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dimanche 3 avril 2016

"Les Schemmel facteurs de clarinettes à Vienne au XIXème siècle"."Schemmel family, makers of clarinets in Vienna in the XIXth century".

Par José Daniel TOUROUDE;

En revenant d’une master class à Salzbourg et étant à Vienne, j’ai eu le coup de foudre pour une clarinette en buis à 12 clés en laiton chez un antiquaire. Je ne m’étais guère intéressé aux clarinettes anciennes mais celle ci a été le déclencheur d’une collection de clarinettes anciennes (avant le système Boehm). Dépassant la centaine de clarinettes anciennes actuellement, je me dois de faire un article sur la première qui a pour tout collectionneur une importance décisive (cf articles sur psychologie du collectionneur : Cliquez sur ce lien pour voir l'article.) et qui trône toujours dans ma chambre depuis près de 30 ans…  Replongeons dans le passé à Vienne.
Vienne en 1609.

Rappel du contexte historique :
Après les guerres et l’occupation napoléonienne, après le congrès de Vienne réformant l’Europe, après la restauration de la monarchie absolue et policière de Metternich, Vienne va connaître un boom démographique (1 million d’habitant en 1890), industriel et culturel.
Vienne une des trois capitales de l’empire autrichien (avec Prague et Budapest) va être remodelé (modification de l’architecture et de modernisation de la ville en profondeur (gaz, électricité, canalisation du Danube, chemin de fer…) (Paris fera de même avec Haussmann)
Vienne comme d’autres capitales européennes (notamment Londres et Paris) connaîtra à la fois un exode rural et une exploitation des classes laborieuses venant de l’empire (misère et insalubrité, épidémie de choléra, révolution ouvrière réprimée de 1848…) mais aussi l’époque de la bourgeoisie montante dite « Biedermeier » qui donnera une aura particulière à Vienne, devenue une des grandes capitales du monde avec l'exposition universelle de 1873.
La sérénité d'une grande famille à l'époque Biedermeir.

L’époque du Biedermeier :
Biedermeier (de Bieder : gentil, inoffensif et Meier patronyme très répandu) est un personnage imaginaire qui est un archétype, un exemple à suivre pour les classes moyennes : un bourgeois, aisé, ou aspirant à l’être, privilégiant les valeurs de famille, à la maison douillette aux papiers peints de fleurs, avec des meubles clairs, proche de la nature avec des aquariums et cages à oiseaux, des vases de fleurs, voire un jardin d’hiver, des tableaux sereins de Waldmüller aux murs, des couleurs pastel, où dans le salon voire une salle de musique on joue entre soi Mozart, Schubert … Puis il y a les sorties à l’église ou à la synagogue (forte communauté juive), au théâtre, à l’opéra et surtout les salles de danses avec les polkas et les valses viennoises… avant de déguster des viennoiseries et pâtisseries raffinées où on fait des promenades dans les parcs habillés selon la dernière mode …
Cet idéal conservateur, d’une vie aux bonheurs simples et raffinés, d’une courtoisie et gentillesse avec les autres (de la bourgeoisie), doit goûter aux plaisirs de la vie à condition que cela soit surtout sans excès. Cette petite et moyenne bourgeoisie d’affaires lié au boom industriel et financier se démarque de l’aristocratie arrogante et du peuple miséreux mais s’enrichit aussi en spéculant jusqu’au krach de 1873. Biedermeier est un art de vivre à la viennoise et cette image demeure actuellement dans l’inconscient collectif mondial et donc comme produit touristique nostalgique toujours abondamment vendu. 
Wer nicht liebt Wein, Weib u. Gesang / Bleibt ein Narr sein Leben lang.“
Cette idéologie lénifiante, apolitique et conservatrice du bien vivre sans excès doit faire face aux luttes sociales révolutionnaires du voisin français (1830, 1848, la commune), aux peuples de l’empire austro-hongrois qui cherchent à s’émanciper, aux luttes sociales internes à l’empire, aux appétits expansionnistes du voisin prussien, à l’empire ottoman décadent mais toujours aux portes… mais aussi une nouvelle idéologie culturelle qui déferle en Europe : le romantisme. Celui ci veut exacerber les passions et l’individualité et révolutionner les conventions, les traditions, le politiquement correct du Biedermeier, (un dicton populaire n'est-il pas : Wien, Weib, Wein und Gesang, "Vienne, des femmes, du vin (ou de la bière), des chansons !"), mais Vienne, malgré ces romantiques turbulents, privilégiera la valse et son art de vivre Biedermeier. 

