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jeudi 27 juin 2019

Michael DUVAL (c1747-1815) facteur de flûtes à Maastricht. Inventeur d'un système de clés original. Michael DUVAL (1747-1815) flute Maker, inventor of an original keys system.

Guy Laurent nous avait montré une flûte de WINNEN, originale avec un système de clés que nous n'avions jamais rencontré.
Flûte en ébène, baguée en ivoire à 3 corps de rechange et 4 clés. (Coll Guy LAURENT)

Ce système tout à fait particulier nous intriguait, car aucun autre instrument de ce type n'avait croisé notre route et nous pensions que les WINNEN (Frères ou/et Père et fils.....en passant je suis preneur de toutes informations sur cette famille de facteurs parisiens ) étaient particulièrement inventifs, surtout après avoir vu le formidable basson muni d'un système de clés, lui aussi très original (fait par FELIX. Voir article sur ce sujet : Clés de Félix)
Et puis une visite au MIM de Bruxelles, accueillit formidablement par Gery DUMOULIN (encore merci pour votre accueil), pour rechercher mes poinçons d'argent sur les instruments français....me permit de croiser, une flûte à 4 clés munie du même système de clés et portant la marque de DUVAL?
Flûte à 4 clés argent de Duval à Maastricht. (Coll. MIM de
Bruxelles N°1078)
Tiens ! qui c'est celui là.....Langwill ...... : "Michael DUVAL (b Normandy c1747; d Maastricht 29 November 1815) installé depuis c1780 à Maastricht".
Depuis je n'ai pas trouvé de nouvelle information sur ce facteur d'origine française (peut être de la région de La Couture), qui devait être militaire avant de s' installer en Hollande sous contrôle français à cette époque et dirigée par Louis Bonaparte, le frère de Napoléon.
En revanche, grâce à Gery Dumoulin, nous en savons beaucoup plus sur cette flûte et son système de clés. Outre le fait que la tête de l'instrument porte la marque de Charles SAX à Bruxelles, voici ce qu'écrit V. Mahillon dans son catalogue à propos des clefs de l'instrument 
"Les clefs méritent une mention spéciale ; l’obturation des trous latéraux se fait à l’aide d’une soupape métallique au lieu du tampon ordinaire. Une ouverture rectangulaire est découpée vers le milieu de la clef, dans le sens de sa longueur ; cette ouverture s’emboîte sur une pièce de bois, également rectangulaire, laissée en relief sur la périphérie du tuyau et qui sert ainsi de guide au mouvement de bascule de la clef. Une vis traverse deux des côtés de l’ouverture rectangulaire de la clef, ainsi que la pièce de bois, de sorte que les deux extrémités de la vis servent de pivots à la clef." (Source Gery Dumoulin MIM de Bruxelles)
Photos diverses de détails de la flûte de Duval.
(Source Gery Dumoulin, MIM Bruxelles)
En fait on voit que M. DUVAL avait repris le système anglais des "pewter plugs" en étain breveté par Richard POTTER (1726-1806) dans son brevet de 1785, qui ne rencontra aucun succès en France mais très utilisé en Angleterre et à Vienne au XIX éme siècle.

L'innovation des flûtes de DUVAL concerne le système de fixation des clés par un système de blocs améliorés. C'est aussi une des rares applications du système Potter trouvée sur une flûte "Française"....système utilisé également par J.D. Holtzapffel à Paris, mais avec des tampons en cuir.


Flûte Holtzapffel
Coll. RP
























Il existe également une flûte de GODFROY Aîné de ce modèle, montrant que les "innovateurs" passaient par des facteurs plus prestigieux pour vendre...leurs systèmes , comme DUVAL l'a fait avec WINNEN. De plus cela montre que le système des "pewter plugs" a bien été proposé sur le "marché" français mais sans succès. 
Flute Godfroy Aîné à 8 clés dans la "façon" de
Holtzapffel. (Ebay)
Il existe une flûte à une clé de DUVAL, dans la collection de Dayton MILLER portant la marque : "DUVAL/12/A MAESTRICHT". (DCM 418)




Une flûte en La,  antérieure à cette innovation de DUVAL, mais qui comporte néanmoins une clé à "pewter plug", montée sur un bloc. Elle comporte également une patte originale évasée à l'extrémité. (Musée de la musique de Paris : E.980. 2 . 5) 

 On peut voir à travers cet exemple, comment les innovations circulaient en Europe entre les différents facteurs, fin XVIIIème, début XIXème.

Pour lire  cette article en musique, nous vous proposons d'écouter la flûtiste Anna BESSON.



lundi 18 janvier 2016

"Organisation des métiers du bois notamment des facteurs d’instruments de musique au XVIII et XIXème siècle". "Organization of the wood crafts, in particular the woodwind musical instruments makers in the 18th and 19th centuries".


par José-Daniel TOUROUDE

Q : quand on admire votre collection, vous faites souvent référence à des facteurs compagnons et maîtres, à une certaine noblesse de la facture des métiers du bois et avec votre ami René Pierre dans votre blog, vous recherchez et redonnez vie à ces illustres inconnus qui ont été oubliés, à part le monde des collectionneurs. De quand date l’organisation de ces métiers ? c’est très ancien.

