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lundi 29 décembre 2014

Centered Tone Selmer : une clarinette de légende. Centered Tone Selmer : A legend clarinet.

Interview de José-Daniel TOUROUDE par René PIERRE.


R P : Cette clarinette des années 50, est devenue une clarinette de légende et continue à jouer depuis 60 ans malgré des clarinettes plus modernes.  Pourquoi ?
 JDT : Revenons dans le contexte des années 50 : La musique de jazz, les variétés, la musique classique, le rock… la musique était partout après la guerre. Après les années noires, il existait une soif de rattrapage de fêtes et de gaité dans un monde en pleine croissance économique et de consommation de masse. La demande explosait. Les musiciens tournaient à fond dans les boites, les bals, les studios de disques, les films… les orchestres de jeunes fleurissaient partout…. La fabrication d’instruments suivait.
La clarinette finissait son apogée mais restait encore un instrument incontournable dans toutes les musiques : classique, jazz, variétés, latino, klezmer, musique contemporaine… En France, Selmer était en compétition avec Buffet Crampon et Leblanc notamment sur le marché américain en pleine expansion et qui était solvable ! Buffet Crampon en 1950 sortait la R13 qui aura du succès notamment aux USA.. (cf notre article « Buffet au cœur » sur ce blog)
Leblanc avait une clarinette très prisée également notamment par les militaires et harmonies municipales à l’époque très nombreuses.













On compare souvent Selmer et Buffet Crampon mais Selmer a bâti sa stratégie différemment de BC.
Oui d’abord Selmer est né 60 ans après Buffet Crampon et je ne parle pas de la facture Noblet-Leblanc beaucoup plus ancienne. En 1844, la clarinette moderne système Boehm est inventée par A.Buffet (l’oncle) et fabriquée par BC et emporte de nombreux prix, une notoriété internationale et l’adoption par les plus grands solistes. En 1899, l’ exposition universelle, le grand prix est accordé à BC et cette récompense prestigieuse lui ouvre tous les conservatoires et écoles de musique et les fournitures officielles nationales et étrangères… BC semble indétrônable. D'autre part le monde de la clarinette était dominé par H. Klosé (le co-concepteur de la clarinette système Boehm), l’essayeur (chez BC), le pédagogue au conservatoire (la fameuse méthode), le virtuose.
Hyacinthe KLOSE.
En 1885 : 60 ans après les frères Selmer, (élèves de Klosé à Paris) vont se lancer dans la facture d’instruments. Alexandre fera carrière aux USA pendant que son frère Henri fera à Paris des clarinettes 13 clés, des clarinettes Albert, des anches, des cuivres, des guitares, tous les instruments à vent ... puis rachèteront Sax et Millereau. 1904 A. Selmer l'exilé américain (au Boston, puis NY Philharmonic…) va faire connaitre Selmer aux USA avec George Bundy et après la 1ère guerre mondiale se lancer à la conquête du marché des clarinettes haut de gamme. Selmer va cibler à la fois sur les saxophones (en 1922, il créera le saxo 22) et d’autre part les USA (notamment clarinette métal) et sa stratégie sera gagnante. Ils ne feront des cl modernes système Boehm pour les professionnels concurrençant BC et Leblanc bien plus tard
 Mais pourquoi Selmer a eu du succès surtout aux USA qui à l’époque ne l’oublions pas était le modèle de toute la jeunesse comme libérateur, par sa musique omniprésente, par son cinéma, par la société de consommation moderne qu'elle imposait ?
 Selmer était connu aux USA comme clarinettiste et la firme était aussi bien implantée comme facteur d’instruments haut de gamme avec des partenaires américains. Avec des instruments à forte notoriété,  justes, solides et fiables, une implantation aux USA, le label «made in France» à la mode synonyme de qualité dans le monde… tous ces arguments vont créer pour Selmer des parts importantes du marché mondial et cette marque va devenir la référence pour de nombreux musiciens.
Mais les clarinettes CT se sont vendues à cause du jazz et des saxophones. Il faut faire ce détour pour comprendre.
Tarif Selmer de 1932.
La notoriété de la CT de Selmer est donc lié au saxophone et l’aura de Selmer est liée à Sax l’inventeur du saxophone ?
Il faut rappeler un peu l’historique : Sax qui était clarinettiste et facteur de clarinette va inventer en 1846 un instrument le Saxo (bonjour l’égo!) qui octavie à perce conique facile à jouer, au son chaud et puissant (pas comme la clarinette qui quintoie, qui a une perce cylindrique et dont le son ne porte pas beaucoup)
Mais son succès et son déclin sont liés à Sax lui même: royaliste puis bonapartiste, celui ci a le monopole de la fourniture d'instruments et réorganise la musique militaire en imposant ses instruments dont les saxophones.
Le saxophone, nouveau venu curieux, aura une image d’instrument de fanfares militaires et civiles, de brass band, d’harmonies dans les kiosques, et sera plus ou moins acceptés par les autres musiciens.
Pourtant Sax directeur de musique à l’Opéra de Paris, qui était décidemment partout, aura eu une influence déterminante sur l’introduction du saxophone dans la musique classique : Berlioz bien sûr mais aussi Bizet et le fameux solo de l’arlésienne, Delibes, D’indy, Halevy, Massenet, Meyerbeer, Saint Saens, , … tous les grands compositeurs de l’époque utilisèrent ponctuellement ce nouvel instrument. Ainsi de nombreux clarinettistes jouèrent aussi du saxophone. Sax était un génie ambitieux mais aussi autocrate, faisant des procès à de nombreux autres facteurs, jouissant d’amis puissants mais aussi d’ennemis surtout à la chute de Napoléon III, son protecteur, quand la IIIème république arriva. Alors le succès du  saxophone déclina… mais rebondit avec une conquête des USA.

