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samedi 18 juin 2016

"Comparaison de deux clarinettes autrichiennes en Fa". "Comparison of two Austrian clarinets in F ".

Interview de José Daniel Touroude par R.P.

Q : Lors de ton article sur les petites clarinettes dans ce blog, tu avais peu parlé de tes  clarinettes en Fa. Denis Watel avait amené chez toi sa superbe clarinette en Fa de Baumann, (qu’il te vendra bien un jour !). Elles sont peu courantes et ont vite disparues. Pourquoi ? (Articles sur les petites clarinettes.)

JDT : Pour la première fois l’existence de la clarinette en Fa apparaît dans le royal bavarian infantery guards en 1830. Berlioz parle aussi de la clarinette en Fa dans son traité  pour la musique militaire. La petite clarinette en Fa dite piccolo (selon Lavignac) est spécialisée pour les traits aigus, elle est plus courte que la clarinette Mib et a eu son heure de gloire dans les musiques militaires quand les clarinettes sopranos étaient en Ut au 19ème siècle. De grands compositeurs l’utilisèrent pour son aigu ou pour sa tonalité pratique dans certains cas notamment Beethoven, Mendelssohn, Strauss…La petite clarinette en Fa était associée également à d’autres instruments graves en Fa (cors en Fa surtout, cors de basset alto en Fa, musette en Fa, tuba en Fa). Quand la tonalité ou les traits de la partition étaient difficiles, le clarinettiste au lieu d’utiliser la petite clarinette en Mib prenait ponctuellement d’autres petites clarinettes en Ré, ou en Fa. Quand la clarinette soprano passa de Ut à Sib, la petite clarinette passa de Fa à Mib pour maintenir la quarte. C’est pourquoi la petite clarinette en Fa fut remplacée par celle en Mib au milieu du XIXème siècle et vite abandonnée, devenant rare et donc recherchée par les collectionneurs.
Clarinette en Fa de Baumann.
(Collection D. Watel)
Q : Dans ta collection, nous avons deux clarinettes autrichiennes en Fa de la même région, de la même époque et pourtant elles sont différentes :

En effet l’une est en ébène à 13 clés, l’autre en buis signée Eberl en buis à 14 clés. Elles sont toutes les deux basées sur le système Mûller simple qui permet de faire enfin toutes les notes de la gamme chromatique et des traits difficiles sans doigtés approximatifs et compliqués. Leur utilisation était différente : celle en ébène utilisée dans une harmonie en plein air (kiosque, défilés…) de type militaire est robuste, le bois ébène épais, assez lourde (plus du double 385 g contre 180 g pour l’Eberl) , les clés sont épaisses et solides, le repose pouce important, longueur et perce un peu plus importante, état prouvant qu’elle a vécue….l’autre est absolument l’inverse en buis, fragile, aux clés très fines, peu utilisée vient d’un orchestre symphonique ou opéra (pour quelques traits). Il faut dire que dans l’empire autrichien à cette époque la musique est présente partout (Schemmel facteurs de clarinettes à Vienne.
A gauche clarinette en Fa et 14 clés en buis d'Eberl et
à droite clarinette en ébéne en Fa 13 clés.
(Collection J.D Touroude)
Q : Apparemment elles viennent de Carlsbad ou de sa région ? c’est une petite ville ?
Carlsbad a gardé même aujourd’hui son charme désuet, et se nomme actuellement Karlovy Vary en Tchèquie. Elle était à cette époque une ville d’eau chaude célèbre dans l’empire autrichien et comme toutes les villes de cures, où il n’y a pas grand chose à faire, la musique était omniprésente. D’ailleurs à cette époque de nombreuses personnalités notamment des musiciens prestigieux comme Brahms, Chopin, Dvorak, Grieg, Liszt, Wagner… contemporains de cette clarinette ont fait des séjours dans cette ville. L’une a été fabriquée à Carlsbad, l’autre y a joué peut être et provient de la même région de Bohème (sans doute de Graslitz en Tchéquie actuellement)
Vues de Carlsbad au XIX ième siècle.
Q : Et qui dit musique dit musiciens et donc facteurs et réparateurs…
Tu as raison, vu le nombre de concerts quotidiens, il fallait des facteurs et réparateurs à Carsbad et quelques artisans réputés comme Strobach et Jäger sont connus des collectionneurs. Eberl actif à Carlsbad est lié forcément à ces facteurs précédents mais je ne connais pas les liens d’Eberl avec eux (apprentissage, compagnonnage, concurrence, sous traitance…).