JDT : Oui et la première preuve écrite existe déjà en 1268 dans « le livre des métiers » d’Etienne Boileau qui recensait 121 métiers organisés en corporations dont celui des tourneurs sur bois.  Souvent encore au XVIIIème siècle on identifiait le facteur comme tourneur sur bois car il faisait aussi bien des pieds de chaises, des bondes de tonneaux de vin que des flûtes ! Puis vint la corporation des joueurs de musique en 1321, reconnaissance du statut de musicien professionnel. Plus tard en 1599 naissait la corporation des faiseurs d’instruments de musique ou luthiers. En effet les musiciens fabriquaient le plus souvent leurs instruments à l’époque. L’école allemande prônait encore il y a peu de temps que le clarinettiste devait savoir fabriquer ses anches, changer les tampons et lièges, démonter son instrument. Les instruments devenant plus complexes et artistiques, seuls des professionnels pourront les fabriquer. 
Atelier du tourneur sur bois. (Encyclopédie de Diderot et d'Alembert.
Pouvez  vous me  préciser le cadre historique et organisationnel de ces métiers à l’origine ?

Beaucoup de métiers dont celui du bois étaient organisés en corps ou corporations permettant le regroupement de tous les membres d’un même métier avec 3 niveaux  et des mots - clés attachés à ces dénominations : l’apprenti apprenait (pendant plusieurs années durement son métier et faisait les tâches rebutantes) puis le compagnon fabriquait (ouvrier qualifié voire hautement qualifié lié à l’image souvent du tour de France) puis le maître dirigeait (patron de l’atelier souvent respecté, ayant fait un chef d’œuvre, détenteur de l’estampille, organisateur de la profession). Ces corporations, personnes morales, avaient un grand pouvoir et étaient soient des jurandes reconnues par le pouvoir royal (exemple à  Paris), soient  des corporations réglées par les municipalités (exemple à Lyon). Les guildes corporatives en Allemagne et dans l’Est étaient aussi des corporations ou des jurandes (dont les représentants se nommaient jurés). 

Mais quels étaient leurs objectifs ?

Leurs objectifs étaient de s’entraider, former des professionnels mais aussi défendre leurs intérêts (tendant parfois vers un monopole), de contrôler le marché du travail de fixer les prix, et exercer un contrôle de la qualité voire du marché, organiser et discipliner la profession avec des usages codifiés, des rituels, des règlements, des contraintes toujours plus complexes. Elles étaient dirigées collégialement par les maîtres et patrons d’ateliers qui élisaient leurs chefs et représentants. Ils fixaient les formes, les styles et les modes, les techniques et devenaient de plus en plus conservateurs mais reproduisaient parfaitement ce qu’ils avaient fixés. Il était fondamental pour travailler d’être accepté par ses pairs donc suivre les usages codifiés et la hiérarchie de la communauté, être un professionnel reconnu, avoir une éthique adéquate de l’amour du travail bien fait, des capitaux nécessaires pour payer les taxes importantes (source importante pour le pouvoir) et pour monter un atelier et régaler ses pairs. Depuis Henri IV s’installer dans les ateliers royaux du Louvre ou à l’Arsenal, était la consécration des meilleurs maîtres. Or les migrations européennes continues attirées par la France, pays riche et important, aspirateur de talents vont entraîner de nouvelles techniques et idées, de nouveaux savoir-faire (après la renaissance italienne, notamment les tourneurs sur bois flamands et allemands). Ceux qui n’étaient pas acceptés par leurs pairs organisés (souvent des étrangers ou des provinciaux (ex : les lorrains meurtris par les guerres) devenaient ouvriers libres, protégés par d’autres puissances mais à la périphérie des villes . Ainsi à Paris, ils s’installèrent dans les villages avoisinants c’est à dire les faubourgs (exemple les métiers du bois regroupés au Faubourg Saint Antoine par l’abbaye) ou la cour du temple ou l’enclos de St Germain des près, les faubourgs St Marcel et St Jacques… Et ces ouvriers en marge dans ces lieux privilégiés n’avaient pas toujours bonne réputation, étant sans cesse critiqués par les jurandes et corporations officielles auprès des autorités, garant de la réputation et du contrôle des métiers.
 
Le livre de François Icher sur les compagnons.
Il est vrai que le travail était assez aléatoire, sensibles aux périodes d’inactivité et aux troubles politiques, ou aux euphories après guerres avec des commandes importantes. Il était difficile de réguler le marché du travail. D’où les combats parfois meurtriers et les villes réservées entre compagnons faisant leur tour de France entre dévorants catholiques et gavots protestants, entre compagnons fixes et compagnons itinérants, entre les corporations officielles et les ouvriers libres des lieux privilégiés mais aussi entre les métiers et les chantiers à réaliser… les libertés d’exercer et de circuler n’existaient pas beaucoup sous l’ancien régime et il fallait trouver une protection (corporation, maître réputé, noble ou religieux puissants, entraide compagnonnique, recommandations diverses...)
Scène de rixe sur le diplôme de Languedoc le victorieux,
compagnon charron du S
t Devoir de Dieu et de Ste Catherine
 reçu à Nantes le 6 avril 1828. Collection privée.
La promotion était-elle fondée exclusivement sur le talent ?