Elise HALL jouant du saxophone.
On voit bien que le succès de la clarinette CT aux USA est lié à la saga des saxophones Selmer dans ce pays ?
Clarinette et saxophones sont intimement liés pour cette marque. D’abord Elise Hall, une femme d’exception, fit connaître le saxophone classique aux USA et constitua le relais entre l’Europe et les USA. Puis la présence de Selmer aux USA et ses concurrents américains (notamment Buescher, King, Conn…) et enfin et surtout par l’appropriation du saxophone comme instrument incontournable du jazz grâce à Coleman Hawkins qui en fit le premier un instrument soliste puis plus tard Lester Young. (A l'exception du jazz New Orléans qui gardera la clarinette à part Sidney Bechet !)
Le jazz, musique populaire de danse, puis musique plus élaborée (Charlie Parker, John Coltrane…) sera mondialement connue et le saxophone emblème de ce genre de musique bénéficiera de cet engouement.

Parallèlement la clarinette CT Selmer de l’époque swing bénéficiera indéniablement du succès de son petit frère le saxophone Mark VI. 
La liaison entre saxophone et clarinette est donc étroite.
En 1936 le saxo Balanced Action sera le premier saxophone moderne et vu son succès aux USA, Selmer appellera sa clarinette Balanced Tone. En 1948 le saxo Super Action dominera le marché.
En 1954 création du saxo Mark VI et de la clarinette Centered Tone et succès immédiat aux USA.
En 1974 le Mark VII et les clarinettes serie 9 puis 10.En 1984 : le Superaction 80 (cf. article G. Badini) et la clarinette Récital de G. Dangain. Clarinettes et saxophones s’aidant mutuellement car souvent les mêmes instrumentistes jouaient des deux instruments, avec un transfert vers le saxophone pour les jazzmen et les variétés.
La Centered Tone est-elle alors une clarinette uniquement pour le jazz comme on l’entend souvent ? 
Absolument pas ! Au départ, elle a été prisée autant par les jazzmen célèbres que par des musiciens classiques. La clarinette CT a un son boisé, rond, bien centré, à perce large et va être adopté par les jazzmen (Albert Nicholas, Benny Goodman, Artie Shaw, Hubert Rostaing …) mais aussi par les musiciens classiques surtout américains et non des moindres.

D’ailleurs le grand ambassadeur de la Centered Tone et qui l’a propulsé à travers le monde était Benny Goodman et ce n’est pas un hasard ! car Benny jouait aussi bien la musique classique (Mozart, Weber, Copland, Nielsen , Bartok…) que du jazz . Beaucoup de jazzmen américains qui jouaient avant avec le système Albert ou Oehler allemand ont pris, après les deux guerres mondiales, les clarinettes « made in France » des alliés ou américaines (Conn…) en adoptant ainsi le système Boehm. La Centered Tone était prisée aux USA, Gérard Badini, qui était l’essayeur de Selmer et qui a vécu à New York en tant que jazzman, nous l’a dit (cf article Badini sur ce blog).


