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dimanche 8 mai 2022

Vichy : étude Laurent, 7 mai 2022 : une vente d'instruments de musique pleine d'enseignements.

Encore une prestation à Vichy remarquable avec des instruments exceptionnels. Vichy est définitivement le lieu de rencontre des collectionneurs, amateurs, antiquaires, musiciens qui s'intéressent aux instruments anciens.

Des merveilles à portée de mains même si au niveau de l'acquisition cela se complique puisque les prix s'envolent pour le haut de gamme.  Quel plaisir de pouvoir toucher, photographier, observer, découvrir des instruments qui sont intouchables dans les musées et collections, de découvrir une nouvelle marque, un système inconnu....une découverte qui remet en question vos certitudes sur un facteur ou l'évolution d'un instrument.

Et puis bizarrement certains instruments  ne se vendent pas et  n'ont plus la cote. Achetez de la clarinette en ce moment, l'absence de grands collectionneurs affaibli le " marché ". De superbes modéles sont à portée de bourse pour quelques centaines d'euros.

Etienne et Guy LAURENT
Que vous soyez collectionneur international ou amateur débutant, il y en a pour toutes les bourses.

Lorsque que l'on résume les ventes de vichy on a plus tendance à parler des pièces exceptionnelles que des bonnes petites affaires et pourtant ce samedi il y en a eu comme cette clarinette de Dobner et Felklin à Strasbourg pour 450 euros au marteau, ce qui est vraiment raisonnable pour un instrument en parfait état du début du XIXème plutôt rare et bien conservé.

Clarinette Sib à 5+4 clés de Dobner et Felklin 
à Strasbourg
Mais à l'extrême, la vente du rarissime piano-forte de Johann Kilian MERCKEN a été très spectaculaire, avec une enchère de 100 000 euros qui adjuge le premier piano-forte français en forme de clavecin de 1768 à la somme record de 180000 euros. " un record ".
Cliquez : pour tout savoir sur ce piano-forte de Mercken

Mais si vous êtes fan d'Eric Clapton et que vous jouez le blues, vous pouviez acheter cette guitare électrique solidbody Gibson modèle Les Paul Deluxe gold top de 1969 pour 9000 euros sans les frais.
Mais vous préférez la musique écossaise alors pourquoi pas cet Uilleann pipes pour 5000 euros.

 


Du folklore oui mais français Monsieur !!!!
Alors choisissez cette merveilleuse vielle d'un luthier parisien d'origine Alsacienne : "Nicolas Melling était d’origine strasbourgeoise, était établi à Paris. Il s'était installé rue Froidmanteau ou Fromenteau attesté en 1750 et 1763, puis place du Louvre à l’enseigne « A la belle Vielleuse », rue des Orties, galerie du Louvre en 1771. Il se fit aussi une réputation dans la facture spéciale de vielles organisées ".

Vielle plate de N. Melling à Paris : 4600 euros sans les frais

Vous connaissez sans doute ce grand facteur du XVIIIème siècle : Charles Bizey qui publiait en 1749 dans le Mercure de France : " le sieur Bizey, inventeur de plusieurs instruments à vent, avertit qu'il travaille toujours avec succés et perfectionne plus que jamais ces sortes d'instruments. Comme il a été malade pendant quelque temps, les jaloux de cet Art ont publié méchament que le Sieur Bizey étoit estropié et même mort, ce qui est une fausseté. Cet artiste est en pleine vie et jouit d'une parfaite santé. Il a même depuis peu inventé des hautbois qui descendent  jusqu'au Gerésol, comme le violon. Il en a inventé aussi d'autres, qui sont a l'octave des Haut bois ordinaires, imitant parfaitement le Cor-de-Chasse. Il demeure toujours rue Dauphine à Paris".
Hautbois de Charles Bizey vers 1730 adjugé au marteau 22000 euros.
Une flûte à bec basse en Mib vers 1720 de I.G. Strehli en Allemagne adjugée pour 15000 euros sans les frais.

Du coté des flûtes traversiéres : une superbe flûte de Piering à Berlin vers 1820 pour 6500 euros.

Ou cette flûte en argent , embouchure en or de Th. Boehm et Mendler de Münich pour 5000 euros.

Et bien sur cette trés belle flûte de Claude Laurent en cristal, à une clé articulée, datée de 1812 pour 16000 euros.


