Affichage des articles dont le libellé est Watel. Afficher tous les articles
Affichage des articles dont le libellé est Watel. Afficher tous les articles

mercredi 27 mai 2020

Un GODFROY Aîné peut en cacher un autre. Les GODFROY à la Couture-Boussey. An Elder GODFROY can hide another. The GODFROY at La Couture-Boussey

Travaillant actuellement sur les flûtes de GODFROY, je dois avouer que j'ai du mal à comprendre  et attribuer les différentes marques et autres informations concernant cette famille illustre de facteurs d'instruments de musique,  originaire de la Couture Boussey. 
Pour vous remettre dans l'ambiance, je vous suggère de relire deux articles précédent écrits sur ces facteurs.
Et
Pourtant il ne manque pas d'informations sur cette famille : Tula Giannini et son excellent ouvrage évoque l'essentiel sur ces facteurs. Au niveau des marques " le livre d'or de la clarinette française " de Denis Watel va encore plus loin en attribuant certaines marques à des membres d'une famille GODFROY, sans relation directe avec nos GODFROY "célèbres". .......Mais il reste des zones d'ombres  que quelques "trouvailles d'archives" permettent d’éclaircir.
Marque  de Jean-Francois Godfroy de La Couture
Clair II GODFROY s'est toujours plaint des contrefacteurs de sa marque.

C'est tout d'abord son frère cadet, Pierre GODFROY jeune, né à la Couture Boussey en 1780 qui s'installe à Paris en 1818 à côté de son frère au 45 rue Montmartre. Sans doute devait-il travailler pour lui avant 1823 comme le montre la marque 1, marque correspondante à celle de Clair II GODFROY avec un P rajouté devant le nom. Ils deviennent alors concurrents puisqu'ils se revendiquent régulièrement comme fournisseurs des grands flûtistes de l'époque comme Mr TULOU.

" Godfroy jeune, facteur en tout genre, connut particulièrement pour la flûte, fournisseur de Tulou et autres artistes distingués. Inventeur des flageolets à deux octaves ; fab. flageolets, clarinettes, fournit toute musique militaire et autres, rue Montmartre, 46 ". (annuaire Bottin)

 

Puis c'est son fils Frédéric Eléanor GODFROY né le 6 janvier 1805 à Paris et qui s'était formé  à la facture d'instruments à vent avec son père avant de s'installer à son compte, vers 1827 au 133 rue Montmartre. Il devait vendre des instruments simples (flûtes, piccolos, fifres…) fabriqués à la Couture et réaliser lui-même  des instruments plus élaborés. 

La première mention trouvée dans le Bottin parisien, le concernant est publiée en 1835 :
"Godfroy fils (Fréd.), élève de son père Godfroy aîné, breveté pour ressorts à spirales marchant sans frottement et sans huile, et donnant de l'élégance à l'instrument ; perfectionnement de la flûte à patte d'Ut, rue Montmartre 133". 



Mais ce sont surtout les GODFROY de la Couture Boussey qui provoquèrent les réactions de Clair II GODFROY Ainé.
Les GODFROY de la Couture-Boussey

Jean François GODFROY à la Couture-Boussey : (1782-1860) Actif de  a.1827– a.1881.

Né en 1782 à Ezy sur Eure, Jean François GODFROY était cultivateur  en 1802, date de son mariage avec Marie Jeanne DURANT de la Couture-Boussey et tourneur en 1812 lors de la naissance de son fils Jean Pierre dans cette même localité. Il n'y a pas de lien direct, connu avec la famille de Clair II GODFROY. Comme le mentionne une publicité CHAPELAIN, c'est sans doute vers 1827 qu'il installa son atelier à la Couture-Boussey où il fabriquait flûtes, flageolets, clarinettes. 

        Marque 1 : vers 1830 à c.1838   
                         Marque 2 : vers 1830 à 1838                     
Marque 3 : vers 1840

Ses flûtes portent des marques "GODFROY AINÉ " qui prêtent  à confusion avec  celles de Clair II GODFROY. D'ailleurs ce dernier changera de marque en 1829 et avertira ses clients sur ces instruments portant des marques sans rapport avec sa fabrication : 

" Déjà plusieurs facteurs portant le nom de GODFROY ont usé de ce titre pour faire passer des instruments de leur façon pour être de ma fabrique. En conséquence pour éviter toute contrefaçon, j'avertis le public que mon poinçon portera dorénavant : "Clair Godfroy aîné". Tous les instruments qui sortent de chez moi sont numérotés sur un registre de commerce. Cette précaution offre aux personnes qui leur donneront la préférence et qui achèteraient d'occasion ou ailleurs que chez moi, le moyen d'en vérifier l'origine". Tarif 1827. Source T. Giannini.

