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lundi 12 janvier 2015

La trompette au XIXe siècle par Christophe ROSTANG. The trumpet in the nineteenth century.

Christophe ROSTANG, trompettiste, musicologue et spécialiste de l'histoire de la trompette, nous a autorisé à reproduire cet article sur la trompette au XIXe qu'il avait déjà publié dans la gazette des cuivres (N°18 de janvier 2011).
Il est l'auteur également du numéro spécial du Larigot sur "François Georges Auguste DAUVERNE et les trompettistes  de l'orchestre de l'Opéra de Paris au XIXe" numéro que vous pouvez vous procurer auprès de l'association ACIMV pour la modique somme de 25 Euros.
Numéro spécial du Larigot.
Cet article sur la trompette nous semble particulièrement efficace, car très complet, simple et clair ; il permet de "tout" comprendre sur l'évolution de cet instrument. A quand des articles sur les clarinettes, flûtes, bassons, hautbois..... qui ne soient pas ou des articles pour savants, ou articles de vulgarisation simplistes. Si vous avez ou voulez publier dans ce sens...le blog est à votre disposition.

La trompette a connu un renouveau au XIXème siècle. D'une part dans la musique d’opéra et symphonique d'autre part avec la redécouverte des œuvres baroques. Il est pourtant difficile de savoir à quoi le mot trompette fait référence et surtout quels instruments il désigne.

La trompette au XIXème siècle 

Petit tour d’horizon des instruments et des interventions “marquantes” dans l'histoire de la musique.

La trompette naturelle, utilisée durant tout le XIXème siècle, se présente sous différentes formes.