Vous voulez jouer Brahms à la clarinette....mais pour cela il vous faut un set de clarinettes de Ottensteiner identique à celui que jouait Richard Mühlfeld le célèbre clarinettiste spécialiste de Brahms.
Trois clarinettes de Ottensteiner pour 20000 euros sans les frais.
Les hautbois ténor du XVIIIème sont rares, en voici un de  Andreas Kinigsperg de Roding pour 8000 euros hors frais.


Au niveau des hautbois ce baryton de Triebert pour 8500 HF
  
Ou ce magnifique hautbois de Porthaux à Paris de 1790 pour 6000 euros HF.


Et enfin pour les cuivres cette très rare trompette circulaire de Raoux ayant jouée à l'Opéra comique de Paris dés 1825.

Et bien d'autres instruments, tous intéressants .......




mercredi 13 septembre 2017

"La famille Kretzschmann de Strasbourg facteurs d'instruments de musique, à vent en cuivre". "The Kretzschmann family from Strasbourg, brass wind music instruments makers".

Karl Gottlob KRETZSCHMANN est né en Allemagne, à Markneukirchen (Saxe) le 19 avril 1777. Il était le fils du facteur Johann Gottfried KRETZSCHMANN de Markneukirchen et d’Eva Rosina GOETZ et appartenait à la célèbre famille du « Vogtland » qui a donné de nombreux facteurs d’instruments de musique. Il est arrivé vers 1809 à Strasbourg, sans doute accompagné d’un neveu, Charles Gottlob KRETZSCHMANN, facteur d’instruments, né à Neukirchen, décédé à 25 ans le14 juin 1813 à Strasbourg. Le père de ce neveu, Adam KRETZSCHMANN, était aussi facteur en Saxe.
Marque de Charles Kretzschmann.
Karl (Charles) Gottlob, qui avait francisé son prénom, épousa vers 1810 Suzanne ANNECKER (1790-1855), fille d’un boucher installé à Wasselonne en Alsace. Ils eurent quatre enfants dont les deux premiers  décédèrent en bas âge : Charles Gottlob (1812-1814) et Caroline (1813-1817).
Signature de Charles Kretzschmann père.
Le second  fils, Charles Auguste KRETZSCHMANN, né à Strasbourg le 16 octobre 1818 prendra la succession de la Maison en 1842 à la mort de son père. Quant à Frédérique Wilhelmine (Guillemette) KRETZSCHMANN, née le 23 décembre 1821 à Strasbourg, célibataire,  elle décédera le 12 septembre 1860 à Scharrachbergheim dans le Bas Rhin. Dès son arrivée à Strasbourg en 1809, Charles Kretzschmann père se déclara fabricant d’instruments à vent et s’établira au N° 5 de la rue Saint Hélène, adresse des Kretzschmann père et fils pendant toute leur activité. La fabrication de l’atelier comportait tous les instruments à vent en cuivre : cornets, trompettes, cors, trombones, ophicléides et utilisait exclusivement le système allemand de barillets rotatifs.
Pavillon d'un cor naturel de Charles KRETZSCHMANN père.
(Collection R. Charbit)
Même si la production de Charles Kretzschmann fût très influencée par la facture allemande, elle restera par sa diversité et sa créativité d’esprit français : les trompettes à clés, circulaires, demi-lune, les buccins, ophicléides  montrent que ce facteur de province était au niveau des meilleurs facteurs parisiens. A l’exception peut-être d’un ou deux facteurs lyonnais, aucun facteur de cuivres de province, ne produisait une telle variété d’instruments en ce début du XIXe siècle.
Petit cor de poste (Vente de Vichy juin 2006) 
 Grand bugle à 7 clés en Fa en forme de demi lune de Charles KRETZSCHMANN
à Strasbourg. (Collection Richard Charbit)
 

Trompette demi-lune (collection B. Kampmann)
Jean FINCK (1807-1858), autre facteur de cuivre installé à Strasbourg, a sans doute été formé dans l’atelier Kretzschmann, puisque il ne quitta pas Strasbourg et se déclarera tourneur de 1807 à 1817, puis seulement à partir de cette date, fabricant d’instruments à vent. Seul Kretzschmann avait la compétence à Strasbourg pour former un élève. La collaboration entre les différents facteurs strasbourgeois ne s’arrêtera pas là, comme le montrent ces deux cors naturels marqués « Bühner et Keller » et « Dobner », visiblement fabriqués par Kretzschmann.
Cor naturel de Bühner et Keller fait par Charles Kretzschmann (collection RP)