Cor de Basset de Strobach à Carlsbad. (Musée d'Edimbourg)
Q : Eberl me dit quelque chose ? 
Oui au début j’ai eu la même impression en l’achetant mais c’est un homonyme célèbre ou peut être un membre de la même famille ? (si certains ont la réponse ….) Anton Eberl était un pianiste et compositeur autrichien de Vienne très connu, ami de Mozart et de Haydn, rival de Beethoven et qui a composé plusieurs œuvres de musique de chambre avec clarinette ! et qui a été à Carlsbad ! lui aussi. C’est celui qui est connu en histoire de la musique. Mais qui est W. Eberl ? pratiquement pas référencé dans les musées et livres spécialisés et pourtant son travail est magnifique ! encore un génie méconnu….Sa rareté est donc réelle car il existe sans doute très peu de clarinettes de W. Eberl de Carlsbad dans les collections publiques ou privées et sans doute la seule en Fa. L’estampille est un aigle à 2 têtes des Habsbourg, surmonté d’une couronne , W.Eberl Carlsbad, F (fa) et une fleur à 6 pétales. 
Marque d'Eberl  à Carlsbad.
Q : C’est vrai qu’elle est magnifique et éclipse beaucoup de petites clarinettes qui sont à côté ! Mais l’autre en ébène, est aussi typiquement autrichienne de la moitié du XIXème siècle non ? on reconnaît les grands facteurs de Vienne du milieu du XIXème siècle : Uhlmann, Schemmel, Koch, Stehle …Quelles sont les caractéristiques de la facture autrichienne au milieu XIXème siècle ?

Oui . La facture autrichienne est reconnaissable de suite :

·     ° Aux pavillons évasés. 
 3 pavillons de clarinettes autrichiennes comparés à un pavillon de clarinette
française. (de gauche à droite : Schemmel (A), Baumann (F), Eberl (A), Schemmel (A)
°   Forme des clés très travaillées avec pont et cercle. 
 
Détails des clés de clarinettes en Fa (Eberl, anonyme)
°     Des gorges en  métal pour les clés.
Longues clés de deux clarinettes viennoises.
°     Des blocs en bois dans la masse demandant une adresse certaine des tourneurs. (Comme pour les hautbois ; on retrouve en Allemagne et en Angleterre ces blocs taillés)
Clés montées sur des blocs; 
·         ° Clés tordues, vrillées assez typiques. 
Comparaison des grandes clés d'une clarinette viennoise (G) et une
clarinette française (D).
° Des repose pouce taillés dans la masse.
Repose pouce taillés dans la masse.
° Trous surélevés petit doigt droit.

Trous surélevés petit doigt droit.
Evidemment on retrouve des caractéristiques classiques germaniques : Les clés sont en laiton rondes en pelles à sel et sont articulées par des tiges en laiton  perçant des blocs en bois. (à l’époque la facture française était très différente et utilisait les patin, avec boules et charnières et des vis en acier) mais toutes les clés à l’est du Rhin sont comme cela. Les ressorts sont en laiton rivetés sur les clés, les tampons en feutre et cuir mais là ce n’est pas spécifique à la facture autrichienne. Le diapason : très différent selon les villes et les orchestres (cf article diapason Cliquer sur ce lien pour voir l'article.). Ce qui  est sûr c’est qu’elles sonnent encore très bien  ….










mardi 9 juin 2015

Clarinettes et bassons de BAUMANN et WINNEN équipés d'un système de clés "Inventé par C.H FELIX Mécanicien à Paris". Clarinets and bassoons with a keys system invented by C.H FELIX mechanic in Paris