Vienne une des capitales mondiales de la musique :
La musique à Vienne est omniprésente car l’empereur Joseph II en 1782 fonde une excellente harmonie d’instruments à vent (déjà existante à Mannheim, ce qui avait subjugué Mozart et le rendit amoureux de la clarinette : cf lettre à son père).
Tous les courtisans vont imiter l’empereur et se doter d’un orchestre à vent de qualité pour redorer leurs images en multipliant les concerts en plein air, des divertissements mais aussi en fond musical pendant les repas… la musique est donc incontournable et devient un message soit pour une personne (sérénade) soit pour des invités que l’on veut distraire (Don Juan dans l’opéra de Mozart divertit ses invités par une harmonie d’instruments à vent), soit plaire au public en le régalant des airs à la mode, des arrangements d’extraits d’opéras, des transcription de chansons (kiosques), soit montrer la qualité de son régiment par la musique militaire et les uniformes chatoyants (défilés), soit danser pour séduire …
Souvent l’orchestre est un quatuor (hautbois, clarinette, basson, cor) ou un octuor en doublant chaque instrument. Les plus grands musiciens (Haydn, Mozart, Beethoven, Schubert, Krommer, Rosetti…) ont composé ces musiques divertissantes à la mode élargissant ainsi leur public.  

Statut de Johann Strauss à Vienne.
La vie de musicien évolue:
Avant Mozart, le musicien était un domestique, un employé servile au service d’un aristocrate puissant (parfois bienveillant comme pour Haydn, parfois humiliant comme pour Mozart, parfois bizarre comme pour Farinelli qui devait chanter la nuit pour calmer les insomnies du roi d’Espagne ! Avec Mozart puis Beethoven le musicien se libère et change de statut. Mais la liberté se paie cher car il doit gagner sa vie grâce à son talent, séduire une salle et non un puissant. Ainsi le musicien n’est plus pensionné et assisté mais doit remplir les salles avec des auditeurs payants. Il doit donc faire des compromis avec les organisateurs de spectacles, avec les publics, il doit se vendre et se faire connaître d’où avoir recours à la virtuosité pour éblouir, (Paganini, Beethoven, Liszt, Crusell à la clarinette…), courir les contrats, trouver des mécènes admiratifs de leurs talents (Wagner avec le roi Louis II de Bavière), des entrepreneurs qui risquent et parient sur une musique ou un musicien… Liszt écrivait «les artistes dans leur existence matérielle sont à la merci du premier venu» c’est à dire d’un public peu formé mais aussi d’organisateurs qui cherchent à faire un profit avec du spectacle. Certains changent de maîtres en quittant les châteaux, les lubies et le bon plaisir du prince pour se lier parfois à vie avec des institutions comme musiciens permanents (opéras, orchestres symphoniques, théâtres, harmonies militaires …). Tous ne peuvent convaincre et se faire reconnaître voire se faire aduler par un public important et l’image du musicien artiste bohème (région d’Autriche !) devient vite connoté péjorativement, n’ayant pas de revenus réguliers et suffisants (déjà intermittents) voire même de saltimbanque ! De plus beaucoup de classes aisées «biedermeier» font de la musique pour leur plaisir (musique de chambre élitiste à la Schubert) et deviennent exigeants poussant le musicien professionnel à progresser.