Cor naturel marqué Dobner à Strasbourg sans doute fabriqué
 par Kretzschmann (Collection Richard PICK)
A la mort de Charles Gottlob KRETZSCHMANN, le 18 février 1842 à Strasbourg, son fils unique Charles Auguste KRETZSCHMANN, âgé de 23 ans prit logiquement la suite de son père. Il devait avoir été formé très tôt dans l’affaire, puisque que dès 1844 il participa à l’Exposition de Paris, où il présenta des bugles à Cylindres, un bugle basse et un bombardon.
Signature de Charles Auguste Kretzschmann (1818-1888)

Cornet à pistons en ut/mi b (N° 625 de la collection Bruno KAMPMANN)
Il obtiendra le 1 mai 1850 un brevet de 15 ans N° 9850  « Améliorations et changements apportés au mécanisme des cylindres rodiques qui sont applicables à tous les instruments de musique tels que cornets, clairons etc…. » En fait C.A Kretzschmann était un partisan « du système à cylindres rodiques » auquel il trouvait de multiples avantages, dont celui de laisser passer l’air d’une façon plus naturelle et sans obstruction ; en revanche il voulait améliorer son inconvénient majeur, la fragilité et avait conçu un « couvercle manivelle»  qui fonctionnait sans friction. Selon Bruno KAMPMANN « ….l’idée est très proche de la walzenmaschine brevetée par CERVENY postérieurement en 1873. La particularité unique est que les ressorts de rappel sont inclus dans les barillets, et non situés dans un rotor extérieur ». Si vous voulez en savoir plus (et si vous parlez allemand) ce système est détaillé à la page  35 de l’ouvrage de Günter DULLAT « Metallblasinstrumentenbau ».
Trompette en sol à trois barillets et ton de sol, 
appliquant ce brevet, en particulier le couvercle manivelle
(N° 528 de la collection Bruno KAMPMANN)
Il récidivera en 1856 et obtiendra le 23 juin un brevet de 15 ans (N° 28038) pour la fabrication d’un « système de pistons à mouvement horizontal avec pression verticale, applicable à tous les instruments de musique en cuivre ».


















« Clairon chromatique baryton en si utilisant ce nouveau brevet » (Musée de la Musique à Paris) et schéma expliquant ce nouveau système  à pression verticale et mouvement horizontal. Günter DULLAT « Metallblasinstrumentenbau ».

A cette date, il faisait partie de la coalition des facteurs d’instruments qui luttera contre l’hégémonie du grand Adolphe SAX. Nous n’allons pas « répéter » ces procès fastidieux entre la coalition et le « pauvre Adolphe Sax martyr de tous ces cupides facteurs d’instruments », discours convenus et entretenus par des écrivains bien connus, comme Oscar Comettant et le Comte Ad de Pontécoulant, discours repris en cœur dans tous les documents publiés sur Sax, même actuellement ; ouvrages dans lesquels KRETSCHMANN est cité très rarement, sinon pour souligner « sa cupidité » et son « incompétence ».  Pourtant il existe un nombre impressionnant d’ouvrages reprenant l’ensemble des procès opposant Kretzschmann à Sax, disponibles à la Bibliothèque Nationale de France, montrant que le combat fût long, âpre et que l’issue ne fût pas si favorable pour Sax, puisque en appel, Kretzschmann fut condamné non pas pour contrefaçon, mais pour…recel de 4 instruments produits par Kretzschmann comme preuve d’antériorité au brevet Sax de 1845 et pour les avoir introduit en France. 
Le Grand Adolphe Sax.
Les procès entre A. Sax et C.A. Kretzschmann : procès longs et pas particulièrement flatteurs pour le "Grand Sax".