Marque de Clair II GODFROY Ainé
adoptée à partir de 1829.

C'est d'ailleurs à partir de 1830 qu'il appose des poinçons d'argent sur les clés de ses flûtes, toujours pour se différencier de ses contrefacteurs. Sa marque devient également assez difficile à copier avec cette tête de "satyre", "lion" ...." dieu Pan"  et non "Paon",  " Peacock " en anglais, comme on le lit régulièrement.... et cette écriture en italique.
Le Dieu PAN.

Clair II Godfroy Aîné a déposé deux plaintes en 1830 pour contrefaçons. Car on pouvait lire dans un journal parisien le 24 septembre 1830 : 

 " une ordonnance de la chambre du conseil du tribunal d'Evreux avait renvoyé au tribunal correctionnel MM Jean François Godefroy, Louis Hérouard, Denis Godefroy, Denis Buffet, Martin Thibouville, Denis Noblet, Pierre Noë, Gilles Noë, Nicolas Thibouville, comme prévenus d'avoir apposé sur des instruments à vent fabriqués par eux le nom de Monsieur Godefroy Aîné fabricant à Paris et MM Bonnel, Pléannat, Rémy Génin, Buffet, Lété, Boileau et Nadau comme complices du même délit de contrefaçon pour avoir exposé en vente et mis en circulation des instruments portant la même indication contrefaite".

Jean François GODFROY exerça avec son fils Jean Pierre jusque vers 1845 où ce dernier pris la suite. J. F. GODFROY est décédé le 17 mai 1860 à l'âge de 77 ans. Son fils avait épousé en 1841 Marguerite BUFFET (1791-1873) ; ils ont eu un fils (H) Ortal Godfroy (1842-1902) qui exerça avec son père, sans doute à partir des années 1860 (Marque 4) et c'est sans doute lui qui, resté célibataire vendit l'entreprise, à la mort de son père (1881) à Fernand CHAPELAIN (1860- ?).

            Marque 4: vers 1860    
      Marque  5 : vers 1870          
        Marque 6 : vers 1870       

Marque 7 : Vers 1880

Les instruments produits par cet atelier sont généralement de fabrication courante, voir assez modeste. Néanmoins ils posent toujours problèmes aux  amateurs qui les confondent, encore actuellement avec ceux de l'atelier parisien GODFROY Ainé. Il est probable que ces luthiers de la Couture, ont joué de cette ambiguïté, même à la période de Fernand Chapelain qui n'a jamais précisé, dans ses annonces publicitaires de quel Godfroy il était le successeur.

Flûte typique des Godfroy de la Couture
vers 1880
Annonce publicitaire Chapelain vers 1905.

Nicolas GODFROY Jeune à la Couture-Boussey. (1795-1847) Actif de 1825 à 1847.


Comme son frère ainé Jean François, Nicolas GODFROY jeune né en 1795 à Ezy sur Eure, n'a pas de lien de parenté direct avec Clair Godfroy Ainé. A son mariage en 1823  à la Couture avec Marguerite NOBLET (1796-1828), la fille de Clair NOBLET (1764-1830) célèbre facteur couturiot, il se déclare luthier. C'est sans doute vers 1825 qu'il créa son atelier "GODFROY Jeune " qui durera jusqu'en 1850. Sa première épouse étant décédée il se remarie avec Catherine DESCHAMPS (1802-1877) avec laquelle il aura un fils Nicolas Léon GODFROY qui sera pharmacien à Paris. Nicolas GODFROY est décédé en 1847 à la Couture à l'âge de 51 ans.

Un troisième GODFROY appartenait aux contrefacteurs : Pierre Denis GODFROY (1797 - ).....mais lui faisait partie de la famille de Clair II GODFROY Ainé, il était son cousin Germain fils de Denis GODFROY (1733-1800) lui aussi luthier à la Couture-Boussey.  




samedi 18 juin 2016

"Comparaison de deux clarinettes autrichiennes en Fa". "Comparison of two Austrian clarinets in F ".

Interview de José Daniel Touroude par R.P.

Q : Lors de ton article sur les petites clarinettes dans ce blog, tu avais peu parlé de tes  clarinettes en Fa. Denis Watel avait amené chez toi sa superbe clarinette en Fa de Baumann, (qu’il te vendra bien un jour !). Elles sont peu courantes et ont vite disparues. Pourquoi ? (Articles sur les petites clarinettes.)