Vienne est une ville artistique et cosmopolite notamment par la musique qui va rayonner à travers le monde : Mahler dirige l’opéra, Bruckner compose, Brahms dirige le Wiener Singverein… Les compositeurs doivent faire évoluer leur art (Wagner), soit créer de la musique légère accessible (faire des tubes rentables mais de qualité) comme les Strauss, Offenbach, Von Suppé… en mettant leur talent dans la mode des opérettes (comme la chauve souris de Strauss fils) mais surtout de la valse ! Lehar, Lanner, Strauss père et fils en rivalité…
La consécration de J. Strauss fils, riche et adulé, composant et jouant sans cesse jusqu’à mourir d’épuisement en 1899 et mobilisant ses frères (Edouard exploité et jaloux brûlera tous les manuscrits des Strauss à la mort de son frère honni). Cependant certaines mélodies répandues demeurent néanmoins 150 ans après au répertoire, réactivées en permanence à Vienne, qui en fait son fonds de commerce pour le concert du nouvel an et dans les bals guindés à la Sissi pour les nostalgiques de l’époque biedermeier organisés pour les touristes…Et pourtant Vienne, malgré son conservatisme, restera ensuite un pole d’attraction mondial pour les meilleurs dans les arts (Klimt en peinture, école dodécaphonique avec Schönberg, Berg, Webern dite école de Vienne) mais aussi pour d’autres disciplines (Freud et la psychanalyse etc...)



Schemmel et la facture viennoise :
La musique est donc omniprésente dans les orchestres de  musique classique, la musique militaire, les concerts dans les kiosques, les bals, les orchestres de rue hongrois, la musique juive, la musique de chambre et tout cela entraîne un nombre élevé de musiciens et donc de réparateurs et de facteurs d’instruments notamment à vent à Vienne mais aussi à Graslitz, à Prague… 
Marque Schemel.
Parmi les grands facteurs de Vienne, il y a Martin Schemmel (le père) et Edouard (le fils).
Les Schemmel furent parmi les plus appréciés de la facture autrichienne. Martin s’installe à Vienne et produit de 1831 à 1866 des clarinettes de 5 à 13 clés. Martin Schemmel est consacré à l’exposition de Vienne en 1845. Puis il forme et travaille avec son fils Edouard à partir de 1853 qui prendra la relève jusqu'en 1890. Ils garderont la même estampille. (Il faut noter que le nom indiqué Schemel avec un trait horizontal sur le m est une astuce pour doubler le m en Schemmel.)

Clarinette 12 clés de Schemmel ayant appartenu à Georg Dänzer.
 (Collection José Daniel Touroude)

J’ai dans ma collection trois clarinettes Schemmel (deux de Martin à 5 clés) plus celle qui a motivé cet article qui est une magnifique 12 clés qui est particulière. En effet, elle a appartenu à un clarinettiste réputé nommé Georg Dänzer, musicien ponctuel de l'orchestre de Johann Strauss fils et clarinettiste du Schrammeln quartet (avec les fameux Joseph et Johann Schrammel et Anton Strohmayer à la basse). 
Les Schrammel sont connus dans la musique viennoise vers les années 1880 en créant valses, marches, polkas, opérettes au même titre que Lehar, Strauss, Lanner... On joue parfois encore à Vienne du Schrammel… nostalgie oblige !
Schrammel Quartett avec Georg Dänzer à la petite clarinette.

Dänzer a eu son moment de célébrité en jouant dans l'aigu avec une petite clarinette en La b « Picksia Bes hölzl» (cf article de Peter Havlicek du Wiener extrablatt du 7 octobre 1883). Cette clarinette en Ut est restée près d'un siècle dans une malle bien enveloppée et conservée. Cette clarinette a été achetée en 1988 à Vienne chez un antiquaire M. Birchsbaum qui vendait la succession et les souvenirs de la famille Dänzer. 