Oui au début et c’est l’image véhiculée mais en fait des stratégies complémentaires à la méritocratie vont apparaître rapidement. D’abord chaque métier vivait dans un monde assez fermé avec ses valeurs, son langage, ses quartiers, ses outils, sa solidarité : on se côtoyait, on vivait ensemble, on se copiait, s’aimait, se jalousait dans une communauté étroite et on se mariait entre soi. (exemple des mariages croisés entre les familles de facteurs à la Couture-Boussey). Les apprentis et compagnons couchaient souvent chez le maître ou à côté et cette promiscuité resserrait les liens. Ainsi la plupart du temps le compagnon talentueux, devenant chef d’atelier épousait la fille du maître pour prendre la suite ou souvent la veuve du maître afin de continuer l’atelier et devenir maître à son tour et quand la veuve mourrait, il reprenait une autre femme jeune qui vivait entouré de jeunes compagnons qui remplaceraient le maître etc….  donc méritocratie assurément mais pas seulement . Ce qui importait c’était de continuer l’atelier (comme les paysans leur exploitation). Cette promotion sociale et l’accès à la maîtrise était courant car s’installer était vraiment difficile. Alors les compagnons en faisant leur tour de France multipliaient les chances de trouver maître, atelier et femme qui convenaient à leurs ambitions…Bien sûr quand le maître avait un fils talentueux, il reprenait l’atelier (et certains en adoptait un pour éviter les taxes). Mais la maîtrise qui est l’apogée d’un savoir-faire devint aussi un statut de patron de plus en plus héréditaire bloquant l’ascenseur social du compagnon qui, faute d’argent, ne pouvait pas s’installer. La concurrence et la liberté de s’installer étaient alors entravées. Les jurandes vont empêcher ainsi certains de prospérer fixant le nombre d’apprentis et de compagnons par atelier. Quand le maître était reconnu, il devenait bourgeois et ses enfants scolarisés pouvaient changer de classes sociales. Beaucoup d’inventaires après décès montrent que certains compagnons pauvres avaient fini dans l’aisance et la reconnaissance.
Roth successeur de Dobner à Strasbourg
vers 1844


Dès le XVème siècle pour limiter l’accession à la maîtrise, afin que leurs compagnons ne deviennent des Maîtres donc des concurrents, les corporations augmentèrent le nombre d’années de travail de compagnons chez un patron, demandèrent la réalisation d’un chef d’œuvre accepté par les pairs, de payer des banquets coûteux ... A la mort du Maître, il y avait donc : un atelier connu, des compagnons et apprentis, des commandes à réaliser, des outils (les outils pratiquement sacrés souvent gravés étaient donnés aux successeurs méritants) et surtout une réputation à continuer et pour cela la marque était essentielle pour la veuve. La loi permettait aux veuves de Maîtres d’exploiter la marque de feu leur mari et certaines estampilles étaient réputées. Mais comme toute entreprise familiale basée sur la technicité, il fallait à la fois un nouveau patron reconnu pour son expertise dans le métier mais aussi pour son esprit d’entreprise et accepté par la veuve !  et c’était quand même rare. C’est ainsi que parfois, bien après le décès d’un facteur, la veuve et ses compagnons continuaient à fabriquer des instruments sous l’estampille du Maître décédé depuis longtemps ! (ce fait donne des discussions passionnées sur les datations possibles entre collectionneurs d’instruments).
La veuve de Sautermeister épouse son neveu  Louis Müller.
et

Si un compagnon devenait le nouveau maître, il avait vite envie et l’ambition de marquer sa trace avec sa propre estampille en accolant son nom à celui de son maître ou en mettant successeur de …, voire en mettant seulement le sien s’il était déjà connu dans un marché régional. Souvent aussi faute de successeur, l’atelier fermait, le métier demandant des dons certains et n’étant pas si lucratif (sauf pour quelques uns réputés). Il y aussi a contrario de véritables dynasties (ex : Thibouville, Noblet …) où on faisait le même métier pendant plusieurs générations .
Marque de Martin Thibouville père et
 Martin Thibouville fils.
Mais certains pouvaient s’échapper des contraintes et autorités des corporations ? Ce protectionnisme était de garantir le travail et les privilèges aux français  air connu  non ?

En effet, être exclu de votre corporation ne rendait pas la vie facile, ni l’accession aux chantiers et aux commandes. Dès 1471 une ordonnance de louis XI permet aux métiers du bois de vivre libres par exemple sur le territoire de l’abbaye St Antoine sans s’affilier aux jurandes et corporations régissant les métiers du bois, ce qui permit de suite la naissance d’un noyau d’ouvriers talentueux mais aussi une lutte permanente entre corporations ou jurandes conservatrices et ouvriers libres créatifs pendant 3 siècles, l’abbaye attirant les meilleurs des métiers du bois étrangers et français (cf le livre de J. Diwo « les dames du faubourg »). Les corporations luttaient sans cesse pour maintenir leurs privilèges voire leurs monopoles d’une part contre d’autres corporations pour protéger les limites de leurs compétences souvent empiétées. Mais elles luttaient d’autre part contre les ouvriers libres étrangers et talentueux pour les métiers du bois qui par vagues venaient bouleverser le métier par d’autres techniques et prendre les marchés. Les maîtres des corporations luttaient aussi à l’interne contre les compagnons qui voulaient accéder à la maîtrise donc s’installer en concurrents et qui étaient freinés par des usages tatillons et des barrières d’entrées financières les excluant. Beaucoup d’ouvriers libres des métiers du bois étaient allemands ou de l’Est de la France et étaient luthériens. Être à la fois concurrents et hérétiques créent toujours un mélange explosif. Malgré cela il y eut pendant des siècles une arrivée permanente d’étrangers (hollandais, mais surtout allemands après la guerre de 30 ans…émigration de qualité vivifiant l’artisanat du bois, donnant à la France des grands ébénistes et menuisiers du roi et des puissants (Habermann, Oppenhoort, Oeben, Riesener…) et des grands facteurs d’instruments (pour la clarinette : Amlingue, Geist, Winnen, Baumann, Mousseter, Keller….)

Estampille de Jean Henri Riesener (1734-1806)
Commode Riesener
L’aventure des instruments à vent va alors se développer, la clarinette est née en Allemagne vers 1700 et l’estampille va devenir fondamentale mais de quand date cette idée de marquer au fer un objet en bois ?