Reprenons les éléments essentiels de ces procès. Ch. A. KRETZSCHMANN fut d’abord cité comme témoin dans le procès qui opposa GAUTROT à SAX, mais son témoignage ne fût pas retenu. Aussi, lorsqu’il fut cité comme témoin dans le procès  qui opposa BESSON à SAX, il produisit trois instruments, fabriqués par son père (3 ophicléides altos à 3 pistons parallèles vendus en 1839 et 1841 dont les propriétaires étaient suisses, et vosgiens) et un quatrième, vendu par Kretzschmann fils en 1843 (ophicléide alto à trois pistons), fabriqué avant le brevet Sax du 13 octobre 1845, qui revendiquait l’invention :
« Des instruments ayant le pavillon en l’air et les pistons parallèles au tube de l’instrument ». 
Sax fait saisir ces quatre instruments, ainsi que les documents prouvant la vente à la date indiquée, pour contrefaçons. Comme il était difficile de contredire les dates, en particulier celles qui concernaient les instruments de Kretzschmann père décédé en 1842, le tribunal décida que les instruments auraient été modifiés après 1845 mais par qui ? Le tribunal n’osa accuser ni Besson, ni Kretzschmann, puisque les instruments étaient arrivés au tribunal dans des conditions particulières. Nous voudrions décrire avec quels soins les propriétaires avaient fait parvenir au tribunal les instruments, propriétaires qui c’étaient même déplacés durant les procès pour témoigner en faveur de Kretzschmann.
Prenons le cas de «  l’ophicléide alto à trois pistons parallèles, fabriqué par feu Mr KRETZSCHMANN père et vendu par lui le 19 octobre 1841 à Mr Louis Hoffmann-Vulliemoz à Lausanne, canton de Vaud (Suisse). Cet instrument a été produit en justice par son propriétaire actuel, Mr François Blanc, huissier à Lausanne, à l’appui de sa déposition du 30 juillet 1858. Pour établir l’origine et la date exacte de cet instrument, Mr KRETZSCHMANN fils avait produit :
·         Les livres de commerce de feu son père.
·         Les lettres relatives à cet instrument de Mr Louis Hoffmann-Vulliemoz.
·         Une déclaration notariée du 26 mai 1858 de MM Louis Hoffmann-Vulliemoz, François Blanc propriétaire de l’instrument, David Thuillard, Philippe Pflüger, Frédéric Allamand, Jacques Lauffen, Jacques Hoffman, Henri Blanc.
Les signataires de cet acte ont déclaré « qu’étant tous membres du corps de musique militaire de Lausanne, dirigé par le lieutenant Hoffman, ils ont vu cet instrument dans leur musique dès l’année 1841. Cet instrument alors nouveau pour eux, fut de leur part l’objet d’un examen particulier et leur a laissé un souvenir parfaitement distinct, notamment par la position des pistons placés tous trois ensemble dans la même direction parallèle au tube du pavillon ». Ledit instrument reconnu cacheté par un notaire ». (5)
Le même traitement étant fait pour les trois autres instruments, il faut croire que Mrs Kretzschmann et Besson bénéficiaient d’un solide réseau de « complices », puisque le 19 juin 1862 ils étaient accusés « non pas d’avoir contrefait les quatre instruments, mais de les avoir introduits en France et recélés, sachant qu’ils étaient contrefaits ». (5)
On comprend mieux, pourquoi Constant PIERRE fut aussi sévère avec A. SAX  dans son ouvrage « Les facteurs d’instruments de musique ».
« A. SAX déposa de nouveau son bilan en 1873, après une période particulièrement brillante, pendant laquelle il avait certainement vendu beaucoup d’instruments, reçu plus de 500 000 frs d’indemnité du procès Gautrot, encaissé nombre de primes des facteurs qui avaient sa licence pour faire des instruments imposés sous son nom dans l’armée. Comment donc s’il n’y eut des dépenses excessives, des remises exagérées, des frais de publicité énormes, des panégyristes largement rémunérés, s’expliquer un tel désastre. Avec le nouveau régime, Ad. SAX ne retrouva pas l’appui que lui avaient prêté les fonctionnaires de l’Empire, la lutte redevint égale et toute pression officielle cessant, les facteurs purent écouler les instruments de leurs systèmes, sans être contraints comme auparavant, de se borner à la confection des types réglementaires imposés et dénommés à l’instigation d’Ad. SAX ». (7)
Quant à Ch. A. KRETZSCHMANN, il se retira des affaires vers 1860 : « Mr KRETZSCHMANN s’est retiré des affaires ; mis en possession par son père d’une fortune relativement considérable, augmentée encore par sa propre industrie et suffisante aux besoins de son existence ». (5)