Clarinettes Schemmel, à gauche La b (Vichy 2010) et à droire Sol aigu
 (Collection Shackleton)

Les Schemmel sont très recherchées : quelques  clarinettes de Schemmel célèbres :
La b (vendue à vichy), les Schemmel de Shackleton au musée d’Edimbourg, la curieuse Schemmel métal de Leipzig.


Musique traditionnelle viennoise.
Philharmonia Schrammeln.
Clarinette à 10 clés en métal de Schemmel.
(Musée de Leipzig) 
Clarinette 5 clès de Schemmel. (Collection Shakleton)
Schemmel en Si b et son corps de rechange en La.
(Collection Shackleton)




mardi 22 mars 2016

"Jean Baptiste ROCHE facteur d'instruments de musique à vent et marchand à Paris". "Jean Baptiste ROCHE woodwind musical instruments maker and trader in Paris".

Un nouveau facteur d'instruments à vent dont on connaît quelques instruments mais dont on ne sait pas grand chose.
Marque "ROCHE" d'une flûte. (2007 eBay)
Voici l'introduction de l'annonce de la vente en 1813 de son fonds de commerce : "...le fonds de commerce tenu pendant vingt ans par Mr Roché connu dans le commerce sous le nom de "ROCHE" (sans accent) et justement renommé pour la fabrication des instruments à vent dont il fournissoit avant la maladie dont il est mort, la majeure partie de la garde Impériale". (1)
Flûte à deux clés de ROCHE. (2007 eBay)
Jean Baptiste Roché dit ROCHE est sans doute né à Orléans (où sont nés ses deux frères) vers 1760. Son père était Alexis Rocher et avait deux frères tous les deux architectes. Le premier Honoré Jacques Roché était né à Orléans vers 1755 et était arrivé à Paris en 1787 venant d'Orléans. C'est lui qui sera tuteur des enfants de Jean Baptiste Roché à sa mort en 1812. Le second Jacques Roché né en 1758 et mort le 5 septembre 1807 à Orléans ; son héritage de 3000 frs a permis à la famille ROCHE de vivre pendant les deux années de maladie de Jean Baptiste. (2)
Les deux clés de la flûte.
Arrivé à Paris vers 1782, on ne sait s'il était tourneur et chez qui il se forma. Mais il épousa le 10 avril 1793 à Paris Marie Victorine Sophie DUPUIS et aurons trois enfants nés à Paris : Marie Sophie Emélie Roché née le 10 août 1796, Adolphe Louis Jean Roché né le 3 octobre 1799, Thérése Joséphine Clara Roché née le 28 novembre 1803.
Clarinette à 5 clés de ROCHE (Musée d'Edimbourg)
Il est d'abord installé au N°334 rue de Malte (1802), au passage du Carrousel aux Tuileries (1803), N°2 rue de Malte aux Tuileries (1808), et N°6 cour des Fontaines (1812).(3) C'est à cette dernière adresse qu'il décède le 28 novembre 1812 d'une longue maladie. A cette date il habitait en location une maison comportant une cuisine donnant sur la rue, une salle à manger donnant sur la cour, une chambre des parents donnant sur la rue, une chambre d'enfants au dessus de la cuisine, une chambre d'enfants en sous pente et l'atelier communicant avec la chambre des parents. 
L'inventaire après décès réalisé par Maître Camusat notaire à Paris le 10 décembre 1812, donne des informations très intéressantes sur son activité.
Clarinette à 6 clés Sib et son
ton de rechange en La.
(Ancienne collection
Schackleton)
Le commissaire priseur réalisant cet inventaire s'était adjoint d'un expert Pierre JOUVE, marchand patenté pour l'an 1812 , au Palais royal, galerie du Perron N°96.
Marque de Pierre JOUVE sur un flageolet
du Musée de la Musique de La Villette.
Pierre Jouve était Marchand et Éditeur de Musique : 1820 annonce du Bottin "HENTZ-JOUVE, flûtes, clarinettes, bassons etc...tient aussi un assortiment d'instruments à cordes et tout ce qui concerne la musique militaire, dépôt de cordes de Naples, Palais Royal N°96 galerie de pierre".
Signature de Pierre Jouve en 1812.