D'ailleurs lui même jouait sur Centered Tone en accompagnant Marilyn ! le veinard !!! (pompompidou !)

Mais néanmoins on voit rarement des musiciens classiques acheter des Centered Tone ?
Une distinction se fait depuis longtemps entre les musiciens purement classiques qui jouent Buffet Crampon ou Leblanc et les jazzmen qui jouent du jazz et de la variété avec Selmer.
C’est plus un mode de reconnaissance (en caricaturant : Conservatoireà musique classique à Buffet ou bien variétés, boites de Jazz à Selmer), qu’une caractéristique des qualités de leurs instruments . 
(Pour le saxophone c’est pareil : les Mark VI et VII de Selmer c’est pour le jazz, Buffet c’est le conservatoire et le saxo classique.) Une sorte de partage du marché conscient ou inconscient ? une stratégie marketing voulue sur des cibles différentes ou simplement une évolution non maitrisée ?  les avis divergent... certains rationalisant l’histoire après ! Mais il faut bien distinguer dans les années 50 et 60, que de grands clarinettistes classiques jouaient aussi sur Centered Tone car c’était simplement une bonne clarinette, et qu'on commençait à vouloir jouer avec un son plus rond. (bec plus ouvert, bec en cristal Pomarico…)

Lorsque Selmer a sorti sa clarinette Centered Tone, il venait parallèlement de sortir le saxophone Mark VI (avec le concours de Marcel Mule puis un peu plus tard le Mark VII avec Nouaux : 2 grands saxophonistes classiques !) 
L’engouement des jazzmen américains avec le Mark VI va créer une demande et une légende. Qui n’a pas joué sur cet instrument ?  Les saxophones étaient à la mode et présents dans tous les orchestres de danse du monde et vont supplanter la clarinette. Sidney Bechet, star de l’époque, va abandonner la clarinette pour le saxo soprano. Selmer ciblera ainsi la clientèle des jazzmen et des musiques de danse (rock, R&B, pop, funk, soul etc …) c’est vrai qu’une section de sax… ça pulse….
Mais la Récital a moins une connotation de jazz moins marquée que la CT. Pourquoi ? Pour moi l’image des musiciens sur tel ou tel modèle est lié autant au marketing de la marque qu’à sa subjectivité (jouer sur le modèle de son idole). En effet la Récital connaitra moins cette idée préconçue de clarinette de jazz, le conseiller technique essayeur et ambassadeur de la marque, Guy Dangain étant un grand clarinettiste classique mais pas un jazzman. La Recital est une excellente clarinette, plus polyvalente dans les esprits mais néanmoins utilisée aussi par les jazzmen sans avoir les connotations de la CT. Mais déjà c’était une autre époque, les jazzmen devenaient beaucoup plus techniciens et avaient souvent aussi une solide culture classique, voire étaient eux mêmes polyvalents (l’exemple français fut Michel Portal).
Marcel Mule.
On sous - estime la part de certains musiciens d’exception comme Marcel Mule car après tout il est un des co-concepteur du Mark VI le saxo préféré des jazzmen et du retour du saxophone classique en France ? En fait, il y a eu une interaction permanente entre la France : le créateur Sax, le facteur Selmer, le concepteur et musicien Mule et l’expansion faite par les USA. En France, La clarinette avait gardé son hégémonie dans la musique classique, le saxophone ayant été relégué à un rôle secondaire. Le saxophoniste solo de la garde républicaine Marcel Mule va relancer son instrument en ré-ouvrant une classe au conservatoire et en faisant sortir son instrument de ses deux ghettos : musique militaire et de fanfare et instrument vedette du jazz et des variétés en faisant connaître le répertoire classique mais aussi plus moderne (Milhaud, Tailleferre, Hindemith, Prokofiev, Honegger, Berg, Ibert, Britten, Villa Lobos, Tcherepnine etc…). Marcel Mule fera un quatuor de saxophone qui aura beaucoup de succès et fera de nombreux émules (Deffayet, Londeix, Rascher etc..) et qui susciteront de nouvelles partitions d’auteurs contemporains (Xenakis, Mefano, Berio, Stockhausen, Cage, Lemay…).  Mule fut un virtuose mais a eu aussi une importance décisive.
Quatuor  Mule : Marcel Mule (Sax sop.), George Gourdet
(Sas.alto), Guy Lacour (Sax. Ténor), Marcel Josse (Sax. Baryton)
Tu es clarinettiste, je suis saxophoniste et cela entraine une certaine oscillations dans nos discussions et dans l’orientation dans la musique que nous aimons et que nous jouons.  Qu’en penses-tu ?
Absolument, le clarinettiste même s’il joue différentes musiques est obligé d'apprendre la technique classique et s’il aime son instrument, il reste attiré par le répertoire de la  musique classique tôt ou tard. Comment ne pas aimer Mozart ! Le saxophoniste classique lui a contrario ne peut méconnaitre voire être attiré par l’écoute des grands jazzmen…Mais l’idole de Charlie Parker était bien Stravinsky !
Cette distinction est aussi présente dans les orchestres : il y a très peu de saxophonistes dans les orchestres classiques  (heureusement il y a des arrangements et des transcriptions). Mais vu le répertoire joué par les orchestres classiques dont la dominante demeure les musiques baroque, classique et romantique (donc avant la naissance du saxophone) ne permet pas la généralisation de cet instrument malgré des instrumentistes dans les classes des conservatoires régionaux et nationaux de très bon niveau. Par contre dans la musique de variétés et le jazz, c’est le contraire : la clarinette a presque disparu des orchestres remplacée par les saxophones. Certains saxophonistes de talent, souvent aussi clarinettistes, ont repris cet instrument ponctuellement pour certaines couleurs et atmosphère : des balades, bossa nova ( Lester Young, Art Pepper, Phil Woods…)