On remarque également que son brevet de 1856 : « nouveau système à pression verticale et mouvement horizontal » avait pour but de répondre au brevet SAX de 1845, même s’il ne rencontra pas un franc succès.
Il se retira à Scharrachbergheim, petite commune du Bas Rhin de 1000 habitants, située à 21 kms de Strasbourg. C’est là qu’il décédera le 12 octobre 1888 à l’âge de 70 ans, sans descendance. (*)
C’est Achille (François Pascal) GALLICE qui prendra la succession de la Maison KRETZSCHMANN dans les années 1860. Achille GALLICE était né à Briançon le 5 décembre 1832, il était le fils de Pascal GALLICE ébéniste à Lyon. Avant son installation rue des Frères, il devait travailler pour Jean Chrétien ROTH (Successeur de Dobner et de la Maison Bühner et Keller), puisque lors de son mariage le 19 juillet 1856 à Strasbourg avec Pauline SCHATZ, fille d’un brossier de Strasbourg, « J.C. ROTH, 40 ans facteur d’instruments et Jacques ROTH, 33 ans amis de la famille » en furent les témoins.

Achille GALLICE exerça son métier de « facteur d’instruments en bois et en cuivre » de 1867 à 1886 à la même adresse, 14 rue des Frères qui deviendra en 1880 la « Brüderhofgasse ».

Bibliographie :

(1) : Comte Ad de Pontécoulant : Organographie. Essai sur la facture instrumentale. Art, Industrie et commerce. Paris 1861.
(2) : Oscar Comettant : Histoire d’un inventeur au XIX° siècle. Adolphe Sax, ses ouvrages et ses luttes. Paris 1860.
(3) : Malou Haine : Adolphe Sax (1814-1894) Bruxelles.
(4) : Jean Pierre Rorive : Adolphe Sax (1814-1894), Inventeur de génie. Edition Racine.
(5) : Cour de Cassation. Mémoire ampliatif pour Mr Ch. A. Kretzschmann contre M. A. Sax. 1863 chez
Silbermann.
(6) : Cour de Cassation, chambre criminelle : Besson, Kretzschmann contre Sax : BNF 4 FM 16527.
(7) : Constant Pierre. Les facteurs d’instruments de musique. Paris 1893.
·         Larigot : Catalogues de la collection de Bruno Kampmann.
·         Site de Richard Charbit : http://www.orpheemusic.com.
·         Anthony Baines: Brass Instruments. Their History and Development.
·         Waterhouse William: “The New Langwill Index. A dictionary of Musical Wind Instrument Makers and Inventors”.
·         Archives départementales du Bas Rhin à Strasbourg. Etat civil, recensements, annuaires, almanachs.
·         Günter DULLAT « Metallblasinstrumentenbau ».
·         Enrico WELLER « Der Blasintrumentenbau in Vogtland von den Anfängen bis zum Beginn des 20
Jahrhunderts ».
·         Site de Richard Pick : http://www.pick-et-boch.com/

·         Brevets : Archives de l’INPI : 26 bis rue de Saint Petersbourg, Paris 75008.

lundi 18 janvier 2016

"Organisation des métiers du bois notamment des facteurs d’instruments de musique au XVIII et XIXème siècle". "Organization of the wood crafts, in particular the woodwind musical instruments makers in the 18th and 19th centuries".


par José-Daniel TOUROUDE

Q : quand on admire votre collection, vous faites souvent référence à des facteurs compagnons et maîtres, à une certaine noblesse de la facture des métiers du bois et avec votre ami René Pierre dans votre blog, vous recherchez et redonnez vie à ces illustres inconnus qui ont été oubliés, à part le monde des collectionneurs. De quand date l’organisation de ces métiers ? c’est très ancien.

JDT : Oui et la première preuve écrite existe déjà en 1268 dans « le livre des métiers » d’Etienne Boileau qui recensait 121 métiers organisés en corporations dont celui des tourneurs sur bois.  Souvent encore au XVIIIème siècle on identifiait le facteur comme tourneur sur bois car il faisait aussi bien des pieds de chaises, des bondes de tonneaux de vin que des flûtes ! Puis vint la corporation des joueurs de musique en 1321, reconnaissance du statut de musicien professionnel. Plus tard en 1599 naissait la corporation des faiseurs d’instruments de musique ou luthiers. En effet les musiciens fabriquaient le plus souvent leurs instruments à l’époque. L’école allemande prônait encore il y a peu de temps que le clarinettiste devait savoir fabriquer ses anches, changer les tampons et lièges, démonter son instrument. Les instruments devenant plus complexes et artistiques, seuls des professionnels pourront les fabriquer. 
Atelier du tourneur sur bois. (Encyclopédie de Diderot et d'Alembert.
Pouvez  vous me  préciser le cadre historique et organisationnel de ces métiers à l’origine ?