Dans cette première partie de l'inventaire sont répertoriés les outils et le stock de bois. On peut supposer que Jean Baptiste Roché travaillait seul dans l'atelier (mais cet inventaire a été effectué après qu'il soit malade donc s'il travaillait avec un ouvrier celui-ci devait avoir quitté l'atelier). Outre l'intérêt des outils utilisés pour la fabrication des instruments (Tour en l'air, 46 perces....), les stocks et les prix de bois donnent une idée de la valeur des instruments : en "grenadine" (grenadille) 10 frs le kg, en ébène 3 frs le kg, 1 frs 50 en buis.
Partie de l'inventaire concernant les instruments à cordes.
Cette deuxième partie de l'inventaire concerne les instruments à cordes qu'il revendait dans son magasin. Cette partie ne sera pas comprise (vendue à part) dans la vente du fonds de commerce. On note le terme instrument de "Hazard", c'est à dire des instruments d'occasions ou usagés qu'il devait sans doute reprendre pour en vendre des neufs. Les instruments neufs proposés par ROCHE devaient provenir de Mirecourt et plus précisément de Nicolas AUDINOT marchand d'instruments de musique de Saint Ouen les Parey dans les Vosges prés de Mirecourt, membre de la célèbre famille de luthiers. Dans l'inventaire on trouve une créance pour fourniture d'instruments :"A Mr AUDINOT marchand d'instruments de musique à Paray Saint Ouen, département des Vosges : 676 frs".
Pour pouvoir mieux lire cliquez sur les images.
Cette liste de l'inventaire concerne plus particulièrement les instruments fabriqués par ROCHE : clarinettes, flûtes et flageolets. On y trouve des serinettes provenant sans doute de Mirecourt, vendues par Nicolas AUDINOT, des cuivres, trompettes, cors et trombone vendus par COURTOIS : Créance "Mr COURTOIS facteur de cuivre du Vieux Augustins à Paris suivant sa facture pour fourniture faite par lui au défunt : 3200 frs". Le serpent neuf de cet inventaire provenait de la boutique de "Mr. PIFFAULT, facteur de serpent demeurant à Paris N°304 rue Saint Honoré". Il lui avait été facturé 17 frs 50 qu'il n'avait pas réglé.
On connaît grâce à cet inventaire deux de ses fournisseurs, de clés : Mr THIRIOT ouvrier en garniture d'instruments à Paris rue Saint Denis à qui il devait 16 frs, et de sacs d'instruments : Mr ZAEGGER fabricant de sacs d'instruments demeurant à Paris à qui il devait 21 frs 12. On découvre également qu'il fournissait Hyppolite COLLIN en clarinettes, flûtes et flageolets : Billet de "Mr Collin, marchand de musique rue des Fossés Montmartre : 430 frs". Nous avons évoqué ce luthier marchand de musique dans notre article sur la famille DARCHE et nous traiterons plus spécifiquement  la famille COLLIN père et fils dans un prochain article. Pour consultez l'article sur la famille Darche cliquez sur ce lien.
Darche et Collin à Paris
Il devait également 108 frs 10 à " Mr BELLANGER, boisselier  fabricant de caisses à tambour pour les troupes, rue du Petit Carreau 36". A noter également que les instruments de PORTHAUX étaient déjà reconnus car le seul instrument "de hazard" dont on précise la marque est ce basson de "Porto mais de hazard".
Clarinette en Ut de Roché
avec corps de rechange
en Si naturel. (Collection Schackleton)
Jean Baptiste ROCHE était surtout spécialisé dans la fabrication de clarinettes, si l'on en juge par le nombre d'instruments ou parties d'instruments répertoriés dans l'inventaire. Il est intéréssant de voir l'estimation de la valeur des différents modéles : "Clarinette en ébéne ou grenadille, garnie d'ivoire : 30 frs. Clarinette en buis garnie d'ivoire 25 frs, clarinette en buis garnie d'ivoire  sauf le pavillon 21 frs. Clarinette en buis garnie de corne 15 frs". Ces instruments devaient être fabriqués non seulement pour Collin mais  pour d'autres marchands peut être estampillés de leurs marques si on remarque le "lot de numéros et de lettres servant  à marquer les instruments" présent dans l'inventaire. La  rareté des instruments portant la marque de ROCHE retrouvés dans les collections actuellement, milite en faveur de cette hypothése : un jeu de 4 clarinettes, une clarinette et une flûte.