JDT : Pour la première fois l’existence de la clarinette en Fa apparaît dans le royal bavarian infantery guards en 1830. Berlioz parle aussi de la clarinette en Fa dans son traité  pour la musique militaire. La petite clarinette en Fa dite piccolo (selon Lavignac) est spécialisée pour les traits aigus, elle est plus courte que la clarinette Mib et a eu son heure de gloire dans les musiques militaires quand les clarinettes sopranos étaient en Ut au 19ème siècle. De grands compositeurs l’utilisèrent pour son aigu ou pour sa tonalité pratique dans certains cas notamment Beethoven, Mendelssohn, Strauss…La petite clarinette en Fa était associée également à d’autres instruments graves en Fa (cors en Fa surtout, cors de basset alto en Fa, musette en Fa, tuba en Fa). Quand la tonalité ou les traits de la partition étaient difficiles, le clarinettiste au lieu d’utiliser la petite clarinette en Mib prenait ponctuellement d’autres petites clarinettes en Ré, ou en Fa. Quand la clarinette soprano passa de Ut à Sib, la petite clarinette passa de Fa à Mib pour maintenir la quarte. C’est pourquoi la petite clarinette en Fa fut remplacée par celle en Mib au milieu du XIXème siècle et vite abandonnée, devenant rare et donc recherchée par les collectionneurs.
Clarinette en Fa de Baumann.
(Collection D. Watel)
Q : Dans ta collection, nous avons deux clarinettes autrichiennes en Fa de la même région, de la même époque et pourtant elles sont différentes :

En effet l’une est en ébène à 13 clés, l’autre en buis signée Eberl en buis à 14 clés. Elles sont toutes les deux basées sur le système Mûller simple qui permet de faire enfin toutes les notes de la gamme chromatique et des traits difficiles sans doigtés approximatifs et compliqués. Leur utilisation était différente : celle en ébène utilisée dans une harmonie en plein air (kiosque, défilés…) de type militaire est robuste, le bois ébène épais, assez lourde (plus du double 385 g contre 180 g pour l’Eberl) , les clés sont épaisses et solides, le repose pouce important, longueur et perce un peu plus importante, état prouvant qu’elle a vécue….l’autre est absolument l’inverse en buis, fragile, aux clés très fines, peu utilisée vient d’un orchestre symphonique ou opéra (pour quelques traits). Il faut dire que dans l’empire autrichien à cette époque la musique est présente partout (Schemmel facteurs de clarinettes à Vienne.
A gauche clarinette en Fa et 14 clés en buis d'Eberl et
à droite clarinette en ébéne en Fa 13 clés.
(Collection J.D Touroude)
Q : Apparemment elles viennent de Carlsbad ou de sa région ? c’est une petite ville ?
Carlsbad a gardé même aujourd’hui son charme désuet, et se nomme actuellement Karlovy Vary en Tchèquie. Elle était à cette époque une ville d’eau chaude célèbre dans l’empire autrichien et comme toutes les villes de cures, où il n’y a pas grand chose à faire, la musique était omniprésente. D’ailleurs à cette époque de nombreuses personnalités notamment des musiciens prestigieux comme Brahms, Chopin, Dvorak, Grieg, Liszt, Wagner… contemporains de cette clarinette ont fait des séjours dans cette ville. L’une a été fabriquée à Carlsbad, l’autre y a joué peut être et provient de la même région de Bohème (sans doute de Graslitz en Tchéquie actuellement)
Vues de Carlsbad au XIX ième siècle.
Q : Et qui dit musique dit musiciens et donc facteurs et réparateurs…
Tu as raison, vu le nombre de concerts quotidiens, il fallait des facteurs et réparateurs à Carsbad et quelques artisans réputés comme Strobach et Jäger sont connus des collectionneurs. Eberl actif à Carlsbad est lié forcément à ces facteurs précédents mais je ne connais pas les liens d’Eberl avec eux (apprentissage, compagnonnage, concurrence, sous traitance…).

Cor de Basset de Strobach à Carlsbad. (Musée d'Edimbourg)
Q : Eberl me dit quelque chose ? 
Oui au début j’ai eu la même impression en l’achetant mais c’est un homonyme célèbre ou peut être un membre de la même famille ? (si certains ont la réponse ….) Anton Eberl était un pianiste et compositeur autrichien de Vienne très connu, ami de Mozart et de Haydn, rival de Beethoven et qui a composé plusieurs œuvres de musique de chambre avec clarinette ! et qui a été à Carlsbad ! lui aussi. C’est celui qui est connu en histoire de la musique. Mais qui est W. Eberl ? pratiquement pas référencé dans les musées et livres spécialisés et pourtant son travail est magnifique ! encore un génie méconnu….Sa rareté est donc réelle car il existe sans doute très peu de clarinettes de W. Eberl de Carlsbad dans les collections publiques ou privées et sans doute la seule en Fa. L’estampille est un aigle à 2 têtes des Habsbourg, surmonté d’une couronne , W.Eberl Carlsbad, F (fa) et une fleur à 6 pétales. 
Marque d'Eberl  à Carlsbad.
Q : C’est vrai qu’elle est magnifique et éclipse beaucoup de petites clarinettes qui sont à côté ! Mais l’autre en ébène, est aussi typiquement autrichienne de la moitié du XIXème siècle non ? on reconnaît les grands facteurs de Vienne du milieu du XIXème siècle : Uhlmann, Schemmel, Koch, Stehle …Quelles sont les caractéristiques de la facture autrichienne au milieu XIXème siècle ?