- La trompette longue en Mib pouvant recevoir les tons de Ré, Do, Sib. Évolution directe de la trompette baroque, elle doit l’ajout de tons à la symphonie classique qui ne limite plus les interventions de la trompette à la tonalité brillante de Ré M. Elle est utilisée par exemple dans les symphonies de Beethoven créées vraisemblablement par les frères Anton (1766-1852) et Joseph (1788-1829) Wendlinger alors trompettistes au Kärntnertor Theater1 à Vienne. Elle tend à disparaître au profit des trompettes courtes permettant de corriger certaines notes avec la main dans le pavillon.
Trompette longue de Michael SAURLE vers 1800.
Stockholm Musik & Teatermuseet.
- Les trompettes courtes sont accordées en sol et peuvent avoir des tons jusqu’au la grave. Bien qu’utilisées jusqu’à la fin du XIXème, les compositeurs n’écrivent généralement plus pour cet instrument après 1850.
Trompette courte d'Auguste COURTOIS Paris 1869.
Musée de la musique Paris.
- La trompette ronde est décrite dans la méthode de David Buhl 2 (1781-1860). Elle est utilisée à l’académie royale de musique (ancêtre de l’orchestre de l’opéra) par Dauverné3 (1799-1874) et Legros (1788-après 1832) entre 1820 et 1826 4 elle peut s’accorder de fa à sib. Elle permet d'utiliser comme les cornistes, la main dans le pavillon pour corriger la justesse et produire des traits chromatiques. Utilisée dans des œuvres d’Hérold, de Méhul ou d’Auber elle n’eut qu'une vie brève et fut détrônée au profit de la trompette courte. On la nomme aussi cornet dans des articles (signé par F.J. Fétis5) du début du XIXème siècle.
Auguste Dauverné utilisa cette trompette Raoux a l’orchestre de l’Académie royale de musique et de l’opéra de 1820 à 1826. Elle se jouait avec différents tons.
F.G-A Dauverné Professeur de trompette au conservatoire de Paris (1835 à 1869). Trompette solo à l’académie royale de musique puis opéra (1820-1851) et à la société des concerts du conservatoire (1828-1851)
- la trompette demi-lune permet elle aussi le chromatisme grâce à l’introduction de la main dans le pavillon. Nous ne savons pas comment la trompette circulaire est apparue mais le retour à la trompette droite fût unanimement salué par les critiques 6, par les compositeurs et par les instrumentistes 7.
Trompette demi-lune en fa  de Courtois frères.
- La trompette à coulisse double servait principalement dans les restitutions d’œuvres baroques en Angleterre (Harper père 1786-1853 et fils 1816-1898) mais aussi en France. L'utilisation de cet instrument à l'orchestre reste énigmatique sur le continent. (Dauverné dans sa méthode de 1857 la considère comme la trompette chromatique la plus aboutie). Nous savons toutefois que Jean Baptiste Arban en a joué lors de son prix en 1845. La famille Harper était réputée pour être virtuose sur cet instrument et l’a imposé durant tout le siècle en Angleterre. Elle fut l’instrument principal dans les maisons d’opéra 8. Les compositeurs comme Bishop, Mac Farren Balfe, Clémenti ont écrit pour cet instrument. On la retrouve aussi dans les concerts symphoniques, la Symphonie italienne de Mendelssohn fût créée en 1833 avec des trompettes à coulisse.
Trompette Courtois offert à Cerclier pour son prix en 1846 et développée par Dauverné. (Musée de la musique de Paris)
Thomas HARPER père.
- La trompette à clefs accordable de sol à sib fut développée par Anton Weidinger 9 (1767-1852), le dédicataire des célèbres concertos de Haydn et Hummel. Elle fut largement utilisée en Autriche, Italie, Allemagne et France. On trouve des solos dans Norma de Bellini ou dans les premiers opéras de Verdi. Il faut cependant se méfier car on a des témoignages 10 où Meyerbeer vient diriger « Robert le Diable » à l’académie royale de musique en apportant des cornets à pistons, alors que sur l’édition originale de l’œuvre il est indiqué trompette à clefs dans la nomenclature... En France, les frères Gambatti se sont produit de nombreuses fois en solo 11 entre 1820 et 1830 sur cet instrument. Ils jouaient alors les parties de chant d’opéra de Rossini accompagnés par l’orchestre de l’opéra italien ou par un piano, ils ont fait de la musique de chambre avec Hummel 12, Fétis 13 et Herz ou Chopin 14. Ils conservaient cependant la trompette naturelle ou à pistons pour jouer les parties d'orchestre.
Trompette à clés en fa vers 1810 C.A. BAUER.
- La trompette longue à pistons en mib, fa ou sol. Évolution directe de la trompette naturelle, elle se présente comme une trompette simple à laquelle on a rajouté deux ou trois pistons. Son apparition timide a suscité beaucoup de controverses quant à la modification ou non du timbre. Souvent les compositeurs l’utilisent comme une trompette naturelle qui change rapidement de ton. On ne voit donc que très progressivement un changement de la manière d’écrire du à cette évolution. Enseignée jusqu’en 1914 au conservatoire de Paris par Merri Franquin (1848-1934) elle disparaît des orchestres dès 1870 pour les concerts Lamoureux et en 1891 à l’opéra de Paris 15. En Allemagne il semble qu'elle reste jusqu’au début XXème au moins pour les parties de deuxième trompette 16. Les frères Friedrich (1809-1893) et Ernst Sachse (1813-1870) 17, deux trompettistes cités dans les mémoires de Berlioz 18, ont contribué à développer le répertoire pour cet instrument et semblent avoir été virtuoses. Ils jouaient sous la direction de Mendelssohn et Liszt dans les orchestres de Leipzig puis Mannheim.
Trompette en fa John Angust Köhler à Londres.
- La trompette courte à pistons en ut ou sib Inventée très tôt (vers 1830), elle ne s’impose que dans la deuxième moitié du XIXe siècle. On lui reproche longtemps son timbre moins brillant que la trompette longue mais la sûreté qu'elle permet dans l’aigu sera déterminante pour les chefs d’orchestres qui l’imposeront petit à petit. En France, elle est introduite par Teste dans les années 1870 19. Certain comme Richard Strauss préconise le panachage 20: longue pour le grave et courte pour la première voix. Dès 1870 la première partie est assurée sur la trompette courte dans les grands orchestres allemands et en 1891 la trompette en fa est interdite par Lamoureux à l’orchestre de l’opéra de Paris au profit de la trompette en ut.
Trompette en si et la. Denis Antoine Courtois.
- Cornet à pistons : Pendant populaire de la trompette, souvent dénigré, il apparaît vers 1828. Fruit de l’adjonction de piston au cor de poste allemand 21, il est joué avec une embouchure conique d’où la douceur de son timbre qualifié de vulgaire par Berlioz 22 . Sa facilité de jeu par rapport à la trompette lui permet de la remplacer progressivement dans les orchestres symphoniques. Un poste lui est ouvert en 1850 à l’opéra de Paris 23 et Jean-Baptiste Arban ouvre une classe au conservatoire de Paris en 1869. De nombreux virtuoses se sont illustrés sur le cornet comme Arban (1825-1889) pour qui Berlioz ajouta un solo dans sa symphonie Fantastique 24, Maury (1834-1881) ou Joseph Forestier (1815-1882). Les compositeurs écrivent pour le cornet à pistons les mélodies rythmiques ou 
chantées 25, réservant les phrases héroïques à la trompette. Parmi les interventions marquantes du cornet à l’orchestre, les plus jouées restent Carmen de Bizet, L’Apprenti sorcier de Paul Dukas, ou Faust de Gounod.
Cornet à pistons F. Sudre vers 1890.
(Système compensateur Daniel)
- Bugle à pistons ou saxhorn soprano. Apparu en 1830 pour succéder au bugle à clefs, il est breveté en 1843 26 par Adolphe Sax qui le situe dans l’aigu de sa famille des saxhorns. Son rôle reste cantonné aux fanfares, harmonies et autres musiques militaires. Il eût toutefois de nombreuses apparitions sur la scène de l’opéra de Paris dans la seconde moitié du XIXe 27. Sax, alors directeur des musiques de scène, met ses instruments à l’honneur. On le retrouve aussi dans le manuscrit de la troisième de Mahler 28 qui pour le solo indique Flugelhorn (Bugle), et précise « jouer comme un cor de poste".
Bugle à pistons en sib de Louis Müller à Lyon vers 1840.
Cliquez sur le tableau pour pouvoir le lire.
Bibliographie sélective : - La trompette Ed. Tarr editions Payot

