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lundi 30 décembre 2024

Jacques NONON facteur de flûtes et de hautbois dans l'ombre du grand TULOU.

René PIERRE

Article parut dans le Larigot N°58 en octobre 2016.

Nous avions publié également un pré-article sur un de nos Blog

Nonon et Tulou

Introduction.

La vie et l'œuvre de Jean Louis TULOU (1786-1865), flûtiste virtuose, professeur au conservatoire de Paris de 1829 à 1856 et ardent opposant à la nouvelle flûte BOEHM, sont particulièrement bien documentées, notamment grâce à la thèse de Michelle TELLIER : "Jean Louis TULOU : flûtiste, professeur, facteur". Paris 1981 en deux volumes. (1) Thèse passionnante, très riche et qui se lit comme un roman...mais  «cachée» dans les réserves de la Médiathèque de la Cité de la musique à Paris. Cet ouvrage très documenté sur Tulou ne dit pas grand-chose de Jacques NONON et n'évoque que partiellement les instruments de ces deux personnages. Dans cet article nous souhaiterions aborder ces deux points.







Jean Louis Tulou par Henri Grévedon, entre 1830 et 1839. (Source BNF)






Qui était Jacques NONON ?

On ne savait pratiquement rien de Jacques NONON sinon qu'il était né à Metz en Moselle. En effet  il est né dans cette ville le premier mai 1802 et appartenait à une famille de tourneurs mosellans. Son père Gaspard NONON (1770-1836), son grand père Jean Louis NONON (1727-1813) étaient tourneurs à Metz.....Le premier tourneur connu de la famille était un arrière grand oncle, Jean Nicolas NONON (1687- ?) tourneur à Ranguevaux, berceau de la famille, petite commune de la vallée de la Fensch près de Joeuf (patrie de Platini.....le footballeur). 

Village de Ranguevaux en Moselle.






Jacques NONON avait deux frères et deux sœurs ; sa sœur aînée Marie Anne NONON né en 1797 à Metz avait épousée  Louis CHAMBILLE (1797-1845) mécanicien à Metz  et  fils d’un tourneur messin, Nicolas CHAMBILLE (1773-1849). Ce couple a eu trois enfants, dont Auguste François CHAMBILLE (1827-1881) né à Paris ; il sera facteur d’instruments de musique dans l’atelier de Jacques NONON, qu’il rachètera  le 11 juin 1856 à son oncle. Il collaborera à la fin de sa vie avec son ami Louis Ernest DEBONNEETBEAU de COUTELIER (1836- ?) avant que ce dernier ne rachète la Maison Lot dont il assurera la direction de 1882 à 1889. Le fils d’Auguste CHAMBILLE, Ernest Henri CHAMBILLE (1858-1922) sera contremaître chez Lot de 1882 à 1904, date à laquelle il succéda à E.BARAT et deviendra directeur de la Maison Lot.

En tête de la Maison Lot en 1906. (2)

Quel paradoxe de trouver à la tête de la prestigieuse Maison Lot, spécialisée dans la flûte Boehm, le petit neveu de Jacques NONON, contremaître de la Maison TULOU, ardant opposant à cette flûte Boehm. A la suite du décès d’Ernest CHAMBILLE en 1922, c’est sa fille Pauline Gabrielle CHAMBILLE (1887-1951) qui reprendra la direction de la société jusqu’à sa mort en 1951. (3)(4)

Voir remarque 1














Jacques NONON malgré l’éloignement entre Paris et Metz sera toujours, au cours de sa vie, très proche de sa famille et en particulier de ses trois neveux.

Première rencontre en 1828 entre Jacques NONON et Jean Louis TULOU.

Jacques NONON a été formé au métier de tourneur par son père et/ou par un membre de sa famille mais ce n'est pas en Moselle qu'il a pu être formé au métier de facteur d'instruments de musique. A-t-il fait un tour de France comme on le faisait à cette époque et comme Jean Daniel HOLTZAPFFEL, facteur natif de Strasbourg, exerçant à Paris nous le raconte dans ses mémoires ? (5)  Ou est-il "monté" directement à Paris ? Actuellement on ne sait rien de cette période. C'est en 1828 que l'on entend parler  pour la première fois de lui à Paris et de sa rencontre avec TULOU. Il lui présente une flûte à six clés en argent qui est conservée au musée de la musique à Paris.