Donc si vous avez des instruments portant la marque Roche, faites nous signe.

Le fonds de commerce ne sera pas vendu et ne trouvera pas de repreneur lors de la vente du 8 janvier 1813


Bibliographie : 
(1) Inventaire après décés de Mr Roché Maitre Luthier du 10 décembre 1812 chez Maître Edme Pierre Alexandre Camusat rue Saint Denis. Archives nationales MC/ET/XXII/197.
(2) Procés verbal d'enchères. Mr Roché le 31 décembre 1812 et 8 janvier 1813.
(3) Langwill et Annuaires Bottin.

jeudi 24 octobre 2013

Le mystére BOUCHMANN à Annonay : une clarinette à 8 clès vers 1815.

Nous possédons une jolie clarinette à 8 clés dont les six parties, dont le bec à fil d’origine, portent la marque « BOUCHMANN / ANNONAY entouré par 4 étoiles à six branches ». Le barillet porte en plus le chiffre « 7 ».

Clé de si B grave du corps main droite
caractéristique de la facture lyonnaise.
Pourriez vous nous aider à lever tous les mystères de cet instrument ? 

Description de l'instrument :

 
Clarinette en buis, baguée ivoire en six parties,  percée de 17 trous dont huit  sont couverts par des clés rondes « arrondies » qui épousent la courbure de l’instrument. Si les trois grandes clés ont leurs ressorts rivetés, les 5 autres sont à ressorts fixés dans le bois comme on le faisait au 18° siècle.
 
Ressort fixé dans le bois.
Les clés sont montées sur blocs et sur le bulbe du corps main droite. A noter le bloc et la clé de Sib grave du corps main droite, caractéristique de la facture lyonnaise. Autres originalités qui rappellent les instruments de SIMIOT à Lyon : les doubles trous C#/G# du corps main gauche et le tube métallique pour accorder l’instrument reliant le corps main gauche et le barillet, procédé que l’on retrouve très fréquemment utilisé pour les flûtes, et très rarement pour les clarinettes
 
Doubles trous du corps main gauche.

Tube métallique d'accord.
Un instrument lyonnais ?
Denis WATEL situe cet instrument vers 1815 et construit sur le modèle de 1808 de Jacques François SIMIOT. (Voir la collection de Sir N. SHACKLETON page 107).
Clarinette en Ut de SIMIOT. (Musée d'Edimbourg)

 Il existe une clarinette à 7 clés pratiquement identique (sans la grande clé de trilles sur le corps main gauche) au National Music Museum de Vermillion dans le Dakota du sud aux USA : Clarinette Bouchmann du musée de Vermillion.

Quelques éléments historiques.

