La découverte d'un beau flageolet
en ébène et ivoire, sans clé d'un certain COLLINET nous a
incité à faire des recherches sur ce facteur ou marchand ?
C'est un très grand flageolet puisqu'il mesure : longueur totale 506 mm et longueur du sifflet à l'extrémité inférieure 312 mm La note obtenue tout ouvert est Si (440) et Si (octave inférieur) tous les trous bouchés. En fait, le père Edme COLLINET et le fils Hubert COLLINET étaient très connus dans la première moitié du XIXe siècle comme virtuoses du flageolet. Edme COLLINET est né à Semur en Auxois en Côte d'or le 10 novembre 1765. Son père Edme COLLINET (1741-1798) était perruquier à Semur. On ne sait pas si le jeune Edme jouait de la flûte à Semur, mais lors de son mariage le 22 avril 1793 avec Reyne JUBIN (1767-?) il se déclare perruquier.
Signatures de Edmé Collinet et de son épouse à leur mariage |
Son fils Hubert COLLINET est né lui aussi à Semur en 1797. En 1798 après la mort du père d'Edmé COLLINET toute la famille est "montée à la capitale" puisque l'on trouve dans les archives de Paris la naissance de Charles COLLINET le 26 novembre 1808, baptisé à l'église Saint Eustache.
François Joseph
FETIS nous
explique dans sa biographie universelle des musiciens et bibliographie générale
de la musique : "....Edmé COLLINET fut d'abord admis comme flûtiste au
théâtre des Variétés, puis se livra à l'étude du flageolet, perfectionna cet
instrument en y ajoutant des clefs et parvint à en jouer avec une habileté
inconnue avant lui. Julien CLARCHIES, directeur pour orchestres de
contredanses, engagea COLLINET à appliquer son instrument à ce genre de
musique. Le succès et bientôt la vogue dont il jouit fut elle qu'on ne voulait
plus danser à Paris qu'au son du flageolet de COLLINET".
Reine JUBIN première épouse
d'Edmé COLLINET décède vers 1810 ; ce dernier se remarie le 17 juillet 1817 à
Paris avec Marie Madeleine DUBOIS. Cette même année il figure dans
l'annuaire Bottin : "Collinet : Marchand de musique 90 rue Saint
Honoré".
Flageolet à deux clés du musée de la Couture Boussey. |
De 1820 à 1825 il figure régulièrement
dans le Bottin de Paris. " Collinet, flageolets d'orchestre, 90 rue
Saint Honoré" et "Collinet, marchand de musique, directeur des
orchestres des bals du Duc de Berry, professeur de flageolet et musique, tient
des contre-danses connues sous le nom de soirée de famille, pour piano, violon,
guitare, flûte, flageolet etc..., 90 rue Saint Honoré".
L'art de danser édité par Collinet |
Le XIXe siècle est très festif. En 1790 il y
avait environ quatre cents bals à Paris. L'aristocratie et la bourgeoisie
organisaient de nombreux bals dans leurs hôtels particuliers. On y pratiquait
la contre danse c'est à dire la "country danse" d'origine anglaise
introduite en France au XVIIIe siècle, dans laquelle les danseurs se
positionnaient en cercle ou sur deux lignes en vis-à-vis et exécutaient des
figures définies très élaborées. Il fallait selon certains auteurs deux ans de
pratique avant de pouvoir s'y intégrer. Au début du XIXe né le quadrille, forme
simplifiée de cette contredanse qui fera fureur pendant ce siècle. On peut
citer le quadrille français composé du Pantalon, l’Été, la Poule, la
Pastourelle, le Galop, le fameux quadrille des lanciers, le quadrille des
variétés parisiennes.
En 1830 Edmé
COLLINET, père continue son activité : "Collinet, flageolet 4 place de
l'oratoire du Louvre au coin de la rue du Coq" et "Collinet direction
des orchestres des bals de la cour et de la ville, et instruments,
contredanses nouvelles, musiques de flageolet", apparaît le fils comme
marchand de musique : "Collinet fils N°37 rue Saint Augustin",
mais aussi comme artiste jouant du flageolet dans les orchestres célèbres de
l'époque. Voilà ce qu'en dit Fétis : " Hubert Collinet a surpassé son
père dans l'art de jouer du flageolet. Il y a dans son jeu plus de goût, plus
d'élégance, sinon plus d'habileté dans l'exécution des traits difficiles. Il
joue les solos de flageolet dans le bel orchestre de danse organisé par Mr
Musard, et dans les bals de la cour. Il est aussi marchand de musique et
d'instruments".