Beaucoup de métiers dont celui du bois étaient organisés en corps ou corporations permettant le regroupement de tous les membres d’un même métier avec 3 niveaux  et des mots - clés attachés à ces dénominations : l’apprenti apprenait (pendant plusieurs années durement son métier et faisait les tâches rebutantes) puis le compagnon fabriquait (ouvrier qualifié voire hautement qualifié lié à l’image souvent du tour de France) puis le maître dirigeait (patron de l’atelier souvent respecté, ayant fait un chef d’œuvre, détenteur de l’estampille, organisateur de la profession). Ces corporations, personnes morales, avaient un grand pouvoir et étaient soient des jurandes reconnues par le pouvoir royal (exemple à  Paris), soient  des corporations réglées par les municipalités (exemple à Lyon). Les guildes corporatives en Allemagne et dans l’Est étaient aussi des corporations ou des jurandes (dont les représentants se nommaient jurés). 

Mais quels étaient leurs objectifs ?

Leurs objectifs étaient de s’entraider, former des professionnels mais aussi défendre leurs intérêts (tendant parfois vers un monopole), de contrôler le marché du travail de fixer les prix, et exercer un contrôle de la qualité voire du marché, organiser et discipliner la profession avec des usages codifiés, des rituels, des règlements, des contraintes toujours plus complexes. Elles étaient dirigées collégialement par les maîtres et patrons d’ateliers qui élisaient leurs chefs et représentants. Ils fixaient les formes, les styles et les modes, les techniques et devenaient de plus en plus conservateurs mais reproduisaient parfaitement ce qu’ils avaient fixés. Il était fondamental pour travailler d’être accepté par ses pairs donc suivre les usages codifiés et la hiérarchie de la communauté, être un professionnel reconnu, avoir une éthique adéquate de l’amour du travail bien fait, des capitaux nécessaires pour payer les taxes importantes (source importante pour le pouvoir) et pour monter un atelier et régaler ses pairs. Depuis Henri IV s’installer dans les ateliers royaux du Louvre ou à l’Arsenal, était la consécration des meilleurs maîtres. Or les migrations européennes continues attirées par la France, pays riche et important, aspirateur de talents vont entraîner de nouvelles techniques et idées, de nouveaux savoir-faire (après la renaissance italienne, notamment les tourneurs sur bois flamands et allemands). Ceux qui n’étaient pas acceptés par leurs pairs organisés (souvent des étrangers ou des provinciaux (ex : les lorrains meurtris par les guerres) devenaient ouvriers libres, protégés par d’autres puissances mais à la périphérie des villes . Ainsi à Paris, ils s’installèrent dans les villages avoisinants c’est à dire les faubourgs (exemple les métiers du bois regroupés au Faubourg Saint Antoine par l’abbaye) ou la cour du temple ou l’enclos de St Germain des près, les faubourgs St Marcel et St Jacques… Et ces ouvriers en marge dans ces lieux privilégiés n’avaient pas toujours bonne réputation, étant sans cesse critiqués par les jurandes et corporations officielles auprès des autorités, garant de la réputation et du contrôle des métiers.
 
Le livre de François Icher sur les compagnons.
Il est vrai que le travail était assez aléatoire, sensibles aux périodes d’inactivité et aux troubles politiques, ou aux euphories après guerres avec des commandes importantes. Il était difficile de réguler le marché du travail. D’où les combats parfois meurtriers et les villes réservées entre compagnons faisant leur tour de France entre dévorants catholiques et gavots protestants, entre compagnons fixes et compagnons itinérants, entre les corporations officielles et les ouvriers libres des lieux privilégiés mais aussi entre les métiers et les chantiers à réaliser… les libertés d’exercer et de circuler n’existaient pas beaucoup sous l’ancien régime et il fallait trouver une protection (corporation, maître réputé, noble ou religieux puissants, entraide compagnonnique, recommandations diverses...)
Scène de rixe sur le diplôme de Languedoc le victorieux,
compagnon charron du S
t Devoir de Dieu et de Ste Catherine
 reçu à Nantes le 6 avril 1828. Collection privée.
La promotion était-elle fondée exclusivement sur le talent ?