Eddie Daniels.
Bien sûr il y a encore quelques inconditionnels qui privilégieront toujours la clarinette au saxophone (tout en jouant fort bien de cet instrument) comme Buddy de Franco, Tony Scott, Eddie Daniels, Ken Peplowski, Hamilton, Jimmy Giuffre, Paquito de Rivera, et une jazzwoman de talent Anat Cohen…

Anat Cohen avec José Daniel Touroude au Duc des Lombards
(Novembre 2014)
La CT est une clarinette qui ne se fabrique plus mais qui est recherchée par des musiciens, comme le Mark VI en saxophone, mais pourquoi ?
Le son diront tous les musiciens (alors qu’objectivement le bec, l’anche, la cavité buccale de l’instrumentiste sont plus importants pour le son que l’instrument). Je pense que c’est surtout le romantisme, la nostalgie de la grande époque du jazz, la légende des plus grands qui ont joués sur ces instruments...Mais au fur et à mesure des années, le mythe s’accentue...
Publicité Selmer de l'époque CT.
Certains admirateurs de Benny veulent jouer uniquement sur CT, les admirateurs de Stan Getz sur Mark VII etc… pour retrouver le son et se mettre dans les pas de leurs idoles. René, quand tu m’as donné ta Centered Tone, j’ai joué de suite du Benny Goodman bien sûr, inconsciemment et pas du Brahms ! et pourtant elle  convient parfaitement pour jouer Brahms… moi même j’étais conditionné !
En fait, c’était une excellente clarinette qui va avoir ses partisans et une bonne longévité car de nombreux musiciens de jazz jouent encore sur Centered Tone ou sur Mark VI car c’est le son d’une époque essentielle pour le jazz : le swing, le bebop, la bossa nova…

Albert Nicolas jouant une centered tone.
(Photo J.P. Leloir)

Actuellement une Centered Tone en bon état, pas trop usée (car une clarinette s’use avec le temps et devient mauvaise contrairement aux cordes qui peuvent se bonifier avec le temps) vaut environ 1000€ entièrement révisée et c’est préférable à des clarinettes d’études dont je ne citerai pas les noms !  





Hommage à Buddy DeFRANCO qui vient de nous quitter ce 24 décembre 2014, à 91 ans.













lundi 14 avril 2014

Quelques conseils à des jeunes clarinettistes prometteurs : Transfert d' expériences.