Oui . La facture autrichienne est reconnaissable de suite :

·     ° Aux pavillons évasés. 
 3 pavillons de clarinettes autrichiennes comparés à un pavillon de clarinette
française. (de gauche à droite : Schemmel (A), Baumann (F), Eberl (A), Schemmel (A)
°   Forme des clés très travaillées avec pont et cercle. 
 
Détails des clés de clarinettes en Fa (Eberl, anonyme)
°     Des gorges en  métal pour les clés.
Longues clés de deux clarinettes viennoises.
°     Des blocs en bois dans la masse demandant une adresse certaine des tourneurs. (Comme pour les hautbois ; on retrouve en Allemagne et en Angleterre ces blocs taillés)
Clés montées sur des blocs; 
·         ° Clés tordues, vrillées assez typiques. 
Comparaison des grandes clés d'une clarinette viennoise (G) et une
clarinette française (D).
° Des repose pouce taillés dans la masse.
Repose pouce taillés dans la masse.
° Trous surélevés petit doigt droit.

Trous surélevés petit doigt droit.
Evidemment on retrouve des caractéristiques classiques germaniques : Les clés sont en laiton rondes en pelles à sel et sont articulées par des tiges en laiton  perçant des blocs en bois. (à l’époque la facture française était très différente et utilisait les patin, avec boules et charnières et des vis en acier) mais toutes les clés à l’est du Rhin sont comme cela. Les ressorts sont en laiton rivetés sur les clés, les tampons en feutre et cuir mais là ce n’est pas spécifique à la facture autrichienne. Le diapason : très différent selon les villes et les orchestres (cf article diapason Cliquer sur ce lien pour voir l'article.). Ce qui  est sûr c’est qu’elles sonnent encore très bien  ….










lundi 3 février 2014

Un mystérieux fabricant d'instruments de musique à Lyon : Jean Baptiste Magdeleine MANGEAN (1820-c1883).


Dans le catalogue d’instruments à vent que nous publions dans le numéro spécial N°XXV du Larigot, figurent plusieurs instruments d’un facteur lyonnais inconnu et mystérieux : MANGEAN. Pourtant ses instruments sont d’une grande originalité par leur facture, portant des marques MANGEAN ou MANGEANT à Lyon. Donc avec l’aide de Denis WATEL nous avons essayé de mieux le connaître.
Mais si vous avez des informations ou des instruments n’hésitez pas à nous contacter.
Marque sur une clarinette Mi b.
Collection J.D. Touroude.
Jean Baptiste Magdeleine MANGEAN est né le 2 janvier 1820 à Lyon ; son frère jumeau avait été dénommé également Jean Baptiste. Leur père Jean Claude MANGEAN (1765-1835) était quincaillier  rue du Confort à Lyon. Son frère jumeau Jean Baptiste MANGEAN est resté célibataire, cordonnier il est décédé à 30 ans le 11 septembre 1850 à l'hôpital de l'Antiquaille.
Signature de Jean Baptiste Magdeleine MANGEAN en 1844.
J.B.M. MANGEAN épouse le 1 février 1844 à Chatillon d'Azergues, Marie Antoinette Adéle PONS (1816-1865). A son mariage il est déjà facteur d'instruments de musique à vent et s'installe en mars 1844 au passage de l' Hôtel Dieu au numéro 8.

Flûte à système Boehm 1832 en érable et clétage en laiton.
Collection R. PIERRE
 Marque de la flûte précédente avec Mangean sans T.

On ne sait rien de sa formation, mais ses instruments sont originaux, par exemple il utilise pour la flûte l'érable (exemplaire ci-dessus) bois très rarement utilisé pour les instruments à vent, à cette époque (basson, hautbois). Pendant sa période d'activité lyonnaise de 1844 à 1856, il fabriquait des flûtes "à la pointe du progrès"....comme des systèmes Boehm système 1832, des flûtes système Tulou à 12 clés...instruments fabriqués seulement par les facteurs parisiens comme Godefroy, Buffet Jeune, Buffet Crampon....Tulou etc... mais très exceptionnellement en province, ce qui montre qu'il recherchait l'innovation plutôt qu'une production de masse. 