Oui au début et c’est l’image véhiculée mais en fait des stratégies complémentaires à la méritocratie vont apparaître rapidement. D’abord chaque métier vivait dans un monde assez fermé avec ses valeurs, son langage, ses quartiers, ses outils, sa solidarité : on se côtoyait, on vivait ensemble, on se copiait, s’aimait, se jalousait dans une communauté étroite et on se mariait entre soi. (exemple des mariages croisés entre les familles de facteurs à la Couture-Boussey). Les apprentis et compagnons couchaient souvent chez le maître ou à côté et cette promiscuité resserrait les liens. Ainsi la plupart du temps le compagnon talentueux, devenant chef d’atelier épousait la fille du maître pour prendre la suite ou souvent la veuve du maître afin de continuer l’atelier et devenir maître à son tour et quand la veuve mourrait, il reprenait une autre femme jeune qui vivait entouré de jeunes compagnons qui remplaceraient le maître etc….  donc méritocratie assurément mais pas seulement . Ce qui importait c’était de continuer l’atelier (comme les paysans leur exploitation). Cette promotion sociale et l’accès à la maîtrise était courant car s’installer était vraiment difficile. Alors les compagnons en faisant leur tour de France multipliaient les chances de trouver maître, atelier et femme qui convenaient à leurs ambitions…Bien sûr quand le maître avait un fils talentueux, il reprenait l’atelier (et certains en adoptait un pour éviter les taxes). Mais la maîtrise qui est l’apogée d’un savoir-faire devint aussi un statut de patron de plus en plus héréditaire bloquant l’ascenseur social du compagnon qui, faute d’argent, ne pouvait pas s’installer. La concurrence et la liberté de s’installer étaient alors entravées. Les jurandes vont empêcher ainsi certains de prospérer fixant le nombre d’apprentis et de compagnons par atelier. Quand le maître était reconnu, il devenait bourgeois et ses enfants scolarisés pouvaient changer de classes sociales. Beaucoup d’inventaires après décès montrent que certains compagnons pauvres avaient fini dans l’aisance et la reconnaissance.
Roth successeur de Dobner à Strasbourg
vers 1844


Dès le XVème siècle pour limiter l’accession à la maîtrise, afin que leurs compagnons ne deviennent des Maîtres donc des concurrents, les corporations augmentèrent le nombre d’années de travail de compagnons chez un patron, demandèrent la réalisation d’un chef d’œuvre accepté par les pairs, de payer des banquets coûteux ... A la mort du Maître, il y avait donc : un atelier connu, des compagnons et apprentis, des commandes à réaliser, des outils (les outils pratiquement sacrés souvent gravés étaient donnés aux successeurs méritants) et surtout une réputation à continuer et pour cela la marque était essentielle pour la veuve. La loi permettait aux veuves de Maîtres d’exploiter la marque de feu leur mari et certaines estampilles étaient réputées. Mais comme toute entreprise familiale basée sur la technicité, il fallait à la fois un nouveau patron reconnu pour son expertise dans le métier mais aussi pour son esprit d’entreprise et accepté par la veuve !  et c’était quand même rare. C’est ainsi que parfois, bien après le décès d’un facteur, la veuve et ses compagnons continuaient à fabriquer des instruments sous l’estampille du Maître décédé depuis longtemps ! (ce fait donne des discussions passionnées sur les datations possibles entre collectionneurs d’instruments).
La veuve de Sautermeister épouse son neveu  Louis Müller.
et

Si un compagnon devenait le nouveau maître, il avait vite envie et l’ambition de marquer sa trace avec sa propre estampille en accolant son nom à celui de son maître ou en mettant successeur de …, voire en mettant seulement le sien s’il était déjà connu dans un marché régional. Souvent aussi faute de successeur, l’atelier fermait, le métier demandant des dons certains et n’étant pas si lucratif (sauf pour quelques uns réputés). Il y aussi a contrario de véritables dynasties (ex : Thibouville, Noblet …) où on faisait le même métier pendant plusieurs générations .
Marque de Martin Thibouville père et
 Martin Thibouville fils.
Mais certains pouvaient s’échapper des contraintes et autorités des corporations ? Ce protectionnisme était de garantir le travail et les privilèges aux français  air connu  non ?