Flûte à 6 clés en argent de Jacques Nonon de 1828.
Musée de la musique de Paris






Cette flûte serait donc à l'origine du partenariat créé en 1831. Il n'y a pas de doute sur l'origine de cet instrument, puisque c'est NONON lui-même qui en a fait don au musée du conservatoire en 1872, en précisant sa qualité. Lors de sa rencontre avec Tulou, Nonon avait 26 ans et la flûte qu'il lui présente est caractéristique des flûtes de cette époque, dans sa facture, sa conception, sa réalisation......Elle pourrait provenir des ateliers de Bellissent, Godfroy, Triébert....mais elle montre surtout que Jacques NONON maîtrisait  la fabrication de flûtes et qu'il avait sans doute travaillé pour ou chez les grands facteurs de cette période ; il faudrait la jouer pour en apprécier les qualités musicales            .

Le nouveau catalogue du Conservatoire. Gustave Chouquet.


















Cette marque suggère que J. NONON avait un atelier en 1828 et a continué d'exercer seul jusqu'en 1831. Il ne figure, à notre connaissance sur aucun annuaire de cette époque et on ne connaît pas son adresse. Aucun autre instrument, portant cette marque n'est connu.














L’anecdote du rossignol adoptée par Tulou dans sa marque, en 1831 est bien connue. Notre flûtiste avait remporté un énorme succès de prestige lors de la première,   du « Rossignol », opéra de Lebrun en 1816. Son interprétation du solo de flûte avait fait l’unanimité du tout Paris et avait confirmé sa prééminence sur tous les autres flûtistes de cette époque.   

Quand TULOU  a-t-il commencé la fabrication de flûtes et pourquoi ?

"Comment J.L. TULOU, virtuose célèbre, s'improvisa-t-il facteur ? On ne sait, mais ce n'est pas à coup sûr, pour combattre la flûte Boehm, puisqu'elle ne parut qu'après 1832 et que nous le trouvons fabricant dès 1818....." (Constant PIERRE : Les facteurs d'instruments de musique). Affirmation discutable de Constant Pierre surtout pour les débuts de J.L. Tulou comme "facteur" dès 1818, cela est peu probable. Bien sûr il a du "collaborer" avec BELLISSENT pour l'amélioration de ses flûtes, puisque ce dernier dès 1820 annonçait dans l'annuaire Bottin : "Bellissent, facteur de flûte de l'école royale de musique et de Mr TULOU première flûte de l'opéra"....et  en 1830 ils étaient trois facteurs à s'annoncer comme "LE fournisseur" de TULOU dans le même annuaire. "BELLISSENT, flûtes, fournisseur de Tulou et de l'académie royale de musique". " GODFROY aîné (Clair), fabricant de flûtes, clarinettes, flageolets, facteur de l'académie royale de musique, de l'école royale et des principaux professeurs de la capitale....." " GODFROY jeune, facteur en tout genre, connu particulièrement pour la flûte, fournisseur de M. TULOU et autres artistes distingués....."

Marques de Christophe Delusse (a1781-p1789), 

Vinnen Cadet (c.1820-1837), 

Un article intéressant, paru dans « La France Musicale » le 18 novembre 1855, donne une explication sur cette création d'atelier en 1831: " WUNDERLICH, maître de Tulou et de tous les flûtistes célèbres en France dans la première moitié de notre siècle, fut le premier à se servir chez nous de la flûte à plus d'une clef. Le premier nom français qu'il y ait à citer dans cette industrie est celui de DELUSSE, fabricant établi à Paris à l'époque de la première révolution. Ses instruments étaient appréciés ; ils avaient autant de justesse qu'il était possible de leur en donner à cette époque, et possédaient surtout une belle qualité de son.....Au fabricant Delusse succédèrent les frères WINNEN(Père et Fils selon Langwill) également établis à Paris. Le premier se servait d'une perce très large qui donnait de la puissance aux notes graves, mais qui empêchait les notes élevées de sortir avec facilité ; le second avait fait l'acquisition des perces de Delusse, et obtenait quelquefois, grâce à cette circonstance, d'assez bons résultats. Ce fut chez lui que Tulou acheta la flûte avec laquelle il fit sa réputation de virtuose. Un peu plus tard, ayant découvert un ouvrier intelligent, nommé GODEFROY, il lui donna sa flûte pour modèle, essaya ses instruments, et lui prodigua les plus sages conseils. Tous deux parvinrent à corriger les défauts de justesse qu'on rencontrait trop souvent sur les flûtes de cette époque. Il suffisait à Tulou de patronner un facteur pour lui assurer une clientèle. La maison GODEFROY aîné acquit bientôt une grande vogue ; mais à mesure qu'elle multipliait ses produits et leur trouvait de nouveaux débouchés, on se montrait moins disposé à faire des essais. C'est alors que Tulou conçut l'idée de monter lui-même un atelier. La première flûte qu'il construisit fut trouvée parfaite de tous points ; chacun voulut en avoir une semblable. Et c'est ainsi que, de succès en succès, de commandes en commandes, l'éminent artiste devint fabricant. L'exposition universelle nous fournit naturellement l'occasion d'apprécier ses travaux, leurs résultats et leur porté".