BOUCHMANN n’est pas connu, nous avons juste trouvé quelques éléments : 

Archives de la Côte Saint-André (Isère), patrie d'Hector BERLIOZ :
"....Il ressort qu'un mouvement musical inaccoutumé se produisit dans la petite ville, exactement pendant la période où BERLIOZ enfant grandissait et s'ouvrait aux premières impressions musicales...En 1805 les Côtois, pour la première fois éprouvent le besoin d'avoir une musique militaire. Le maire traite avec un marchand de musique de Lyon, nommé BERNARD, pour l'acquisition d'instruments : clarinettes, bassons, cors, un bonnet chinois, une bonne paire de cymbales de Constantinople ou de Smyrne, mais vraiment turques qui valent quinze louis, enfin un serpent".

BERNARD à Lyon.
Alexis Michel BERNARD (c.1766-1828) marchand luthier à Lyon en 1788-1810. (Source le Livre d'or de la clarinette française. Denis WATEL-W.ROUSSELET).

" Deux ans plus tard, le fournisseur des instruments procure aux Côtois le professeur de musique nécessaire à la direction de la troupe instrumentale. Voici comme il le présente au maire, par une lettre du 21 avril 1807: " je vous adresse avec la présente M. BOUCHMANN professeur de musique ayant été chef de musique de différents corps, jouissant d'une honnête probité, connaissant  parfaitement son état, jouant de la clarinette, donnant du cor, jouant de la flûte, basson et violon. C'est un sujet qui vous convient pour faire marcher votre musique et y mettre du zèle. Je lui ai fait part de la somme que vous lui donnez qui est de 100 francs par mois et je l'ai décidé à partir de suite".
Le 6 mai suivant le dit BOUCHMANN en une lettre d'une écriture moulée écrit à son tour : " M. le Mère, je suis charmé da lai abithé Permis vos amateur...."

Hector BERLIOZ enfant.
"Berlioz allait sur ses quatre ans, c'est un âge où les enfants sont sensibles aux sons éclatants et aux évolutions de la musique militaire. Maître BOUCHMANN fut l'homme qui lui donna la première idée de ce que constitue l'art du chef d'orchestre. Les annales de la Côte Saint André ne disent pas s'il lui a donné des leçons d'orthographe. Il semble que non".

Musée Hector Berlioz à la Côte.
Le musée possède une clarinette BERNARD/SIMIOT ?

Nous n'avons pas encore terminé notre article que Jean Jacques BONA à déjà trouvé une autre piste  :
Adrien Chomel, Le Collège d’Annonay, 1800-1880 mémoires et souvenirs recueillis, Annonay, Hervé, 1902
"Nous ne pouvons guère que  nommer les prédécesseurs de M. Monchovet comme professeurs de musique. Le plus ancien dons nous ayons trouvé le nom, était un alsacien, M. Bouchmann. Voici ce que nous en dit M. Tracol en novembre 1836.
Annonay

"M. Bouchmann n'a plus une santé sur laquelle on puisse faire fonds, mais pour reconnaître les services qu'il nous a rendus depuis vingt cinq ou vingt six ans, il parait qu'on lui fera une pension alimentaire. Il convient  essentiellement à un établissement comme le nôtre, de faire des bonnes œuvres, et surtout de ne point oublier des hommes qui se sont montrés si empressés à nous obliger dans toutes les occasions, surtout quand leur conduite a été constamment religieuse et exemplaire.
M. Bouchmann fut, cette année même, logé et nourri au collège comme les professeurs, mais malgré les soins qui lui furent prodigués, il mourut à la fin du mois de janvier 1837."

Agenda musical: source Gallica. 1837: Annonay- Buckmann prof. de musique.
Archives de l'Ardèche. Le 27 janvier 1838- Décès de Bernard Bouchemann âgé de 70 ans, musicien demeurant à Annonay.

Merci et bravo à Jean Jacques pour sa rapidité. Hé oui encore un alsacien.
Acte de décès de Bernard BOUCHMAN.
Alors que pensez de tout cela : Bouchmann facteur ou revendeur ? Instrument de Bernard ou de Simiot ...? ou d'un autre ?

Vos avis, vos commentaires, vos suggestions....pour résoudre le mystère BOUCHMANN.......