Hautbois en érable  à  10 clés. (ventes Vichy 2010)

Hautbois pastorale à 12 clés. (Ventes de Vichy 2010)

Cor anglais (Ventes de Vichy 2010)
Il fabriqua principalement des flûtes, des hautbois, des clarinettes. S'il ne déposa pas de brevet, il chercha à améliorer ses flûtes grâce  à des systèmes de correspondances au niveau du clétage comme le montre deux flûtes de notre collection.
Flûte à 12 clés. (collection R. PIERRE) 

Il a eu plusieurs enfants dont quatre garçons : Emmanuel né en 1847, Jules Emmanuel né en 1849, Claude né en 1851, Louis Emmanuel né en 1853. De 1844 à 1854 il habitait au 8 passage de l'Hôtel Dieu où il avait une pièce d'habitation et un magasin. 
Passage de l'Hôtel Dieu à Lyon vers 1890.

En 1855 il déménage pour la galerie de l'Argue et participe à l'exposition de Paris. Un autre facteur/marchand de musique exerçait dans cette galerie, Michel RIVET (a1838-1871).

A partir de cette date il quitte Lyon pour Paris abandonnant sa famille et son activité. Que sait il passé ? Faillite ? Rencontre parisienne pendant sa participation à l'exposition ? C'est encore un mystère que nous devons résoudre. Nous le retrouvons en 1866 à Paris pour son remariage avec Delphine Marie VALLEE née en 1838. Il se déclare dessinateur et habite 36 passage du Ponceau dans le deuxième arrondissement de Paris.
Flûte à 8 clés de MANGEANT. (Collection René PIERRE)
 Sa première épouse Adèle PONS était décédée le 17 février 1865 à Lyon chez son frère Antoine Jules PONS chocolatier qui l'avait recueillie.
Marque de la flûte précédente.
 J.B.M MANGEAN assiste le 30 septembre 1876 à Paris au mariage de son fils Claude MANGEAN cartonnier à Paris ; assiste également à ce mariage un deuxième fils : Jules Emmanuel MANGEAN feuillagiste à Paris. A cette date J.B.M MANGEAN se déclare agent d'affaires et habite au 168 rue Saint Antoine à Paris.

Clarinette en mi bémol de MANGEANT. (collection J.D. TOUROUDE)
Voir la marque en début d'article.

Lors du mariage de son dernier fils Louis Emmanuel MANGEAN le 21 août 1880 à Lyon, ce dernier fait établir un acte notarié déclarant que son père est : " facteur  d'instruments de musique dont on ignore l'existence et le domicile depuis 1856 ..." On peut penser qu'il y avait deux clans familiaux, l'un à Paris l'autre à Lyon.

Clarinette de MANGEAN en Mi bémol. (collection W. ROUSSELET)


Marque de la clarinette précédente.

Il assiste aux obsèques de son fils Jules Emmanuel MANGEAN le 9 novembre 1883 à Paris. Nous n'avons pas trouvé la date et lieu du décès de notre facteur.

Marques des instruments : MANGEANT, MANGEAN ?





jeudi 23 janvier 2014

Quelques questions et réflexions sur les petites clarinettes

Interview de Jose-Daniel Touroude
par René Pierre
 
(Tous nos remerciements à Denis Watel pour la relecture de cette réflexion et de nous avoir montré sa superbe collection de petites clarinettes qui mérite un autre article)

Quel est l’historique des petites clarinettes ?
La clarinette a été inventée par Denner vers 1700 à Nuremberg en perfectionnant le chalumeau. Il existait plusieurs sortes de chalumeaux, de longueurs et de tonalités différentes, qui étaient utilisés par la musique populaire mais aussi par les compositeurs comme Vivaldi, Telemann, Graupner, Haendel, RameauCes musiciens et bien d’autres après vont utiliser la clarinette qui apparaît dans les orchestres dès 1710. Les chalumeaux ont continués à coexister avec ce nouvel instrument qu’était la clarinette puis vont disparaître, au fur et à mesure du perfectionnement de la clarinette.
 chalumeaux aux tonalités différentes copies de chalumeaux anciens du facteur et clarinettiste
Gilles Thomé
qui joue dans des orchestres baroques
Comme les mêmes facteurs fabriquaient les chalumeaux et les clarinettes, il a été logique qu’ils créent des clarinettes de longueurs et de tonalités différentes notamment la clarinette en Ut pour jouer avec les autres instruments qui sont souvent de cette tonalité et la petite clarinette en Ré qui fut aussi rapidement réalisée à cause de son timbre aigu et qui remplaçait la trompette en Ré fort utilisée (d’où le nom de clarinette : clarino = petite trompette). Les facteurs de cette époque étaient rares et sont localisés en Allemagne : Denner père et fils, Scherer, Oberlender, Zencker…, Rottenburg en Belgique, Boekhout  aux Pays Bas, Friderich à Prague … puis la facture de clarinette va s’étendre plus tard vers l’Autriche, l’Angleterre et la France.
La clarinette, malgré ses imperfections, va rapidement trouver sa place dans l’orchestre vu son timbre nouveau et particulier, mais aussi comme instrument soliste avec les premiers concertos (Rathgeber en 1728, Paganelli en 1733… ) et les premiers virtuoses qui commencent à sillonner l’Europe. La clarinette va aussi s‘implanter dans la musique de chambre prisée par les aristocrates et les bourgeois (par exemple les trios de Kölbel avant bien sûr Stamitz et l’influence de l’orchestre de Mannheim qui a eu tant d’impact sur le jeune Mozart).
 