En 1467 une lettre patente demandait qu’une estampille soit marquée au fer chaud sur les meubles pour authentifier l’origine et leur qualité sous l’égide des corporations mais elle fut peu appliquée. En 1751 un Édit royal rend obligatoire l’estampille de maîtrise. C’est une offensive des jurandes : l’Estampille est réservée aux maîtres donc soumis aux règles des jurandes et corporations. Ce marqueur social et de prestige permet aux Maîtres qui ont ce sésame d’avoir recours à la sous-traitance des compagnons d’autres ateliers et surtout de se différencier des ateliers considérés comme inférieurs en qualité car anonymes. Entravant la créativité et la liberté et figeant les métiers, les corporations seront supprimées avec la loi le chapelier en 1791. Pendant tout le XIXème siècle, les corporations étant abolies, les compagnons auront la liberté de s’installer et les estampilles si convoitées et qui étaient un privilège visible interdit à la majorité vont se généraliser. Il y aura alors une véritable éclosion d’estampilles de toutes sortes et comme ce sera l’époque des instruments à vent, beaucoup d’instruments auront des marques variées et pas toujours évidentes à décrypter. 
Loi le Chapelier de 1791 supprimant les corporations.

Mais pour les meubles comme pour les instruments de musique, il y a bien de différences entre celui qui signe et celui qui fait ! mais la recherche de l’estampille demeure quand même le moteur de tout collectionneur…  La révolution industrielle en France en ce début du XIXème siècle va bouleverser tous les métiers du bois et les artisans vont utiliser d’autres outils, faire d’autres instruments et pour certains devenir de véritables entrepreneurs industriels (Gautrot, Thibouville.. Graves aux USA, les facteurs de Markneukirchen en Allemagne  …). Puis la grande époque des instruments à vent et notamment de la clarinette est liée aux armées napoléoniennes, et à la révolution industrielle qui modifie le travail de l’artisan par des outils mécaniques, donc à une augmentation considérable de productivité réalisant ainsi des flûtes et clarinettes par milliers et à prix réduit donc rendant ces instruments accessibles et donc populaires.
Bien sûr il y a toujours même actuellement une part de travail à la main mais de plus en plus réduite.

Après cette mise en perspective historique approfondissons maintenant la vie d’un apprenti et d’un compagnon faisant son tour de France au XIXème siècle puisque l’essentiel s’est déroulé dans ce siècle pour les instruments à vent. Nous avons des mémoires entre autres de celui d’un facteur Jean Daniel HOLTZAPFFEL. Ce sera l’objet d’un autre article.

A suivre......



samedi 19 septembre 2015

Jacques Eléonore BELLISSENT (1783-1841) un facteur parisien de flûtes bien connu ? Jacques Éléonore Bellissent (1783-1841) a well known parisian flutes maker.

Tous les collectionneurs et amateurs de flûtes connaissent parfaitement bien le nom de BELLISSENT : "Facteur de flûte de l'école Royale de Musique et de M. TULOU......". En écrivant  l'article sur NONON facteur de flûtes "bien connu également" : (Voir l'article sur Jacques NONON ), j'ai voulu en savoir plus sur ce facteur connu.....et comme d'habitude je n'ai rien trouvé sinon la répétition d'ouvrage en ouvrage, d'article en article de trois ou quatre informations mineures se répétant. Alors comme d' habitude je m'y "suis collé"....et première difficulté je n'avais pas son prénom et là comme dans question pour un champion, j'ai fait "appel à un ami"....qui non seulement a trouvé le prénom mais également un inventaire après décès de ce brave Jacques Eléonore BELLISSENT (1783-1841).
Donc merci et milles merci à Jean Jacques BONA co-auteur de cet article. Si vous voulez mieux connaître Jean Jacques voyez son site "Luthiervents.blogspot.fr "
Signature de Jacques Eléonore BELLISSENT en 1813
Nous avons "déroulé le fil" à partir de ces deux informations essentielles. Il reste des points à éclaircir particulièrement au niveau des instruments...Donc si vous avez des instruments de ce facteur et des photos, merci de nous les communiquer.

Jacques Eléonore (Léonor) BELLISSENT est né le 18 janvier 1783 à Caen (Église Saint Jean). Son père Jean Pierre Margerin BELLISSENT, tourneur avait épousé Marie Madeleine JOSSET (1753-1785). Le grand père Jean Jacques BELLISSENT, ainsi que l'oncle de Jacques Eléonore, étaient eux aussi tourneurs. Il était le dernier des enfants du couple J.P. Margerin BELLISSENT  et M. M. JOSSET, qui ont eu six enfants, trois filles et trois garçons. Un des trois garçons, Jacques Etienne BELLISSENT (1781- après 1841) fera une carrière militaire "exemplaire" en participant à toutes les campagnes depuis 1798 dont celles d'Italie et de Russie, et sera blessé d'un coup de lance au passage de la Bérésina, recevra la légion d'honneur en 1812 et terminera avec le grade de capitaine de cavalerie ; c'est lui que l'on retrouvera, représentant la famille lors de l'inventaire après décès de son frère en 1841. Après le décès de son épouse en 1785 J.P. Marguerin BELLISSENT épousera en 1801 sa belle soeur Marie Anne Etienne JOSSET (1759-1821).
Cour du Roi François ou Cour des Miracles vers 1900.
Revenons à Jacques Eleonore BELLISSENT qui en 1813 exerce le métier de facteur d'instruments au N°328 Cour du Roi François (ancienne Cour des Miracles) rue Saint Denis à Paris dans le quartier Bonne Nouvelle. Le premier décembre de cette année il signe devant Maître Etienne Damaison (Archives Nationales MC/ET/XXXII/203) un contrat de mariage avec sa future épouse (ils se marieront le même jour à Saint Nicolas des Champs) Marie Louise Dorothée CAHAIS, veuve sans enfant de Louis Victor CURIAU (1769-1812) ébéniste au   N°11 rue du Faubourg Saint Martin. Ce contrat stipule : " qu'il y aura séparation de biens entre les époux.
1° Le futur époux déclare que ses biens consistent en effets mobiliers, linge, hardes et outils nécessaires à sa profession.....pour une valeur de 600 frs.
2° La future épouse déclare que ses biens consistent : En une somme de 2500 frs en denier comptant. En habits, linge, hardes, argenterie bijoux, meubles.....pour une valeur de 3500 frs (Tous les objets sont décrits un à un sur deux pages).