par Touroude José-Daniel
L’objectif est de partager ce que certains grands clarinettistes m’ont enseigné…
 La différence entre le son produit et le son écouté
Écouter un morceau de clarinette paraît simple mais subjectif car elle est la résultante de nombreuses interventions. Voici quelques conseils nés de la pratique et transmis par de grands clarinettistes aux cours de master-class qui m’ont été fort utiles. Premièrement vous avez bien travaillé et vous êtes prêt à jouer devant un public qui va vous écouter. Mais vous devez vous poser quelques questions préalables autour du thème : Le musicien amateur, et a fortiori professionnel, devra analyser chaque composante car en effet plusieurs facteurs et acteurs interagissent.
Eddie DANIELS
D'abord le compositeur qui écrit une partition pour exprimer quelque chose, pour rechercher des couleurs, des nuances, un son parfois très particulier (exemples glissandos notamment pour Gershwin et Artie Shaw, les ¼ de tons de la musique contemporaine, les growls…) Le musicien doit être l’interprète de ses intentions.
Ecouter les deux versions du Concerto d'Artie Schaw.
Concerto d'Artie Schaw par Philippe Cuper
Le même concerto par Artie Schaw.
D’accord certaines oeuvres sont insipides même avec le meilleur clarinettiste ! D'autres chantent toutes seules, certaines sont écrites n'importe comment, d'autres coulent facilement grâce à la connaissance de la clarinette par le compositeur. Ainsi Mozart, Weber, Brahms... connaissaient parfaitement, grâce à leurs amis clarinettistes, les possibilités et les limites de l'instrument.
Se replacer dans le contexte, dans la personnalité du compositeur, dans l’écriture et l’analyse de l’œuvre sont essentiels. Je me rappelle que dans certaines master-class, on analysait et on écoutait plus d’explications qu’on jouait de notes ! notamment lors de stages de musique contemporaine où chaque son parfois étonnant crée souvent des analyses longues et parfois très intellectuelles et acoustiques… Mais le pire est d’avoir le compositeur au 1er rang ! et qui vous écoute avec sa partition. Là il faut regarder l’horizon ou se scotcher sur sa partition…
Clarinette "Spirit" de Leblanc.
2° La qualité de l’instrument : il y a des clarinettes à tous les prix, dans tous les matériaux et avec des qualités très diverses. Il y a beaucoup de subjectivité sur les marques car n’oublions pas que le son de la clarinette provient plus de la perce (polycylindrique actuellement) que du matériau utilisé… mais ce principe rappelé, certains préfèrent le bois d’autres des matériaux composites (green line) voulant remplacer le bois à forte densité… Le débat reste ouvert, quand aux marques, c’est vraiment subjectif et toujours l’objet d’âpres discussions.
Cela dépend de votre morphologie et du style de musique (les jazzmen préfèrent Selmer, les classiques Buffet Crampon, ou Leblanc…pour rester que dans la facture française). L'état et le fonctionnement de l'instrument est aussi fondamental (exemple : des petites choses insignifiantes mais qui en concert peuvent s'avérer fatales : un ressort qui ne répond pas assez bien, un liège décollé qui entraîne un cliquetis de castagnettes à chaque mouvement de la clé, un tampon usé qui garde l'eau et fait trembler la note etc...)