L’entrée de la petite clarinette dans le répertoire musical a débuté par des traits en orchestres avant une consécration car entre 1745 et 1755, J.M. Molter écrit 6 concertos pour clarinette en Ré sur le modèle des concertos grosso de Vivaldi et ce sont parmi les premiers concertos pour clarinette, toujours joués actuellement. Mais la clarinette va devenir rapidement aussi un instrument pour les musiques des armées et ceci va entraîner sa diffusion à travers les pays vu les guerres incessantes en Europe.
Avec les démobilisations des clarinettistes survivants, les orchestres villageois vont s’enrichir de ce nouvel instrument.

Quel est le rôle des petites clarinettes dans la musique militaire ?

Son rôle est essentiel. La musique militaire l’utilise abondamment mais il faut revenir à un point d’histoire fondamental.  La guerre de Sept Ans (1756-1763) est une guerre mondiale qui a ravagé l’Europe, l‘Amérique du nord et l’Asie et qui a modifié l’équilibre géopolitique des pays concernés.
La connaître est essentiel pour comprendre l’histoire postérieure du monde mais aussi pour la clarinette ! En effet pour entraîner les armées aux combats incessants et meurtriers, la musique militaire devient incontournable. Il faut savoir que les musiciens des régiments étaient souvent des gagistes, c’est à dire des contractuels qui passaient de régiments en régiments selon la solde et quelque soit le pays ! (il n’était pas rare de trouver des collègues et amis dans les musiques de tel régiment, se trouver plus tard ennemis face à face au combat ! ) De plus le renversement des alliances de cette guerre et la multiplicité des batailles dans de nombreux pays va diffuser la clarinette à travers l’Europe.
 
 
Après la guerre, vu la ruine de tous les pays belligérants, les musiciens et les facteurs d’instruments vont émigrer à la recherche de travail. Or la France, malgré la guerre ruineuse est un grand pays, le centre culturel mondial aux ressources importantes et la France est curieuse de ce nouvel instrument. Ceci va entraîner l’afflux de musiciens, civils et militaires, et de facteurs allemands notamment de clarinettistes. Cet instrument va être copié par les facteurs français puis se généraliser rapidement dans les armées françaises, dans les orchestres villageois, dans les orchestres symphoniques. A la fin du 18ème siècle lors de la révolution française et de l’empire, la France comptera énormément de clarinettistes (Napoléon 1er et les 1000 clarinettistes de son armée !)

 
Collection Jean Luc Matte.


 
Et dans la musique populaire ?
 
Dans certains orchestres populaires (harmonies, bandas … ) la petite clarinette trouve aussi sa place notamment dans la musique bretonne, la musique italienne surtout à Venise.
La facture française va aussi exporter beaucoup en Espagne et en Amérique du sud la petite clarinette Mib qui sera appelée «Requinto» utilisé par les « piteros » dans la musique folklorique et qui privilégie le registre aigu et qui est toujours accompagné d’une caisse claire.
Piteros espagnols.
 
Collection D. Watel.
 
Quelle est la définition des petites clarinettes, les différentes tonalités ?  
 
Dans le Lavignac par exemple, les clarinettes de La à Mib sont des clarinettes "sopranos" et celles de Fa à Lab aigu comme clarinette "piccolos". Au 18ème siècle, les clarinettistes avaient plusieurs clarinettes dans des tonalités différentes et les premières méthodes du milieu du 18ème siècle pour clarinettes font des longs développement sur les utilisations des clarinettes en usage. D’ailleurs au fil du temps certaines tonalités de clarinettes vont disparaître des méthodes et des orchestres (Si, Mi, Sol, Sib aigu et Ut aigu) alors que d’autres vont apparaître (Fa, Si b, Mi b, La b). Le clarinettiste pouvait jouer dans toutes tonalités et les méthodes du 18ème siècle (Blasius, Van der Hagen, Yost, Vanderbrock, Francoeur…etc ) prouvaient qu’en changeant de clarinettes, on pouvait jouer qu’en tonalités faciles soit Ut, Fa et Sol et éviter de transposer, ce rappel historique est surprenant pour l’instrument transpositeur par excellence actuel !