Tous les éléments que nous avons rassemblés sont très intéressants pour une personne qui voudrait étudier l'enrichissement d'un facteur de cette époque, car à partir de ce contrat de mariage, point de départ de la vie matériel de notre facteur nous avons cinq états de ses biens (dans le détail) jusqu'à son inventaire après décès. Si vous êtes intéressé par ce travail, je peux vous envoyer une copie de ces documents.
Marque d'une flûte de Jacques Eléonore BELLISSENT.
Il a sans doute travaillé pour d'autres facteurs après son mariage, mais grâce à son livre de compte décrit dans l'inventaire après son décès, on sait qu'il est installé en janvier 1817 au 262 rue saint Honoré et à son compte : Ce carnet contient "cent quatre vingt dix feuillets....sur lequel le défunt écrivait ses ventes et livraisons d'instruments...Les 42 premiers feuillets de ce registre ont été employés à inscrire les ventes que faisait Madame Cahais première femme de M. Bellissent, comme marchande de meubles. Les 108 suivant sont en très grandes parties écrits en entier et constatant les ventes faites par M. Bellissent depuis le 1er janvier 1817 jusqu'au 21 août 1841...."

On le trouve pour la première fois dans l'annuaire Bottin en 1818 au 262 rue Saint Honoré et également en 1820 : " Bellissent, facteur de flûtes de l'école royale de musique, et de M. TULOU, première flûte de l'opéra, r Saint Honoré 262". En 1822  la bataille commence avec Clair GODEFROY  pour que ses flûtes soient choisies par le conservatoire : " Bellissent, facteur de flûtes, luthier de GUILLOU, professeur de l'école royale de musique, et de TULOU, première flûte à l'opéra, r. S. Honoré, 262, vis à vis le passage Delorme".
Le 262 rue Saint Honoré où se trouvait l'appartement et l'atelier.

La famille Bellissent habitait au quatrième étage : une chambre à coucher donnant sur la cour et un salon donnant sur la rue (deux fenêtres). Au troisième étage il y avait la cuisine donnant sur la cour, l'atelier et le magasin donnant sur la rue. 
Bellissent habitait le troisième et quatrième.
Jean Jacques BONA a trouvé une anecdote amusante : Madame Bellissent ne devait pas être très en forme en 1818 et visiblement cherchait une solution a ses problèmes "liés à l'âge". Après avoir suivie les traitements de plusieurs médecins célèbres, elle a découvert l'élixir Universel d'un certain Thomas Nicolas LARCHERET professeur de chant, de déclamation, de guitare ou lyre et de violon, mais aussi créateur de l'élixir portant son nom. Il avait rédigé en 1819 un ouvrage " Larchérégium ou Dictionnaires spéciaux de mon élixir" dans lequel il rassemble les témoignages de ses partisans dont celui de BELLISSENT. "Un bel exemple de charlatanisme ...." précise mon ami Bruno BONNEMAIN, pharmacien  auteur de l'article que je voudrai saluer puisque nous nous sommes très bien connus pendant plus de dix ans et travaillé ensemble dans le même laboratoire pharmaceutique, lui comme responsable de la recherche et moi du marketing. Salut Bruno....en souvenir du Raspoutine.
Témoignage de Bellissent sur l'efficacité de l'élixir de M. Larcheret.
Pour la première fois il participe à l'exposition de Paris en 1823 et obtient (comme Godefroy) une mention honorable pour ses flûtes. Cette année la lutte entre Godefroy et Bellissent s'accentue : "Bellissent facteur de flûtes, luthier de Guillou professeur de l'école royale de musique, rue Saint Honoré, 262 vis à vis le passage Delorme". Et " GODFROY aîné facteur de l'académie royale de musique et seul de M. TULOU, r. Montmartre, 67".
Article parut dans le Bazar Français en 1822.

En 1825 il est en conflit avec Joseph GOUILLOU, professeur de flûte de l'école royale (de 1819 à 1829), grand ennemie de Jean Louis TULOU, à qui il repproche de ne pas vouloir que ses éléves jouent des flûtes Bellissent et de favoriser Godefroy....
A l'exposition de Paris de 1827 il obtient de nouveau une mention honorable (quand Godefroy obtient une médaille de bronze). Voici les commentaires de Constant PIERRE sur cette exposition :" Peu de temps après C.Godefroy, apparaissait Bellissent, mais il s'en fallut que son exercice fut aussi long (1818-42) et sa réputation aussi grande que pour lui : ses flûtes, bien construites cependant, lui valurent une mention en 1823 et 1827. A cette dernière exposition il présenta une flûte à 6 clés à recouvrement, dont les trous étaient bouchés avec du liège, du prix de 1000 frs; une autre en grenadille à patte de si et munie de 13 clés, offrait diverses innovations : les trous bouchés par les clés étaient garnis d'un tube en argent et les tenons étaient montés en liège et renforcés par une virole en argent ; elle coûtait 600 frs. Enfin, un dernier système de l'invention de Bellissent était pourvu d'une mécanique permettant de hausser ou de baisser le diapason en jouant".