Cette article publicitaire, écrit à la suite de l’exposition de Paris en 1855, nous donne des informations intéressantes sur les flûtes jouées par TULOU, mais  essaie, également de faire de TULOU le conseiller des facteurs qui les a propulsés vers la réussite....Et NONON ? Oublié ? Mais l'on était en 1855 c’est-à-dire après la rupture entre les deux partenaires.

Pierre Godfroy (1779-1845), 

Clair Godfroy aîné (1774-1841),

Jacques Eléonore Bellissent (1783-1841).

Le premier document mentionnant la fabrication de flûtes par TULOU date du 19 mars 1831. C'est un article de la revue musicale qui commence par analyser les faiblesses de la flûte : justesse, égalité des sons graves et de l'aiguë..."Il appartenait à un professeur dont la longue expérience et le talent fini avaient su apprécier toutes ces imperfections, de faire les recherches nécessaires sur les  moyens propres à obvier à d'aussi graves inconvénients. M. Tulou a donc entrepris cette tâche dans l'espoir qu'il pourrait faciliter les progrès des amateurs en leur offrant des instruments dont ils n'auraient pas à combattre sans cesse les défauts, et qui, par leur état perfectionné, seconderaient leur habileté dans l'exécution au lieu d'y mettre obstacle".

"Mr Tulou a cherché à faire disparaître l'inconvénient des corps de rechange, et surtout celui de la pompe". A cette époque la plupart des facteurs utilisaient un barillet comme pompe d'accord qui présentait un inconvénient majeur selon lui, c'est pour cette raison que toutes les flûtes Tulou n'ont pas de pompe d'accord.

Il préconise le système des anneaux pour ajustés la tonalité, système qui aurait été imaginé par NONON, qui placés "aux emboîtures et allongeaient l'instrument d'un demi ton ou d'un quart de ton, suivant leur grosseur". (C. PIERRE)

"M. Tulou s'est aussi attaché à trouver des formes simples et élégantes dans les clés, et en a surtout diminué le volume, qui donnait à l'instrument de la lourdeur sans utilité. Ces avantages seront appréciés par les amateurs et les artistes et ne peuvent manquer d'influer sur les progrès de la flûte. Le nom de Mr Tulou les recommande suffisamment. Aucun instrument ne sort des ateliers de ce professeur célèbre sans avoir été essayé et reconnu bon par lui. On peut s'adresser directement à M. Tulou, à Paris, N°18 rue Bleue".



Tous ces éléments nous permettent de dire que J.L. TULOU a commencé  à fabriquer des flûtes en 1831 au début de sa collaboration avec Jacques NONON, même s’il avait collaboré auparavant avec d’autres facteurs comme Pierre GODFROY (Jeune) et son  frère aîné Clair GODFROY. Il est fréquent d’entendre que ce même Pierre GODFROY aurait fabriqué des flûtes portant la marque de Tulou, parce que certaines clés en argent sont poinçonnées avec une marque d’orfèvre avec des initiales « P.G.». Grace à Peter SPOHR nous avons résolu cette énigme mais nous en reparlerons lorsque nous évoquerons la flûte perfectionnée de TULOU. 

Alors pourquoi avoir créé cet atelier ?