Petites clarinettes (Gauche à droite) : Ré à 12 clés de Kayser à Hambourg, anonyme Mi bémol à 10 clés, Mib à 6 clés de Noblet, Fa à 12 clés anonymes de Markneukirchen.
(Collection J.D. Touroude)
La clarinette en Fa : La petite clarinette en Fa joue à la quarte avec la clarinette en Ut dans les harmonies et musiques militaires (traits aigus et puissants). Au 18ème siècle la clarinette était souvent associée au cor ou basson en duos (le cor étant en Fa, la clarinette était de la même tonalité pour éviter de transposer).
Les clarinettes en Sib aigu et Ut aigu : elles sont très rares.  
La clarinette Lab : elle est plus tardive et on trouve la petite clarinette Lab aigu dans certaines harmonies surtout les bandas en Italie.  Il y a aussi du répertoire dans les musiques militaires anglaises et italiennes. C’est la clarinette la plus aigûe et la plus petite et jouer avec n’est pas aisé vu la grosseur des trous et des clés !  

Pourquoi l’hégémonie de la clarinette en Mib ?

La clarinette Mib : aigüe, brillante, projetant plus le son que sa sœur en Ré est née au début du XIXème siècle et se répandra surtout dans les musiques militaires et les harmonies en Allemagne puis en France.
Clarinette en Ré # (DIS) de Dobner et Felklin à Strasbourg
(Collection R. Pierre)
Quand la clarinette en Sib va remplacer peu à peu la clarinette en Ut, la petite clarinette qui joue à la quarte au dessus va passer logiquement de Fa à Mib pour respecter les concordances entre les clarinettes. Elle sera fabriquée en France ponctuellement mais c’est vers 1830 que les facteurs vont commencer à l’inclure dans leurs productions. A partir de 1850, elle va se généraliser dans les musiques militaires, dans les orchestres symphoniques et les harmonies surtout quand elle aura 13 clés et la possibilité de faire toute la gamme chromatique.  
Registre de la clarinette Mib.
Avec le système Boehm, elle pourra effectuer des traits de virtuosité au même titre que les petites flutes. Dans les orchestres surtout militaires et les harmonies avec les clarinettes Sib et les saxos en sib et Mib, la petite clarinette sera exclusivement en Mib.
 
Quelle est l’utilisation des clarinettes en Ré et Mib dans l’orchestre symphonique et pour quel répertoire. ?
 
Le succès de la clarinette en Ut à 5 clés puis celle en Sib avec une palette sonore plus grande va éclipser la petite clarinette puis la cantonner plus tard dans l’orchestre symphonique à réaliser des traits aigus, voire satirique. La symphonie fantastique de Berlioz en 1830 l’utilisera pour la première fois dans l’orchestre symphonique. Ainsi en 1870, Wagner, avec Tannhäuser puis la chevauchée des Walkyries, réutilisera la clarinette en Ré. D’autres l’utiliseront ponctuellement dans l’orchestre symphonique mais elle tombera en désuétude peu à peu. Ainsi le Sacre du Printemps et Till l'espiègle, les partitions d'origines sont écrites pour clarinette en Ré mais transposées pour clarinette en Mib.
 
Aujourd’hui personne n’écrit plus pour clarinette en Ré. Les grands compositeurs l’utiliseront dans leurs orchestrations. Citons par exemple : Ravel dans le Boléro et Daphnis et Chloé, Mahler dans sa symphonie Titan, Stravinsky dans le sacre du printemps et l’oiseau de feu, Richard Strauss dans Till l’espiègle, Bartok dans le mandarin merveilleux, Britten dans le prince des pagodes, Copland, Janacek, Messiaen, Dallapiccola, Bério et nombre de compositeurs contemporains.
 
On peut écouter des clarinettistes comme Arrignon, Merrer etc… et la Garde Républicaine pour se rendre compte des possibilités et de la beauté de la clarinette Mib. La petite clarinette Mib devient un instrument à part entière avec sa vélocité, son suraigu, sa couleur spécifique pour toute orchestration et remplace peu ou prou les autres petites clarinettes.
 
Quels étaient les grands facteurs de petites clarinettes (allemands, français…) ?
 