Nous n'avons pas trouvé d'exemple de flûte correspondant à ces descriptions, sauf celle à 6 clès....
Si vous en connaissez faites nous signe.
Flûte à 4 clés de Bellissent correspondant à la flûte utilisée par les éléves du
conservatoire au début du XIX ° siècle, voir la méthode de flûte d'Hugot et
Wunderlich. (Collection J.M. Renard)
Flûte à six clès de Bellissent correspondant à la description faite par
C. Pierre : 6 clès à tampons en liège et une clè à bascule.
(Collection RP)
Jacques Elèonore BELLISSENT était très inventif et il recherchait dans tous les domaines notamment au niveau de la résistance des flûtes à l'humidité, comme Claude LAURENT qui avait trouvé dans le cristal une solution à ce problème, lui avait inventé la première flûte en bois doublée en argent, c'est la raison pour laquelle il avait reçu une mention honorable à l'exposition de 1823 : "....Cette artiste (Bellissent) a été mentionné honorablement en 1823, dans le rapport du jury pour une flûte en bois de grenadille recouverte en argent, dont les clés sont d'un nouveau genre et les ressorts cachés dans l'intérieur des clés". (Bazar Français de 1826 source Gallica)
Flûte à six clès et un corps de rechange. (Dayton Miller)
Flûte à six clés de Bellissent en buis. (Dayton Miller Collection)
Bien entendu .....si vous connaissez une flûte doublée de Bellissent, cela nous intéresse.....

Innovateur dans son domaine technique : les flûtes, il le fut également au niveau de son métier de commerçant, n'hésitant pas à avoir recours à la publicité, au publireportage, au soutien d'experts : "fournisseur de..."
Annonce publicitaire Bellissent : La France industrielle. (1837-1838)
Adepte du Benchmarching (ou plus simplement l'étude de la concurrence), comme nous l'avons vu avec ses flûtes doublées (Claude Laurent), il travailla également sur des flûtes sans clés, ou plutôt avec des clés limitées, principe défendu par Jean Daniel HOLTZAPFFEL.
Flûte à deux clès de Bellissent. (Musée de la musique de La Villette)
Cette flûte que l'on peut dater, vers 1820 possède deux clés dont une de sol dièse, mais un double trou pour cette même note....et (à vérifier) deux autres trous pour le Bb et le Fa (sous la flûte que l'on peut vérifier par les renforts en bois que l'on devine sur la photo. Il faut vraiment que j'aille au musée le vérifier).
Détails de la flûte à deux clés du musée de la musique de La Villette.
Construction que l'on retrouve sur cette flûte de Holtzapffel (Collection du regretté David SHOREY)

Flûte à 3 clés de Holtzapffel.
(Collection David Shorey)
Cet autre exemple de flûte de la période (c)1830 où la clé de Sib actionnée par le pouce main gauche a été remplacé par un trou percé en biais, sans doute à la demande d'un client. Cette flûte à cinq clés devait être munie de corps de rechange car la partie main gauche porte une marque avec un chiffre "I".

Flûte à 5 clés et un trou pour le Sib de Bellissent. (Collection RP)
C'est aussi en 1827, plus précisément le 22 mai que décède son épouse Marie Louise CAHAIS. Un inventaire après décès sera réalisé devant Maître Chauchat le 5 juin 1827 (Archives Nationales de Paris MC/ET/LIX/489) ; inventaire réalisé uniquement au quatrième étage du 262 rue Saint Honoré et qui ne cite jamais l'atelier du troisième étage....avait -t-il déjà son atelier et magasin  à cette adresse ? Sans doute . Participent également à cet inventaire : Antoine PHILIPPEAUX, graveur en taille douce et son épouse Marie Françoise Louise CAHAIS N°285 rue Saint Denis ainsi que Gille Augustin François GARNIER de LAFOSSE, rentier et son épouse Marie Marguerite CAHAIS demeurant N°108 rue Marchande à Mantes (Les deux soeurs de la défunte) renoncent à la succession le même jour (5 juin) par un acte signé chez Maître Chauchat, contre 800 frs.
Flûte à 4 clés de Bellissent (Musée de la Musique de La Villette).
En 1829 on peut lire"Bellissent, flûtes, fournisseur de Tulou et de l'académie royale de musique, inventeur de la flûte en grenadille recouverte en argent à clefs de recouvrement et ressorts invisibles, rue Saint Honoré. M.H 1823".
La même année une publicité parue dans le "répertoire du commerce de Paris ou Almanach des commerçants" par Deflandre M.A.
" Bellissent, facteur de l'école royale de musique et de Mr Tulou. Mention en 1823, inventeur de flûtes en bois de grenadille, recouvert en argent à six clès et à recouvrement. Le mécanisme des ressorts est cachés dans l'intérieur des clés, avec la facilité d'y donner de la raideur à volonté. Ses flûtes sont garanties pour la justesse et les sons harmonieux que l'on en tire. Et une autre en bois 
royal , garnitures, emboitures et pompe d'argent à cinq branches ; à cette flûte est adapté un mécanisme inventé par M. Bellissent pour hausser et baisser le ton au diapason convenable et tout en jouant sans se déranger de position par le moyen d'un levier. Ce mécanisme a été approuvé par les professeurs. Expo 1827 ; rue Saint Honoré 262".
Il faut se rappeler que GUILLOU, professeur de flûte à l'école royale de musique avait quitté son poste en 1828,  pour s'expatrier en Russie et qu'il avait été remplacé en 1829 par TULOU (qui avait rencontré NONON en 1828 et qui avait déjà le projet de créer sa propre fabrique).
Jacques Eléonore BELLISSENT était un homme prévoyant, qui savait gérer ses affaires (comme le prouve l'état de ses finances à sa mort), il avait le projet de se construire une maison, ce qu'il fit vers 1830 à Puteaux, après avoir racheté petit à petit des terrains (1824 : 20m78 c ; 1825 4 ares 27 ; 1826 2 ares 73, 1829 1 are 47 ; 1830 1 are 68). Mais surtout ce qui est intéressant, c'est que son achat de 1824 avait été fait à un certain Jean Pierre INARD, époux  de Marie Françoise MASSON  qui habitaient N° 8 de l'Université à Paris.