Pour comprendre les motivations de Monsieur Tulou dans la fondation de cet atelier, il faut lire la thèse de Michelle TELLIER qui cerne parfaitement le caractère de cet artiste. Pour notre part nous voudrions mettre l'accent sur une des motivations, à notre sens essentielle : c'est le besoin de s'assurer des revenus complémentaires. Il faut comprendre qu'après sa disgrâce politique de 1821 quand Joseph GUILLOU (1787-1853) lui avait été préféré pour le poste de professeur au conservatoire de Paris et  après sa démission de l'opéra de Paris, le "grand" TULOU avait dû connaître une période délicate dans tous les domaines.

Christophe ROSTANG dans le n° spécial du Larigot concerné  à F.G.A. DAUVERNE, explique bien la nécessité pour ces artistes musiciens, dont les appointements de l'opéra et du Conservatoire n'étaient pas suffisants pour leurs assurer un train de vie de grand bourgeois digne de leur renommée, étaient contraints de trouver des ressources complémentaires. TULOU avait trouvé dans son association avec NONON une opportunité pour s'assurer des moyens confortables. Ce n'était pas, bien sur sa seule motivation mais ..... 

G. HEQUET flûtiste écrivant un article nécrologique sur TULOU, mentionne :" .....Il (Tulou) réussit mieux dans la fabrication des flûtes (que dans la peinture, une de ses passions), dont il s'occupa longtemps, et à laquelle il a dû probablement une grande partie de l'aisance dont il a joui...."

A. LAVIGNAC, dans son Encyclopédie de la musique et dictionnaire du Conservatoire, est encore plus dur et sans doute très injuste dans son jugement : ....Il (Tulou) garda longtemps son poste au conservatoire, s'associa entre temps avec NONON pour la fabrication des flûtes, n'apportant guère à l'association que l'immense prestige de son nom. Cette exploitation lui laissa de fort beaux bénéfices...."

Essai de classement chronologique des flûtes signées TULOU. (Remarque 2)

La marque « TULOU au rossignol » a été utilisée depuis la création de l’atelier en 1831 jusque vers les années 1930 par la Maison COUESNON. Aussi  peut-on rencontrer une grande variété de flûtes et de hautbois portant cette marque. Nous allons essayer de définir  les éléments qui permettront de classer chronologiquement les flûtes de la période de l’atelier TULOU-NONON. Vous avez été nombreux à nous faire parvenir des photos et des renseignements, il reste encore de nombreux points à étudie notamment sur la perce des instruments, sur les embouchures….Nous reviendrons donc régulièrement sur cet article pour faire des mises au point. N’hésitez pas à nous consulter pour nous donner votre avis sur ce sujet. Nous avons répertorié plus d'une centaine de flûtes de cette période. Tulou et Nonon ont produit de 1831 à 1850 des flûtes plutôt  à 5 clés ou 6 clés de très belle qualité qui furent régulièrement récompensées aux expositions de 1834, 1839, 1844, 1849.

Flûtes de la première période (1831-1838).

Il existe quelques flûtes baguées ivoire, parfois en buis sans doute du début de l’atelier. 

Tête de flûte Tulou en buis et bague ivoire. (Vente Vichy)


Flûte Tulou à 4 clés argent baguée large. (Collection Sigal)

Flûte Tulou en buis à 4 clés. (Collection R. Charbit)

Flûte Tulou à 5 clés à bagues larges et anneaux d'accord. (Vente Vichy)

Flûte Tulou à 5 clés laiton en buis (Vente Vichy)

Mais  elles sont généralement baguées en métal  (argent principalement), avec des bagues  larges, jamais de pompe d'accord et les clés sont fines, fixées à des tourillons soudés à des plaques vissées dans le bois. Lorsqu’elles sont en argent, ces clés comportent le poinçon « tête de lièvre » de petite garantie de Paris (1819-1838) et le poinçon « P # B » de Paul Nicolas BELORGEY mécanicien: " Belorgey Aîné, facteur de clefs d'instruments de musique, fabrique tout ce qui a rapport aux garnitures intérieures et extérieures des instruments ; tire toute espèce de tubes à l'usage des facteurs, 32 rue du Petit Carreau". (Bottin 1840)(Remarque 3)




















mercredi 26 octobre 2016

"Nicolas Paul BELORGEY (1803-1873) mécanicien, cleftier, pistonnier devenu inventeur d'instruments de musique". "Nicolas Paul BELORGEY (1803-1873) mechanic, cleftier, pistonnier, inventor of musical Instruments".