Le clarinettiste doit être un peu maniaque avec son instrument. (je ne remercierai jamais assez René Barras clarinettiste solo des concerts Lamoureux et de l’armée de l’air d’avoir été si tatillon pour m’intérioriser cette notion). Mais le son n’est pas principalement lié à la qualité de la clarinette mais au clarinettiste. Il faut toujours nettoyer son instrument avec un écouvillon (entre les mouvements) même devant le public car pour des raisons visuelles c’est préférable que de faire goûter des gouttes de salive/condensation de l’air humide de sa clarinette devant tous mais aussi pour des raisons techniques afin que le son ne soit pas altéré.
Jacques Lancelot.
La valeur du clarinettiste, notamment de son embouchure (l’essentiel pour Jacques Lancelot), c'est à dire l'adéquation du bec et de l'anche avec le clarinettiste qui va produire l'émission de la colonne d'air. Selon l’hygrométrie et votre tonus, l’anche impeccable de la veille ne sonne plus de la même façon… certains ont des véritables rituels en la passant sous l’eau chaude du robinet avant de jouer, d’autres l’humectant dans la bouche x temps…  d’autres en ayant leur boite d’anches régulièrement jouées, mouillées et annotées selon leurs qualités…. et faisant 1/4heure de sons filés avant de jouer les gammes en tierces et les arpèges brisés ! (merci à l’autrichien A. Prinz clarinette solo de l’orchestre de Vienne qui tant qu’on avait pas le son adéquat avec l’œuvre présentée, ne permettait pas que l’on joue !)
Benny Goodman passait toujours des heures avant de trouver la bonne anche et le son qu’il voulait mais d’avoir été perfectionniste lui a permis de jouer n’importe où, même dehors à Central Park ! ah quel souvenir ! Écoutez le début du concerto de Copland par Benny, c’est une référence d’un beau son de clarinette.
Le clarinettiste doit maîtriser son trac, respirer, faire de la gymnastique faciale pour détendre sa cavité buccale pour avoir un beau son, voire faire des vocalises comme un chanteur. Évidemment des petites maladies comme les rhumes, mal aux dents, sinusite, otite etc….vont perturber le son et peuvent avoir de conséquences importantes. Être clarinettiste c’est aussi maîtriser la technique de l’instrument, posséder des capacités respiratoires (le travail de respiration abdominale et le taux d’oxygénation sont essentiels) et auditives pour corriger, en temps réel, les sons produits. Pour cela il faut travailler, s’enregistrer sans cesse et s’écouter ! mais en sachant que le public va entendre autre chose ….
Nouvelle salle de concert de 2400 places à La Villette pour la Société
Philharmonique de Paris.
4° Les qualités acoustiques du lieu où l'on joue (plein air, bonne ou mauvaise salle, trop grande avec un retour du son plus ou moins bien perçu par l'instrumentiste qui ne peut adapter son jeu...). Les sons sont filtrés par la distance et le pouvoir directionnel de la clarinette. Jouer en bougeant ne donne pas les mêmes sons pour l’auditoire et il faut éviter de tourner l’instrument à gauche et à droite. En effet le spectre sonore subit des déformations et en changeant de position en cours de jeu, les angles de réflexion des sons changent, le rayonnement est différent, la réverbération rajoute du flou et enveloppe les sons. Par exemple le jazzman Eddie Daniels va fixer un micro sur sa clarinette, ce qui lui permet de bouger. Mais jouer raide comme un piquet n’est pas très visuel pour le public, ni de faire des contorsions de charmeur de serpent comme certains !
La réverbération de la salle est aussi importante, certaines salles ont une acoustique formidable et d’autres couvertes de moquettes, de fauteuils moelleux et de tapis au contraire sont des véritables éteignoirs de son et on a alors l'impression de jouer sous des couvertures ! Toujours frustrant. Je sais chez vous c’est différent ! et dans une salle de bains, tout le monde a un son clair et lumineux valorisant mais tellement trompeur sur sa sonorité réelle. Répéter en salle vide puis jouer en salle pleine est toujours source de désillusion, le son n'est plus le même ! et vos pianissimi délicats en salle vide deviennent un petit son étouffé que l’on entend plus au 10ème rang lors du concert une fois la salle pleine.
Selon la place aussi que l'on occupe dans la salle, le retour du son sera différent et le clarinettiste n'aura pas le même son. (Nous avions beaucoup travaillé avec l’anglais G. De Peyer cette notion dans l’église de Saint François d’Assise à Assisi en Italie… où on a joué dans tous les endroits même les plus incongrus pour écouter les différences ! très révélateur…)
Gervas de PEYER.
 
Août 1986, festival Assisi :Gervas de Peyer et José Daniel Touroude.

5° La température est aussi importante pour la variation du son. La clarinette froide est fausse et il faut 5 minutes pour la chauffer (au départ entre l'air chaud expulsé et la clarinette froide, il peut y avoir 10° de différence !). La clarinette peut jouer dehors dans le froid mais elle baisse facilement d'un quart de ton et surtout cela déséquilibre la justesse des notes entre elles. La célérité du jeu augmente avec la température ce qui entraîne une augmentation de la fréquence donc de la hauteur des notes. Ceci est problématique quand on change l’instrument au cours du concert voire du morceau !  
Le clarinettiste borgne par José Claude Frappa (1854-1904).