Flûte à 5 clés de INARD élève de Bellissent à Montpellier.
(Collection RP)
Sans doute, un fils ou autre parent qui aura été élève de Bellissent , puis à du s'installer à Montpellier. (le travail reste à faire).
Jacques Eléonore BELLISSENT épouse en seconde noce Marie Virginie GILLET, fille d'un bijoutier parisien en mai 1832. Le 8 mai 1832 ils signent un contrat de mariage sous le régime de la communauté chez Maître CHAUCHAT (Archives Nationales de France : MC/ET/LIX/506).
La futur épouse apporte 20000 frs en argent et 17000 frs en biens personnels et lui déclare la maison de campagne de Puteaux pour 600 frs, son fond de commerce et ses produits pour 38 445 frs, des rentes et des créances pour 27 131 frs, des biens pour 12 636 frs. Ce qui traduit une certaine réussite de son activité.
Le 26 juin 1833 né son fils Jacques Eléonore BELLISSENT.
Flûte à 8 clés de Bellissent. (Collection particulière)
Cette même année dans l'almanach de Bottin toujours la même annonce : ""Bellissent, flûtes, fournisseur de Tulou et de l'académie royale de musique, inventeur de la flûte en grenadille recouverte en argent à clefs de recouvrement et ressorts invisibles, rue Saint Honoré. M.H 1823 et 1827".
En 1834 à l'exposition de Paris, trois membres de la famille Godefroy sont représentés : Clair, son frère Pierre et son fils Frédéric Elèonor. Clair GODEFROY obtient une médaille de bronze. Quant à Jacques Eléonore BELLISSENT il présente plusieurs flûtes :
Il présente en particulier une flûte à 9 clés pour manchot faite "pour un amateur qui n'a qu'une main" et dont il fera la publicité régulièrement.
Dans son inventaire après décés on trouve une flûte qui pourrait correspondre à celle décrite et présentée à l'exposition de 1834 : "Une flûte à patte d'ut en argent, à huit clefs avec ornemens d'or ; l'intérieur en bois de grenadille" (Description Expo 1834). Dans son inventaire de 1842 : " Une flûte couverte en argent sur toute sa longueur garnie de viroles en or et de huit clès aussi en argent et filets en or" (Inventaire après décés de 1842)

Ces flûtes restent à redécouvrir dans une prochaine vente ou chez un collectionneur...Si vous avez des infos!!

Flûte à 10 clés et à patte d'ut très intéressante.
(Collection François Camboulive)
Mais Bellissent à fait aussi d'autres instruments comme des Flageolets, mais on n'en retrouve que très peu dans son inventaire de 1842 : "Un lot de parties de flûtes, de flageolets et de petites flûtes dépareillées, avec garnitures, une caisse en bois contenant d’autres débris de flûtes".

Flageolet à 3 clés de Bellissent portant le marque du facteur.
(Musée de Stockholm)
Il fabriquait également des piccolos....
Flûte piccolo de Bellissent. (Musée de Bruxelles)
Il existe également au musée de la musique de Lavillette un magnifique csakan à 7 clès.

Pour en savoir plus sur le csakan : cliquez sur ce lien Le Csakan

Csakan à 7 clés de Bellissent.
(Musée de la musique de la Villette)
Le cas particulier des clarinettes ; nous connaissons deux  clarinettes portant une marque Bellissent qui n'est pas la marque habituelle de ce facteur.
Marque d'une clarinette Bellissent. (Collection William Rousselet)
On ne trouve que quelques clarinettes dans l'inventaire après décès de Bellissent : "Deux paniers et une boite remplis de corps de clarinettes dépareillés. Deux vieilles clarinettes. Une autre montre vitrée, plusieurs flûtes et clarinettes garnies de clés ou non, le tout d'occasion".
Clarinette portant une marque de Bellissent. (Collection W. Rousselet)
Denis Watel (Le livre d'or de la clarinette française) en déduit que Bellissent n'était sans doute que revendeur de clarinette. C'est sans doute la meilleure explication à notre sens......Mais pourquoi une marque différente, seulement pour les clarinettes et pas pour d'autres instruments comme les flageolets, csakans.....? Et pourquoi des corps de clarinettes dans son atelier? Vous avez peut être des réponses à ces questions.
Clarinette 13 clés de Bellissent (Collection José Daniel TOUROUDE)
José Touroude pense que les clarinettes sont plus tardives et au delà de 1840 donc pourquoi pas vendues par la veuve de Bellissent qui aurait continué le commerce d'instruments de musique....Ou pourquoi pas le fils après 1850 ? Qu'en pensez vous ?