Au cours de la rédaction de notre article sur l'atelier du facteur de flûtes et hautbois Jacques NONON et du flûtiste Jean Louis TULOU, nous avons découvert l'importance des cleftiers (fabricants des clés d'instruments de musique), dans la facture des instruments de musique à vent en cuivre et en bois. Notre nouveau travail sur les poinçons d'argent des instruments de musique renforce notre intérêt pour ces "prestataires" de grands facteurs par exemple comme Claude LAURENT et ses flûtes en cristal, Auguste BUFFET dit Jeune qui le premier adapta la flûte Boehm en France, Jacques NONON, Jean Louis TULOU etc..
Quel est le principal point commun entre ces facteurs parisiens prestigieux?
Tous travaillaient avec le même cleftier : Nicolas Paul BELORGEY.

Si vous voulez consulter l'article sur Tulou et Nonon : Cliquez sur ce lien.
Nous avons publier dans le dernier Larigot, un article de 24 pages, "très amélioré" sur Nonon et Tulou. Si vous voulez vous le procurer : Cliquez sur ce lien.
Vous voulez consulter l'article sur les poinçons d'argent des instruments de musique : Cliquez sur ce lien

Nicolas Paul BELORGEY est né le 16 février 1803 à Paris. Il était mécanicien au sens du début du 19 ème siècle, c'est à dire artisan qui travaillait les métaux, savait faire de la mécanique comme des automates, fabriquait des outils de chirurgiens etc....Chaque mécanicien était spécialisé et il y avait de quoi faire en ce début de siècle d'industrialisation : métiers à tisser, machines à vapeur, instruments d'agricultures etc..
Au niveau des instruments de musique le développement du piano ouvrait de grandes perspectives à cette spécialisation. N.P. BELORGEY avait choisit les instruments à vent en bois et en cuivre. Pour comprendre l'importance de cette spécialisation, abordons par exemple l'évolution de la flûte. A la fin du XVIIIéme siècle la flûte est un instrument en bois avec une seule clé. Il est fabriqué par des tourneurs qui ont surtout comme préoccupation d'améliorer la justesse et la puissance de l'instrument en travaillant la perce. Les clés sont très accessoires et peuvent être fabriquées par le même facteur ou un de ses ouvriers.
Flûte de Martin Lot vers 1780. (eBay)
Durant la période révolutionnaire, le conservatoire de Paris est créé et au début du XIXème siècle HUGOT puis WUNDERLICH tous les deux professeurs au conservatoire de Paris préconisent dans leur méthode la flûte à quatre clés.
Description de la flûte à quatre clefs de la méthode de Hugo et Wunderlich.
A Paris les facteurs spécialistes dans la fabrication des flûtes étaient peu nombreux. en 1808.

Flûte à 4 clés de Laurent de 1807. (Dayton Miller Collection)
Cette flûte de Laurent de 1807 représente une avancée considérable au niveau de la facture. Lorsque l'on décrit ces flûtes c'est principalement pour évoquer la flûte en cristal, sans aborder les améliorations au niveau technique qu'il a fallu créer pour réaliser ces instruments.
Détails de la patte de la flûte de 1807. (Collection DCM)
Notons tout d'abord la clé à bascule, l'une des premières flûtes munies de ce type de clé sans doute inventé par Laurent et/ou son cleftier ? (Les poinçons d'orfèvres ne sont apparus sur les clés d'instruments que vers 1820), système de fixation des clés : plaque et deux boules soudées, les jointures en argent entre les quatre parties en cristal. Tous ces éléments sont très innovant pour une flûte de 1807 et seront repris progressivement par les grands facteurs de flûtes parisiens, puis lyonnais, comme Godfroy, Bellissent, Tabart....Même si Laurent était horloger, il devait avoir recours, pour concevoir ces innovations à des mécaniciens ou orfèvres parisiens plus habitués à ce travail. 