Dans le magnifique ouvrage rédigé par Albert R. RICE, qui vient de sortir sur la collection de MARLOWE A. SIGAL on peut voir un superbe jeu de clarinettes réalisé par Jean Jacques BAUMANN (1772-1845) et le mécanicien C.H. FELIX.
 J'ai voulu en savoir un peu plus sur ces instruments.  
Clarinettes à 7 clés de Baumann et C.H. Félix, en La et Si B.
(Collection de Marlowe A. SIGAL)
Ces clarinettes en buis foncé, sont munis de clés en laiton très particulières ; elles épousent les courbes de l'instrument, sont d'un accès plus ergonomique et sans doute étudiées pour avoir une articulation plus réactive. Il est précisé dans les commentaires, que les ressorts se situent à l'intérieur des tubes des clés. Donc une conception très originale pour des instruments datant de c. 1815.
Détails d'une clarinette.
Si on regarde la photo de détails (au dessus), il y a sur chaque clé une petite molette permettant de régler la hauteur de la clé par rapport au trou. Ces clarinettes portent la marque de Baumann (voir photo ci-dessous d'une autre clarinette de Baumann). Les clés ne portent pas de marque ; ces clarinettes devaient faire partie d'un jeu de 3 clarinettes (Ut, Si bémol, La), puisque le pavillon de la clarinette en La, porte la marque C. Donc peut être reverrons nous, un jour sur le marché, une clarinette identique en Ut, avec un pavillon marqué A.
Marque Baumann d'une autre clarinette, mais identique
à celles de la collection Sigal.
Albert RICE signale dans ses commentaires, un basson de BAUMANN muni du même système de clés dans les collections du Metropolitan Museum de New York dont les clés sont marquées : " Inventé par C.H. FÉLIX Mécanicien à Paris en 1813".
Basson de Baumann et clés de C.H. Félix.
(Collection Metropolitan Museum de New York).
Qui était C.H. FELIX ? Nous n'avons pas trouvé grand chose sur ce personnage, donc cet article va devoir être complété.. En revanche nous savons que FELIX était mécanicien en 1806 et exerçait au 14 quai des orfèvres à Paris. Il était très inventif non seulement pour les clés d'instruments, mais pour de nombreuses autres choses. Toujours en 1806, il présentait lors de  l'exposition des produits de l'industrie française sur la place des invalides et sur le portique N°28 "Mr Félix, mécanicien au 14 rue des orfèvres : mécanique servant à moucher une chandelle à des temps marqués toujours proportionnés à la longueur de la mèche charbonnée et cela par l'effet même de la combustion de la chandelle et de son raccourcissement".
Première page du catalogue de l'exposition de la place des Invalides de 1806.
Détails du basson du MET.
De 1808 à 1813 il exerce au 11 rue Vieille Bouclerie à Paris. En 1813 il invente ce système de clés mais nous n'avons pas trouvé le brevet correspondant (S'il existe car inventer n'est pas breveter).

Revenons au basson de Baumann du Met, il s'agit d'un basson à 7 clés avec une branche de rechange pour adapter le diapason, le bocal possède une visse pour régler sa hauteur et une des clés est couverte par une grille monogrammée avec les initiales du propriétaire : P?G?......je lance un jeu, mon estime pour le premier qui le décrypte. On retrouve le système de molette sur chaque clé pour régler la hauteur.


























En 1822 et 1823 il exerce au 40 rue du Marché Neuf et vend "des outils d'horlogerie". A partir de 1825 jusqu'en 1827 il est "facteur de clarinettes" : "Félix, clarinettes 18 rue des Marmousets, Cité".
C'est peut être à cette époque qu'il réalise le jeu de clarinettes de la collection Marlowe Sigal.
Mais il reste a trouver une clarinette marquée "Félix à Paris".

Il existe un autre basson similaire au Musée de la Musique de Paris  mais signé WINNEN. Toujours à sept clés, avec toutes les caractéristiques décrites pour le basson du Met.
Les différences sont au niveau du pavillon plus travaillé et de la grille couvre clé avec un écusson.
Pavillon du Basson de WINNEN du Musée de la musique de La Villette.
En 1829 voilà ce que l'on peux lire dans l'annuaire Bottin : "Mécanicien : Félix, divers ouvrages pour horlogers et opticiens, garnitures de clefs d'instruments à vent, en cuivre et en argent : 18 rue des Marmousets-Cité".


En 1833 : "Félix, divers ouvrages pour horlogers et opticiens, suspension de montre marine, batte calotte et cercle, exécuté d'après plan et dessin tout ouvrage mécanique en petit. 36 rue des Marmousets-Cité".
En 1837 :" Félix fait divers ouvrages pour horlogers et opticiens, suspension de montre marine, Il fait d'accord avec Teillard le mécanisme des tableaux pour fantasmagorie, exécute d'après plan et dessin tout ouvrage en petit, 36 rue Marmousets-Cité".
Il avait abandonné les clés d'instruments, pour les mécanismes des tableaux pour fantasmagorie.
Spectacle de fantasmagories vers 1850.
Il continue jusqu'en 1847, Toujours 36 rue des Marmousets-Cité : voici sa dernière annonce :"Félix tout ouvrage mécanique en petit, mécanisme des tableaux pour fantasmagorie, 36 rue des Marmousets". La rue Marmousets dans l'île de la cité (Paris 4°), est aujourd'hui la rue Chanoinesse.

La rue Marmousets vers 1860.
N'hésitez pas à compléter cet article : rene.pierre23@gmail.com