Vers 1832 il avait fait construire une maison de campagne à Puteaux : "sise route de Suresne N°49 (Je n'ai pas encore trouvé cette maison et la rue....mais elle devait se trouver le long de la Seine en allant du pont de Neuilly au pont de Suresnes). On entrait dans un jardin, à gauche dans un pavillon ...se trouvaient dix huit caisses en pots de fleurs, orangers et grenadiers. Dans une cave 120 bouteilles de bourgogne ordinaire. Dans l'antichambre, une fontaine en pierre à deux robinets d'étain. Dans une petite pièce ensuite servant de salle à manger éclairé par une croisée donnant sur une petite cour...(meubles et vaisselles) et un billard en bois d'acajou sur six pieds garnis de cuivre, son drap vers, une toile en coutil servant d'enveloppe au billard, un petit porte queues en bois d'acajou, trente six cannes à procéder, un jeu de billes en ivoire, un tableau à marquer".......
Puteaux vers 1900 quai le long de la Seine.....Route de Suresnes ?
Ce billard provenait d'un client mauvais payeur Mr BROCHOT  qui avait contracté une dette de 7670 frs le 7 avril 1832...et qui remboursait une partie de sa dette  en cédant un billard et tous ses accessoires.
"...Dans une pièce au premier étage servant d'antichambre éclairée par une croisée sur le jardin ....Dans une pièce servant de chambre à coucher éclairées par deux croisées donnant également sur le jardin (lit, commode, toilette, chaises, armoire). Dans une pièce ensuite éclairée sur la cour..." le cabinet de toilette.
Cette description de la maison de campagne de Puteaux provient de l'inventaire après décès de Bellissent et montre que ce facteur avait plutôt bien réussi ; nous ne pourrons que résumer cet inventaire en passant sur les détails ...Bien sur nous pouvons transmettre à ceux qui le souhaitent l'intégralité de ce document véritable mine pour un travail en profondeur.
Donc après l'exposition de 1834 Jacques Eléonore Bellissent continue son activité et il apparaît toujours dans l'annuaire de Bottin, de 1834 à 1838 toujours avec la même annonce : "Bellissent, flûtes, fournisseur de Tulou et de l'académie royale de musique, inv. de la flûte en grenadille recouverte en argent, clefs à recouvrement et ressorts invisibles, r. St Honoré, 262, M.H. 1823, 1827".
Il semble donc que son activité a diminué, ainsi que son implication dans l'évolution de la flûte au fur et à mesure que les années passaient. Sa veuve dans l'inventaire déclare, concernant l'atelier " Que le fond de commerce qu'exerçait son mari existe encore mais qu'il serait tout à fait impossible de le vendre actuellement attendu que Mr. Bellissent ne travaillait plus depuis quelques années et que d'ailleurs la clientèle qui composait ce fond était toute personnelle au défunt".
A-t-il travaillé sur de "nouvelles flûtes"....? Nous ne le pensons pas même si des flûtes à 12 clés sont décrites dans l'inventaire. "Une flûte à 12 clés avec mécanisme particulier garnie d'argent. Une autre à huit clés garnie d'argent. (Nouvelle invention)".
Jacques Eléonore BELLISSENT est décédé à 58 ans le 24 décembre 1841 à son adresse du 262 rue Saint Honoré. Un inventaire après décès est réalisé le 6 janvier 1842 et les jours suivant chez Maître Louis Benoit BAYARD. (Archives Nationales MC/ET/LXXVII/625)
Cet inventaire de 38 pages est très détaillé ; sont présent outre la veuve Marie Virginie GILLET, le frère du défunt :  "Jacques Etienne BELLISSENT capitaine en retraite demeurant à Batignolles Monceaux, boulevard extérieur de Paris, avenue de Clichy N° 4, comme l'abroge tuteur du dit mineur Bellissent (le fils de 8 ans de Jacques Eléonore et de Marie Virginie Gillet) ; élu à cette fonction par lui accepté, suivant une délibération du conseil de famille des parents et amis du dit mineur...."
Après plusieurs jours d'inventaire du 4 ème étage du 262 rue Saint Honoré concernant les meubles, vêtements, vaisselle, argenterie, bijoux etc...L'on passe a ce qui nous intéresse le plus, l'inventaire de l'atelier et du magasin. Pour cela on demande à un expert dans l'art du travail de facteur et on fait appel à la demande de Madame Bellissent à Simon LEFEVRE installé comme facteur d'instruments à vent au 221 rue Saint Honoré "bien connu" pour ces flûtes et clarinettes.
Marque de Lefévre d'une clarinette de notre
collection.
L'inventaire de l'atelier commence par les outils et amène une question : Dans sa période "de gloire" travaillait-il seul ? Il travaillait sans doute avec un ou plusieurs apprentis, puisqu'Inard se dit élève de Bellissent, mais dans l'inventaire aucune dette, salaire et nom sont précisés, il est vrai que tout avait été réglé deux ou trois années auparavant où le patron avait cessé son activité de fabricant.
Signature de Simon LEFEVRE
Ci dessus vous pouvez voir l'inventaire de l'atelier de Jacques Eléonore BELLISSENT en janvier 1842; C'est un peu petit mais si vous cliquez sur la photo vous l'aurez en plus grand ou vous pouvez l'imprimer....
Il y a encore beaucoup de choses à dire notamment sur l'outillage : 3 établis ? Trois personnes ? Trois tours ?......
Une flûte en cristal, et une flûte allemande avec mécanisme pour la pompe...ce qui confirme qu'il regardait la concurrence pour s'améliorer...

Mais surtout je voudrais rassembler le maximum d'infos sur ses instruments : flûte couverte entièrement d'argent, neuf clés pour manchot, 12 clés, mécanisme pour la pompe, nouveau système...Il y a encore beaucoup de choses à découvrir alors si vous avez.....A vous de jouer et de participer.

Tour à roue.