Pour tout connaître sur ces merveilleuses flûtes en cristal de Claude Laurent : lire la thése de Montserrat Gascon : "Une flûte en cristal". Els instruments de vidre de Claude Laurent (1774-1849). Tesi doctoral. Universitat Autònoma de Barcelona, 2017.
Pour découvrir le site de Montserrat Gascon cliq
uez
Flûte à quatre clés plus une  de Jean René Winnen  (Vers 1815) dont les clés
portent des poinçons de province (Sans doute la Couture)
Le nombre de clés évoluant en passant de 6 et 8 voir 9, nous arrivons vers 1838 à la naissance de la flûte Boehm et la complexité de son mécanisme. C'est le 10 juin 1833 que N.P. BELORGEY enregistre son premier poinçon "P#B" dans le sens vertical. 
 " Belorgey Fabricant de clés de flûtes et clarinettes, 32 rue du Petit Carreau".

 Il a 30 ans, est marié avec Marie Catherine SIFFRET ; ils ont au moins deux enfants : Jules Alexis Joseph BELORGEY né le 20 juillet 1827 à Paris, qui sera lui aussi mécanicien spécialiste des systèmes Boehm et Charles Gustave BELORGEY né le 13 décembre 1829.
C'est à cette époque qu'apparaissent les premiers instruments à clés d'argent portant sa marque. Il est le cleftier de l'atelier NONON-TULOU.
Flûte à 5 clés et bagues larges en argent de Tulou. (Musée de Bruxelles)
Détail des poinçons de la flûte de Tulou permettant de dater l'instrument
entre 1833 (date d'inculpation du poinçon vertical de Belorgey) et 1838
(date de la fin de l'utilisation du poinçon tête de lièvre)
Toutes les flûtes Tulou (après 1833), à clés en argent de la période de l'atelier Tulou-Nonon portent les poinçons de Belorgey.
Le deuxième exemple de datation d'une flûte Tulou à 5 clés de l'atelier Tulou-Nonon est la flûte du Musée de la Musique de Paris que le Maître lui même avait donné à son ami Moudreux en 1847 que dans mon article je datais à tort de 1847. La lecture des poinçons permet de dater l'instrument entre 1838 et 1844.


Flûte Tulou de l'atelier Tulou-Nonon à 5 clés.
(Musée de la Musique de Paris)
Détail des poinçons de la flûte de Tulou permettant de dater l'instrument
entre 1838 (début de l'utilisation du poinçon à tête de sanglier) et 1844
(date de la fin de l'utilisation du poinçon vertical de Belorgey)
Le 12 avril 1843, il enregistre son deuxième poinçon "P#B" dans le sens horizontal.
Flûte Tulou 5 clés portant le poinçon tête de sanglier, aprés 1838 et
 le poinçon de Belorgey horizontal , après 1843. Donc datable
de la période 1844...cela tombe bien car elle est datée de 1844.
(Collection R. Pierre)
N.P BELORGEY était à cette période le cleftier de Claude LAURENT. Les clés des flûtes de ce dernier, dans la période 1806 à 1817 ne portent pas de poinçon d'orfévre. Dans la période 1820 à 1830 les flûtes de Laurent portent le poinçon de Jean Dupin ou celui de son fils (à confirmer), bijoutiers et orfévres aux Palais Royal.
Poinçon de Jean DUPIN.
Poinçon de Jean DUPIN Jeune.


Flûte de Claude Laurent, à huit clés en argent de Jean Dupin père de 1822.
Collection David Shorey;
Donc N.P. BELORGEY réalise en 1839, les clés en argent de cette flûte de C. LAURENT du musée de Barcelone.
Flûte de Claude Laurent de 1839 à 8 clés en argent de N.P Belorgey.
Musée de Barcelone.
Cette flûte en bois de Claude LAURENT, dont les 8 clés portent le poinçon horizontal de BELORGEY est probablement de la même période ( vers 1840).

Détails des clés de la flûte en bois de C. Laurent.
Vente Vichy 2016.
Vers 1838 il réalise pour Auguste BUFFET Jeune un des premiers clétages en argent, système Boehm correspondant au modèle de son brevet obtenu avec Victor Coche.

Flûte d'Auguste BUFFET Jeune, premier système Boehm conforme
au brevet Buffet-Coche de 1838 dont le clétage a été réalisé
par N.P Belorgey (Poinçons tête de sanglier et Belorgey vertical).
(Collection Michael Lynn).
Si vous voulez voir et entendre cette petite merveille voilà le site de Michael Lynn.