- The Cornet compendium téléchargeable sur internet : Lien
- The Cambridge Companion to Brass Instruments Cambridge university press) dirigé par T. Herbert et J. Wallace.

1. Historic brass society journal
- vol 18 p. 52 « Beethoven brass players »
2. Méthode de trompette de 1825 éditée à Paris
3. Bibliographie de Dauverné
4. Notice du musée de la musique à Paris
5. Revue Musicale volume 3, 1828
6. Fétis, revue musicale de 1828
7. Méthode pour trompette de Dauverné, 1857 8. The Last Trumpet, Art Brownlow, HBS, p115
9. The Keyed Trumpet and its greatest virtuoso...
Reine Dahlqvist, The Brass Press, p10
10. Rostang - ‘Les frères Gambatti autres pionniers’
La Gazette des cuivres n°16 p 30
11. Echos et nouvelles du 13 Novembre 1826
12. J.N. Hummel a Musicians life and worlds
edition Mark Kroll (2007) p.160
13. Fétis in L’éclaireur - dimanche 2 décembre1832
14. Castil Blaze in L’Europe littéraire (Paris. 1833)
15. Encyclopédie Lavigac, tome 3 p 1614
16. La trompette, E. Tarr, ed. Payot, p125
17. Das grosse buch der trompete, F. Keim
- édition Schott, p 58-59 et Wikipédia hollande.

18. Berlioz Mémoires Edition Flammarion Paris, p.337
19. Encyclopédie Lavigac, tome 3 p 1610
20. Traité d’instrumentation de Berlioz
revu et corrigé par R. Strauss
21. Article « cornet à pistons » dictionnaire de la musique
en France au XIXème éditions Fayard
22. Traité d’instrumentation de Berlioz
- article sur le cornet à pistons.19
23. A. Terrier, L’orchestre de l’opéra de Paris
édition La Martinière p.125
24. T. Herbert et J. Wallace, Brass instruments,
- Cambridge university press, p.165
25. Méthode de Cornet à pistons d’Alexandre Petit.
26. Adolphe Sax, M. Haine
-Edition de l’université de Bruxelles, p. 62
27. Adolphe Sax de M. Haine

28. The cornet compendium, Richard Schwartz, part 7

mercredi 24 avril 2013

Histoire de la trompette à clés (Keyed Trumpet) et du bugle à clés (Keyed Bugle).

Pour rendre la trompette chromatique différentes techniques ont été utilisées, comme le bouchage qui consistait à introduire la main dans le pavillon pour obtenir les notes voulues, la coulisse comme sur le trombone, ou les clés comme sur le saxophone, technique qui connue son heure de gloire avant l'invention par BLUEHMEL en 1813 du piston.

La première trompette à clés a été construite vers 1777 mais ne connut pas le succès car le timbre de la trompette disparaissait entièrement pour donner un son entre la trompette et le hautbois. C'est en 1793 qu'un amateur du nom de NESSMAN a mis au point une trompette à clés qui gardait le timbre de la trompette et avec laquelle on pouvait monter une gamme chromatique.

Trompette à 4 clés de Johan Jacob FRANCK à Nürnberg.
(Musikinstrumente Museum Universitate Leipzig)

Anton WEIDINGER (1767-1852), grand virtuose de la trompette à clés l'améliora ; c'est d'ailleurs pour lui que Joseph HAYDN a composé en 1796 son fameux concerto en mib majeur.