En effet, être exclu de votre corporation ne rendait pas la vie facile, ni l’accession aux chantiers et aux commandes. Dès 1471 une ordonnance de louis XI permet aux métiers du bois de vivre libres par exemple sur le territoire de l’abbaye St Antoine sans s’affilier aux jurandes et corporations régissant les métiers du bois, ce qui permit de suite la naissance d’un noyau d’ouvriers talentueux mais aussi une lutte permanente entre corporations ou jurandes conservatrices et ouvriers libres créatifs pendant 3 siècles, l’abbaye attirant les meilleurs des métiers du bois étrangers et français (cf le livre de J. Diwo « les dames du faubourg »). Les corporations luttaient sans cesse pour maintenir leurs privilèges voire leurs monopoles d’une part contre d’autres corporations pour protéger les limites de leurs compétences souvent empiétées. Mais elles luttaient d’autre part contre les ouvriers libres étrangers et talentueux pour les métiers du bois qui par vagues venaient bouleverser le métier par d’autres techniques et prendre les marchés. Les maîtres des corporations luttaient aussi à l’interne contre les compagnons qui voulaient accéder à la maîtrise donc s’installer en concurrents et qui étaient freinés par des usages tatillons et des barrières d’entrées financières les excluant. Beaucoup d’ouvriers libres des métiers du bois étaient allemands ou de l’Est de la France et étaient luthériens. Être à la fois concurrents et hérétiques créent toujours un mélange explosif. Malgré cela il y eut pendant des siècles une arrivée permanente d’étrangers (hollandais, mais surtout allemands après la guerre de 30 ans…émigration de qualité vivifiant l’artisanat du bois, donnant à la France des grands ébénistes et menuisiers du roi et des puissants (Habermann, Oppenhoort, Oeben, Riesener…) et des grands facteurs d’instruments (pour la clarinette : Amlingue, Geist, Winnen, Baumann, Mousseter, Keller….)

Estampille de Jean Henri Riesener (1734-1806)
Commode Riesener
L’aventure des instruments à vent va alors se développer, la clarinette est née en Allemagne vers 1700 et l’estampille va devenir fondamentale mais de quand date cette idée de marquer au fer un objet en bois ?

En 1467 une lettre patente demandait qu’une estampille soit marquée au fer chaud sur les meubles pour authentifier l’origine et leur qualité sous l’égide des corporations mais elle fut peu appliquée. En 1751 un Édit royal rend obligatoire l’estampille de maîtrise. C’est une offensive des jurandes : l’Estampille est réservée aux maîtres donc soumis aux règles des jurandes et corporations. Ce marqueur social et de prestige permet aux Maîtres qui ont ce sésame d’avoir recours à la sous-traitance des compagnons d’autres ateliers et surtout de se différencier des ateliers considérés comme inférieurs en qualité car anonymes. Entravant la créativité et la liberté et figeant les métiers, les corporations seront supprimées avec la loi le chapelier en 1791. Pendant tout le XIXème siècle, les corporations étant abolies, les compagnons auront la liberté de s’installer et les estampilles si convoitées et qui étaient un privilège visible interdit à la majorité vont se généraliser. Il y aura alors une véritable éclosion d’estampilles de toutes sortes et comme ce sera l’époque des instruments à vent, beaucoup d’instruments auront des marques variées et pas toujours évidentes à décrypter. 
Loi le Chapelier de 1791 supprimant les corporations.

Mais pour les meubles comme pour les instruments de musique, il y a bien de différences entre celui qui signe et celui qui fait ! mais la recherche de l’estampille demeure quand même le moteur de tout collectionneur…  La révolution industrielle en France en ce début du XIXème siècle va bouleverser tous les métiers du bois et les artisans vont utiliser d’autres outils, faire d’autres instruments et pour certains devenir de véritables entrepreneurs industriels (Gautrot, Thibouville.. Graves aux USA, les facteurs de Markneukirchen en Allemagne  …). Puis la grande époque des instruments à vent et notamment de la clarinette est liée aux armées napoléoniennes, et à la révolution industrielle qui modifie le travail de l’artisan par des outils mécaniques, donc à une augmentation considérable de productivité réalisant ainsi des flûtes et clarinettes par milliers et à prix réduit donc rendant ces instruments accessibles et donc populaires.
Bien sûr il y a toujours même actuellement une part de travail à la main mais de plus en plus réduite.

Après cette mise en perspective historique approfondissons maintenant la vie d’un apprenti et d’un compagnon faisant son tour de France au XIXème siècle puisque l’essentiel s’est déroulé dans ce siècle pour les instruments à vent. Nous avons des mémoires entre autres de celui d’un facteur Jean Daniel HOLTZAPFFEL. Ce sera l’objet d’un autre article.

A suivre......