6° Les autres musiciens avec qui il faut toujours s'accorder dans tous les sens du terme. D’abord dans le sens du même diapason à 440 Hz, ce qui est dorénavant plus facile sauf si certains ont des instruments anciens ! mais aussi s’accorder dans l'interprétation musicale ce qui est plus difficile surtout si on a peu de répétitions et enfin surtout s’accorder psychologiquement dans la confrontation des personnalités ce qui est encore beaucoup plus ardu, les egos des musiciens étant parfois assez importants !  C’est vrai qu’on ne peut s’exposer sur scène et prendre des risques sans cesse et avoir une  personnalité introvertie et avoir envie de passer inaperçu. Jouer les quintettes de Mozart, Weber, Brahms, Reger, Hindemith… avec un quatuor à cordes constitué qui a son mode de régulation est toujours source de discussions parfois véhémentes ! De toutes façons, les autres musiciens jouent toujours trop fort ! et couvrent la qualité de vos nuances et de votre sonorité.
(Merci à Jean Pasquier du trio Pasquier de nous avoir martelé ces notions essentielles de la musique de chambre sur le fait de s’accorder sans cesse dans tous les sens du terme). Il faut aussi s’accorder avec le public. Jouez vous pour lui ou pour vous ou pour suivre un programme établi par d’autres ? De toutes façons, une pièce mettant en valeur un beau son emportera tous les suffrages...
7° L'auditeur en concert qui a des capacités auditives et / ou musicales très variées, parfois limitées et qui peut en plus émettre des bruits gênants (toux, raclements de fauteuils, voire bavardages...). L’auditeur est-il intéressé ou non par la musique et par la clarinette, au moment où vous jouez ? Parfois c’est dur de convaincre pour le musicien, certaines musiques sont ardues. (« Mais c’est ton job de séduire et de convaincre ! » indiquait le clarinettiste suisse Thomas Friedli). L’auditeur est-il perturbé par la vue, un détail vestimentaire des musiciens ou écoute t-il vraiment la musique ? Jouer avec une chanteuse jeune et jolie qui a une jupe fendue et un décolleté vertige est une épreuve pour le clarinettiste qui joue le trio de Schubert !
Par contre si on joue du Benny Goodman, cela stimule le swing…Les qualités de perception auditives sont différentes pour chaque mélomane et ses conditions d'écoute varient selon les moments.
8° L’auditeur solitaire:
D’autres facteurs sont à prendre en compte si on écoute la musique indirectement. Les qualités des micros ou de l'enregistrement sont alors fondamentales. Les manipulations de l'ingénieur du son vont encore modifier le timbre émis et bonifier la sonorité, réduire les fréquences et les imperfections voire les erreurs de l'instrumentiste. La qualité des supports deviennent essentiels (chaine hi fi, poste de radio, disques, enregistrements numériques...) et les bruits qui entourent la réception de la musique. Chaque maillon de la chaine peut modifier, voire déformer le son attendu et/ ou produit.
Écouter de la musique est vraiment subjective. Le plaisir que l'on en retire encore plus !
La vie ne peut s’accompagner qu’avec de la bonne musique et comme disait le poète Verlaine « de la musique avant toute chose ».  Maintenant il faut arriver à l’avance, connaître la salle et régler tous les problèmes pratiques… et il y en a !  Ne comptez pas sur les autres et vérifiez tout sans cesse (la chaise, le pupitre, les partitions, les lumières etc…) car sinon vous aurez des surprises et le son produit malgré tous vos efforts sera parasité et ne sera plus le son que le public doit écouter. 
Maintenant à vous de jouer….  et beau son !

Ensemble de clarinettes de Paris.
Ensemble de Clarinettes Jacques Lancelot
dirigé par Pierre Yves LEBON.





samedi 20 mars 2010

Léon LEBLANC (1900-2000) fabricant de clarinettes à La Couture-Boussey.

L'idée de construire une base généalogique des facteurs d'instruments de musique de la Couture Boussey, fait son chemin et porte ses fruits. La publication de cette base sur généanet et les différents articles écrits sur ce sujet, nous ont permis de rencontrer des généalogistes descendant de facteurs.

C'est le cas de Christian et Nicole CHENESSEAU, cousins de Léon LEBLANC et qui très spontanément nous ont envoyé ces photos, ainsi que la généalogie de leurs familles dans laquelle on trouve des HOTTETERRE, DESCHAMPS, LEBLANC........

Qu'ils soient remerciés pour leur gentillesse

Courrier de 1926, de Georges LEBLANC (1872-1959) à la Maison COURTOIS .
Coll. RP

Photo de 1906 où l'on peut voir Georges LEBLANC, son épouse Laure Clémence JEUFFROY (1875-1965) et Léon LEBLANC à six ans. Coll. N.C. CHENESSEAU.

Usine LEBLANC en 1922. Coll. N.C. CHENESSEAU


Georges (à l'orgue) et Léon LEBLANC (à la clarinette) vérifient la justesse des instruments.
A noter que l'orgue utilisé a été légué au Musée de La Couture.
Coll. N.C. CHENESSEAU.


Si vous voulez consuler la généalogie de la famille Leblanc.