Weidinger créa le premier janvier 1804 à la cour du prince Esterhazy , le concerto pour trompette et orchestre écrit pour lui  par Johann Nepomuk HUMMEL (1778-1837).

Trompette à 5 clés de Joseph Ignaz Meindl vers 1820.
(Musikinstrumente Museum Universität Leipzig)
Le gros défaut de cette instrument est le même que la trompette à boucher : l'inégalité entre les notes ou certaines clés sont bouchées et certaines notes lorsqu'elles sont toutes bouchées. C'est la raison pour laquelle elle fut très vite, particulièrement en France, supplantée par la trompette à pistons.


Il existe très peu d'exemplaire de trompettes à clés réalisées par des facteurs d'instruments français.

Trompette à 6 clés de Louis Müller à Lyon vers 1840.
(University Edimbourg)
En 1810 l'irlandais Joseph HALIDAY fait breveter le bugle à clés ou "royal Kent bugle" muni de 6 clés (5 fermées, une ouverte).

Méthode de trompette à clés de COLETTI.
Ce bugle à clés était principalement joué dans les fanfares militaires, particulièrement en Grande Bretagne et c'est par les démonstrations de ces "British bands" qu'il est devenu très populaire en Europe.

Bugle à 7 clés en ut de Charles PACE à Sheffield. (Vichy décembre 2012)
Ce bugle se construisait en deux variétés : le bugle soprano dont il existait 3 modèles, en Ut, Si bémol, et en La.

GREENHILL à Londres, bugle à 6 clés et deux et demi tours. (Vichy 12 2012)
Le bugle soprano en Ut fournissait, sans l'usage des clés les sons du clairon d'ordonnance en ut. A l'aide des clés on baissait chaque note d'un demi ton et l'on obtenait l'échelle chromatique dans l'étendue de 2 octaves.

Bugle en Mi bémol de TABART à Lyon. (Vichy 12 2013)
Le bugle sopranino en Mi bémol sonnant une quarte au dessus du bugle soprano en Si bémol était le plus aigu des instruments des fanfares.

Grand bugle à 7 clés en Fa en forme de demi lune de Charles KRETZSCHMANN
à Strasbourg. (Collection particulière)
Ces deux bugles s'associaient à l'ophicléide pour former une famille. Leur sonorité était sans éclat et en 1820-1835 ils partageaient avec la clarinette l'exécution des solos dans les orchestres militaires.


En France en 1845 un comité comprenant : Spontini, Aubert, Halévy, Adam, Onslow et Carafa réorganisa les musiques militaires. Il fut décidé, sous l'influence d'Adolphe Sax, entre autre que les saxhorns remplaceraient les bugles à clés. En Grande Bretagne le remplacement définitif des bugles à clés par des instruments à pistons mis un peu plus de temps, car en 1860 on pouvait encore trouver dans les "bands" des instrumentistes jouant ces instruments.

Bugle 7 clés de SCHOTT Fils à Mayence.
En Allemagne si le Klappen Fluegelhorn mis du temps a apparaître dans les orchestres militaires (1820), il resta utilisé bien au delà du milieu du XIX ème. Le catalogue de la célèbre maison SAURLE à Münich comportait encore des bugles à clés en 1850.

Bugle à 6 clés de Michael SAURLE à Münich.
Au USA c'est au cours de la guerre anglo-américaine que le bugle à clés fit son entrée dans les fanfares des orchestres militaires américains. La tradition des "miltaries bans" donna l'occasion à des solistes de se mettre en évidence et également d'enseigner le bugle à clés qui sera très à la mode dans les années 1830 à 1860. Richard WILLIS fut le premier virtuose du bugle à clés, mais c'est surtout Francis JOHNSON et son orchestre qui pendant plus de 20 ans donna au bugle à clés son prestige aux Etats Unis.

Ce musicien, compositeur d'origine martiniquaise avait commencé sa carrière en jouant de la musique militaire dans les années 1815 puis il créa son orchestre composé de musiciens afro-américains qui se rendit célèbre d'abord à Philadelphie, puis dans tout le pays.

Bugle à 10 clés de G.Elbridge WRIGHT à Boston. (MET Museum)
Il fut le premier musicien américain à faire une tournée en Europe. Sa musique et ses compositions préfigurait le Jazz. Il est décédé en 1844.

Musicien anonyme de l'armée confédérée posant
avec son bugle sopranino. Vers 1860.

Le bugle à clés continua a être très longtemps joué aux USA , pendant la guerre de sécession (1861-1865) et même après.

Source et pour tout savoir sur le bugle à clés : "The Keyed Bugle" par Ralph T. DUDGEON.

Le livre sur Keyed Bugle sur Google Books