Hubert Collinet vers 1844 par Thomas Wingate. (Source Sydney Living Museums) |
Portrait de Philippe Musard. |
Philippe
MUSARD (1792-1859) est un des plus illustres représentants de la musique
festive de danses de Paris au XIXe. La première partie de sa carrière a pour
cadre Londres où il dirige des concerts promenades et dirige les orchestres des
bals de la reine Victoria. Il poursuit sa carrière en France où il est surnommé
"le roi du quadrille", "le Napoléon du quadrille". Il
remporte un grand succès durant le carnaval de Paris, aux bals de l'opéra. Ses
orchestres comptent jusqu'à cent musiciens et des solistes réputés comme DUFRESNE
au cornet, COLLINET au flageolet
A cette
époque des concerts MUSARD, Hubert COLLINET est une "vedette" et Jean
Pierre DANTAN (1800-1860), sculpteur surtout connu pour ses portraits-charges
de personnages connus de l'époque (Paganini, Tulou, Musard etc...), en avait
fait un portrait peu flatteur.
Cette caricature était atténuée par quelques "billets" plus réalistes.
Article de presse. |
Pendant ce
temps, son père Edmé COLLINET se consacrait à son travail d'édition de musique
pour flageolets et contredanses. " Collinet, flageolets, quadrilles par
abonnement au journal de la contredanse pour piano, duo, septuor, et orchestre,
musiques nouvelles pour flageolet et piston, méthode genre moderne pour violon,
flûte, flageolet, clarinette, piston, guitare etc...rue du Coq Saint Honoré 4
au premier".
Méthode de clarinette. (Source Gallica) |
Il existe peu d'instruments portant la marque Collinet ; outre les deux flageolets déjà décrits nous connaissons une clarinette du musée de La Couture et une flûte de la collection Dayton Miller.
Flûte à 1 clé portant la marque de Collinet. (D.C.M.) |
Clarinette à six clés du musée de La Couture. |
Mais Edmé
COLLINET était simplement revendeur car dans l'inventaire après décès que nous
avons trouvé aux Archives Nationales de Paris (Maître BOUCLIER MC/RE/LXVI/28),
il devait 150 frs 50 à BUFFET CRAMPON, 113 frs 60 à VUILLAUME, 437 frs 65 à
MARTIN frères, 30 frs à GUICHARD. D'ailleurs dans l'inventaire de son
appartement 11 rue Vavin et de son magasin 4 rue du Coq, il n'est signalé qu'un
flageolet dans son appartement. Sa boutique n'était consacrée qu'à l'édition
musicale. Au niveau de l'anecdote, le commissaire priseur chargé de cet
inventaire était assisté de Jean Jules JANET, marchand de musique N°47
rue Vivienne (Janet frères éditeurs de musique), et Jean Etienne MASSET
marchand de musique N°40 rue Vivienne.
Edmé COLLINET est décédé le 18 décembre 1841 dans son appartement du 11 rue
Vavin;
Son fils Hubert pour toute la succession se fera représenter par son épouse Thomassine
Antoinette BYRNE avant de renoncé finalement à son héritage au profit de sa
belle-mère. A cette époque il habitait à Londres N°32 Exenton Street, Hay Marked, car
depuis 1841, il avait rejoint l'orchestre de Louis Antoine JULLIEN
(1812-1860), compositeur et chef d'orchestre, rival de MUSARD, et qui avait dû quitter Paris à la suite de problèmes financiers.
(11/09/2018) : Notre ami Marc Wouters nous signale qu'il est en possession d'un flageolet tout à fait intéressant à 5 clés dont une manquante portant la marque " Visage rayonnant/Collinet Fils./Guerre/ A Paris/ Etoile 5 branches".
Effectivement " Collinet flageolets, 4 r. du Coq Saint-Honoré" figure dans le Bottin de 1842 à 1844, c'est à dire après le décès du père en 1841 et le départ du fils pour Londres. Sans doute l'activité du magasin a dû continuer tenu par l'épouse d'Hubert Collinet. A noter que ce flageolet réalisé par le facteur Georges Guerre porte une marque "tarabiscotée" dans laquelle l'espace manque pour le mot fils. Donc on peut dater cette instrument : autour de 1842.
En 1853
l'orchestre de JULLIEN part pour une tournée aux États Unis, et triomphe à New
York. COLLINET fait partie de l'orchestre qu'il ne quitte qu'à la fin en 1859
lorsque JULLIEN rentrant à Paris se fera arrêter pour faillite et sera mis en
prison.
Hubert
COLLINET est décédé à 70 ans à l'hôpital Fernand Widal, le 22 juin 1867. Il
habitait à cette époque au N°20 rue Lacépéde, son épouse quant à elle vivait au
66 rue Truffaut.
Pour conclure en musique cet article écoutez l'orchestre les pantalons de notre ami Géry Dumoulin au piston.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire