harpe de Cousineau père et fils vendue à Drouot.


Il avait fait son apprentissage à Paris en 1750 chez le luthier François LEJEUNE : A la Harpe Royale" et obtenu son brevet de maîtrise en 1758. Très curieux il s'intéressait à toutes les nouveautés  et même à l'harmonica.
"En 1775, Cousineau s'adjoignit son fils Jacques Georges COUSINEAU (1760-1836), lequel entra le premier avril 1776, en qualité de harpiste, à l'orchestre de l'opéra, qu'il quitta le premier janvier 1811....En 1772 COUSINEAU père joignit à son commerce, la vente des pianos anglais, ce qu'il faisait savoir dans les papiers publics : "le Sieur Cousineau vient de recevoir des piano forte d'Angleterre des meilleurs facteurs". (1)
Jacques George COUSINEAU (BNF).
Vers 1780 Cousineau père remplace les crochets de harpes par des béquilles, ce mécanisme ne modifie pas l'axe de la corde qui tient ainsi plus longtemps l'accord.
Piano Forté portant la marque Cousineau. (Musée de Bruxelles)
"En 1781, il voulut donner à la harpe, la facilité de produire les ré, sol, do, et fa b et les ré, la et si # par l'adjonction d'un second rang de pédales, ce qui en portait le nombre à 14 et procurait 21 demi-tons, résultat que Sébastien ERARD devait obtenir plus pratiquement quelques temps après par le double mouvement des sept pédales ordinaires". (1)
"La leçon de harpe de la demoiselle d'Orléans" : par Jean Antoine GIROUST (1753-1817).
Représentation d'harpes de Cousineau dont une harpe d'enfant.
 En 1781 également Cousineau obtient le titre de "Marchand luthier de la Reine" et en 1784 il est nommé "Luthier ordinaire de la Reine". En 1789, la raison sociale devient "Cousineau père et fils, marchands luthiers à Paris".
Cousineau père acquiert en 1798 d'un amateur belge, Jean Michel RUELLE, le secret d'un mécanisme nouveau, les chevilles tournantes. Les demi-tons sont obtenus par la cheville même où sont attachés les cordes, sans le secours de la pince ou du crochet, par le mouvement de rotation de la cheville sur son axe.

Dessin des chevilles tournantes du Brevet de 1799. (INPI)
Mais l'inconvénient réside dans le fait qu'il y a des perturbations continuelles de la tension des cordes, qui ne peuvent garder l'accord et cela à nui à cette innovation. Jacques Georges Cousineau qui était de 1804 à 1809 le maître de harpe de Joséphine de Beauharnais avait réalisé un modèle à chevilles tournantes pour l'impératrice (voir l'illustration ci-dessous).
Harpe à chevilles tournantes pour l'impératrice Joséphine.
(Musée de la musique de Paris)
Après le décès de sa première femme Adélaïde BOURGUIGNON, il épouse le 4 avril 1815 à Paris Amélie Louise SEJAN (1797-1890), la fille d'un célèbre organiste Nicolas SEJAN (1745-1819), titulaire des orgues de Notre Dame.

Nicolas SEJAN organiste de Notre Dame de Paris.
Jacques Georges a écrit des sonates pour harpes et écrit une méthode célèbre pour la harpe. Le père Georges était membre fondateur de la loge : le Point Parfait et celle des Amis de la Liberté ; son fils a écrit une marche des Samnites pour le point parfait en 1802.

Jacques Georges Cousineau est décédé à 75 ans le 11 janvier 1836.

Atelier d'un luthier selon l'encyclopédie de Diderot.