Souvent les mêmes facteurs que les clarinettes en Ut et Sib car il n’y a pas de spécificités techniques particulières à réaliser une clarinette en Mib . Elles sont les copies conformes des clarinettes en Ut et Sib mais en plus petites. La composition est la même : bec, barillet, corps du haut, corps central, corps inférieur, pavillon. Les matériaux sont les mêmes : d’abord le buis puis l’ébène pour le bois avant l’ébonite voire le métal. Les clés sont d’abord en laiton puis en maillechort. Les formes des clés sont les mêmes que les autres clarinettes selon les facteurs, les pays et les époques. Les viroles ou bagues sont en corne ou en ivoire puis en laiton et en maillechort comme les autres clarinettes.
 
Comment reconnait-on la tonalité des petites clarinettes : Ré, Ré#, Mib, Fa, Lab ?
 
Un doute existe quand on voit les petites clarinettes et que la tonalité n’est pas marquée.
Sont-elles en Ré, Mib ou Fa ? quels sont les critères d’analyse ?
 
Au milieu de toutes ces clarinettes, une petite clarinette en Mib en métal à double parois.
(Photo de Peter Portner- Historical Museum Basel)

- La longueur est souvent un critère majeur pour catégoriser les clarinettes en Mib, en Ré ou en Fa.
En comparant la vingtaine de petites clarinettes de ma collection, nous pouvons avoir une différence de 5 cm (hors becs) entre 2 petites clarinettes en Mib.
On s‘aperçoit que les longueurs des becs, des barillets, des corps de l’instrument, des pavillons varient. Mais en fait ce critère nécessaire n’est pas suffisant et d’autres composantes doivent être analysées.
- La perce est un deuxième critère fondamental puisque c’est la forme cylindrique de celle ci et son diamètre qui crée le timbre particulier de la clarinette. Le matériau de la clarinette est secondaire. Dans notre collection les perces varient de 10 mm à 13 mm
- La grosseur des trous est un troisième critère. Les gros trous permettent de projeter le son plus fort mais la place des trous et leur grosseur sont essentiels pour la justesse et le diapason. Ils varient de 5,5 mm à 8,5 mm (corps central de clarinette en buis de la même époque). La perce et la grosseur des trous sont plus petits dans les petites clarinettes mais sont en proportion avec la grandeur des différents corps de la clarinette qui sont eux mêmes plus petits que les clarinettes en Ut et Sib.

Ainsi prenons un exemple :

la longueur du barillet qui en moyenne fait 40 mm pour la Mib et 44 mm pour la Ré, fera 50 mm pour la clarinette en Ut et 60 mm voire 63 mm pour la Sib et 65 mm pour la clarinette en La.
 
Clarinette anonyme en Ré et corps de Rê #. (Collection J.D Touroude)
Mais certains facteurs feront des barillets plus allongés d’autres plus courts s’adaptant aux autres corps de l’instrument. Par contre la forme extérieure, plus ou moins bombée du barillet selon les facteurs n’apporte strictement rien, sauf sur le plan esthétique. C’est la combinaison de ces 3 différents éléments (longueur, perce, trous) qui font la justesse et le diapason de la clarinette et nous montre par exemple si elle est en Mib ou en Ré. Le bec et l’anche interviendront surtout pour le son.
Mais faut-il savoir encore pour quel diapason l’instrument a été fabriqué car entre le 415 baroque du 18ème siècle et le diapason à 440 du 20ème siècle, il y a une différence pratiquement d’un demi ton !
Dans notre collection les diapasons varient de 425 à 440.

Pourquoi fabriquer des clarinettes en Ré au milieu du XIXème siècle et pourquoi fabriquer des cl en Ré# (DIS) :

Alors que l’hégémonie de la clarinette Mib s’ implante, certains facteurs continuent à fabriquer des clarinettes en Ré et Ré # . La clarinette en Ré ancienne, très populaire en Allemagne accompagnait souvent le violon au 18èmes siècle et au 19ème et avec l’émigration européenne aux USA cette tendance a continué. Ainsi Les facteurs Martin frères vers 1840 feront des clarinettes en Ré pour l’exportation aux USA souvent utilisés dans les bals villageois. Le diapason s’élevant de plus en plus, la clarinette exclusivement en Allemagne passa de Ré (D) à Ré # (marqué DIS) mais tombèrent rapidement en désuétude car certaines Mib font un son identique (toujours le diapason mouvant)
Le Schrammel quartet de Vienne et sa petite clarinette jouée par Georg Dänzer.
 
Comment passer de la clarinette Sib à la Mib ? Quelles sont les difficultés et les spécificités de jeu.

La clarinette étant plus petite (de 20 cm) la position habituelle des doigts est différente et cause nombre d’accidents et on entend en Mib et non plus en Sib ce qui est gênant. Puis il faut jouer avec le bout des doigts et ne pas avoir les doigts trop gros et changer les doigtés pour l’aigu et le suraigu par rapport aux doigtés appris sur la Sib. En fait il faut vraiment se spécialiser sur la petite clarinette pour bien en jouer.