Une très rare flûte de Claude Laurent, en cristal vert et clétage en argent, système Boehm de la collection Dayton Miller, réalisée en 1844 a été "garnie" par Breton  (confirmée par M. Gascon).
Flûte de Claude LAURENT de 1844, à clétage systéme Boehm en argent
réalisé par N.P. Belorgey. (Dayton Miller Collection).

N.P. BELORGEY n'était pas seulement l'un des cleftiers les plus important de cette époque mais II était également pistonnier.

"Belorgey Aîné, facteur de clefs d'instruments de musique. Fabrique tout ce qui a rapport aux garnitures intérieures et extérieures des instruments en bois et en cuivre : 32 rue du Petit Carreau". (Alm. Bottin 1844)

Le 21 octobre 1843 il avait obtenu en collaboration avec Antoine HALARY, facteur très actif,  un brevet :


Comme de nombreux brevets de cette époque, celui-ci avait pour but d'améliorer l'efficacité des pistons, en essayant de réduire les frottements par un système de ressorts articulés.

Il obtint le 14 octobre 1847, cette fois seul un brevet pour "un genre de piston à cylindre à moteur vertical pour les instruments de musique en cuivre" qui poursuivait toujours le même objectif.
Cornet à Pistons de Belorgey avec son brevet.
Musée de la musique de Bruxelles.
Il demanda, pour adapter son système, plusieurs extensions à son brevet : le 20 décembre 1852, le 5 mars 1853, le 4 mai 1855, le 10 octobre 1859. Mais aucun de ces brevets ne fut couronné de succès. De plus son travail de cleftier déclina, en effet tous les facteurs à partir des années 1850 eurent de moins en moins recours à ces prestataires, ayant des ouvriers spécialisés dans leurs ateliers. On peut le constater par l'apparition des poinçons d'argent de facteurs renommés, Nonon, Gautrot...etc. Et puis la création de grandes fabriques et l'arrivée de leurs machines à vapeur signèrent la disparition de ses artisans à Paris.
Suite au déclin de son activité et ses dépenses trop importantes pour ses brevets, Nicolas Paul BELORGEY est déclaré en état de faillite le 27 février 1862.


Extrait de la séance de conciliation entre N.P. Belorgey et ses créanciers
du 20 juin 1862. (Archives de Paris-Faillites, série D.11.U3)
On retrouve parmi ses créanciers ces anciens partenaires : Antoine HALARY, Jacques NONON qui lui avait sans doute prêté de l'argent avec intérêts, Adolphe SAX, mais aussi des banquiers, des sous traitants.....

Cliquer sur le document pour l'agrandir.
Liste des créanciers.

Il habitait au N°26 rue des Petits Carreaux, au troisième étage où il occupait une pièce et une cuisine pour son habitation et avait au même étage son atelier dont l'inventaire sera fait le 26 février 1862 (Archives de Paris). Il devait y habiter seul car son épouse, figurant au niveau de ses créanciers est domiciliée : 25 rue de Colombes à Courbevoie. Il avait du employer plusieurs ouvriers car dans l'inventaire est cité un "livre de comptes d'ouvriers". 
Signature de N.P. Belorgey en 1862.
Cliquez sur le document pour l'agrandir.
Cliquez sur le document ci-dessus pour pouvoir le lire.
A la suite de cette faillite, l'atelier de la rue des Petits Carreaux disparait. Mais pratiquement la même année apparait dans le Bottin (1863) l'atelier du fils de Nicolas Paul BELORGEY, "Jules BELORGEY Fils, fab de clefs et mécanismes pour instruments de musique en bois, spécialité pour le genre Boehm, 16 Faubourg Saint Denis et 71 rue de Vincennes à Belleville".
De 1864 à 1866, l'atelier sera 83 Faubourg Saint Martin, puis de 1867 à 1869 au 18 rue Charlot (à quelques pas de l'atelier actuel de Guy COLIN)
Il n'apparait plus dans le Bottin à partir de 1870. Nicolas Paul BELORGEY est décédé le 7 août 1873 à 70 ans à l'hôpital Bichat. Veuf, il habitait au N°26 rue de Saintonge.