par José-Daniel Touroude.
Notre objectif est d’essayer de répondre à la question posée aussi bien dans les sciences sociales que par les collectionneurs et les musiciens.
Pourquoi a-t-on vu la création de pôles importants de fabrication d’instruments de musique émerger à tel endroit, parfois dans des villages et petites villes excentrés, et pas ailleurs ?
La récente soutenance de thèse à la Sorbonne d’Emanuele Marconi consacrée à la Couture Boussey a permis d’en éclairer et d’en illustrer certains aspects. Nous allons retracer le passage progressif, durant 3 siècles, de l’origine d’un artisanat rural primaire et ponctuel et de son évolution (d’où le concept de proto-industrialisation) pour s’orienter vers les manufactures d’instruments sophistiqués (pré-industrialisation) avec la mobilisation de la population locale puis vers la révolution industrielle (industrialisation).
Mais
l’histoire commence toujours par l’interrogation sur les origines et celle-ci
n’est pas toujours scientifique ! Les hommes veulent souvent créer des récits
distrayants voire merveilleux qui élucident des faits passés, des ressentis
plus ou moins réels en les amplifiant, voire en les détournant. Ainsi pour
commencer, démystifions les merveilleuses légendes racontées, et même publiées,
sur des origines de la spécificité de la facture d’instruments et qui à force
d’être répétées arrivent à se figer comme vérités historiques : Mirecourt,
Crémone, Markneukirchen, la Couture Boussey, Mittenwald… ont leurs contes
parfois assez loin de la vérité mais tellement attirants !
Forêt de buis |
Prenons
par exemple le pôle de la Couture Boussey et de sa région avec une histoire
connue et répétée. La première explication, qui est crédible, part d’un
avantage comparatif majeur, à savoir des forêts de buis qui entouraient le
village de la Couture Boussey et qui avaient donné son nom au village (Boussey
voulant dire buis). Ce bois abondant suscitait naturellement une spécialité
traditionnelle et ancienne de tourneurs sur bois qui s’appliqua plus tard pour
les instruments à vent. Si au début cela semble plausible voire probable, c’est
exagéré vu la croissance lente des buis, il a bien fallu en trouver ailleurs.
Nous
avons des exemples analogues avec les bois de Füssen en Allemagne, haut lieu de
la facture des luths, ou bien des épicéas et érables autour de Crémone en
Italie qui ont permis un essor de la lutherie des instruments à cordes avec les
géniaux Amati, Stradivarius, Guarnerius etc… Au début cet avantage comparatif
local avait sans doute permis et généré une activité spécifique de fabrication
d’instruments de musique en bois dans certains lieux.
Nous
avons aussi souvent un narratif, plus ou moins véridique, dans les apparitions
artisanales locales grâce à une personne illustre à l’origine des activités.
(Exemple le luthier Caspar Hopf à Graslitz puis à Markt Neukirchen …). Ainsi on
enjolive un récit qui se raccroche à des célébrités qui ont eu un impact
décisif et à qui on doit rendre hommage (un ancêtre de la communauté)
Photo de Stradivarius à Crémone |
On
explique aussi l’origine des activités par la proximité d’un fait historique,
ou d’une personnalité connue qui ont permis même indirectement, une certaine
prospérité et notoriété de la ville.
Ainsi les fêtes au château d’Anet, proche de la Couture Boussey, où Diane de Poitiers aurait eu besoin de flûtes et flageolets pour ses orchestres et ainsi susciter une demande locale pour des tourneurs sur bois. Il n’y a pas de facteurs d’instruments sans musiciens civils et militaires et sans concerts et fêtes qui sont indispensables pour créer une demande. Cette histoire est sans doute une extension d’un fait ponctuel car à part des chansons et poèmes connus célébrant la maitresse du roi Henri II à Anet et à quelques concerts, rien n’indique qu’il y avait un orchestre permanent, ni que cela ait généré un début de facture d’instruments à vent autour du château.
Henry IV à la bataille d'Ivry "Ralliez-vous à mon panache blanc" |
Et puis il y a aussi la fameuse bataille d’Ivry d’Henri IV, proche de la Couture Boussey, où les paysans des alentours auraient ramassé des flûtes et fifres des mercenaires allemands et suisses décédés. Habituellement et c’est un fait connu, qu’après une bataille, les armées victorieuses et les populations locales incinéraient les morts et dépouillaient les soldats. Que la facture d’instruments à vent commence par cet évènement est plausible car pour un tourneur sur bois, habitué par exemple à faire des robinets en bois pour les tonneaux de vin, il est possible de reproduire des instruments simples si on a des exemplaires comme modèles, ou tourner des bagues en os ou en corne. Sur ce fait historique, est-ce qu’on n’a pas greffé une explication plus romanesque sur l’origine de la facture à la Couture Boussey et de ses environs ?
Ces exemples nous montrent que tous les pôles ont des histoires qui embellissent et donnent une explication possible et qui répondent à l’interrogation sur les origines.
Après
les origines, étudions l’évolution au début modeste mais qui va déboucher sur
des pôles qui vont inonder le monde entier de ses instruments. On peut
distinguer trois étapes qui parfois se sont enchevêtrées selon la rapidité de
cette évolution linéaire.
1ère étape :
Quels furent réellement les déclencheurs de cette première étape vers
l’activité artisanale instrumentale qui ont permis de passer des champs à un
atelier sommaire d’abord ponctuel puis installé ? Cette première matrice d’une
facture, était certes élémentaire et sous-traitante, mais elle a généré la
première proto-industrialisation.
D’abord les
avantages naturels évidents comme, par exemple, la présence pour l’énergie des
moulins à eau ou à vent, les matières premières locales (transformation des
terres comme la porcelaine ou la poterie, des minéraux comme le fer créant la
métallurgie, des produits agricoles à transformer notamment le lin et la laine
engendrant les tissages, des arbres et du bois adéquats pour les instruments de
musique etc…)
Thibouville à Ivry (Coll RP) |
Souvent il y
avait aussi des traditions artisanales ou un savoir-faire spécifique antérieur (ainsi
les luths, violes de gambe, rebecs en Italie notamment à Crémone qui vont
évoluer vers le violon), ou les chalumeaux, hautbois, flageolets et flûtes
baroques vers des instruments à vent plus sophistiqués. En fait, le progrès
technique n’était pas si lent à se diffuser grâce à la mobilité des musiciens
et des compositeurs exigeants, des facteurs compagnons mobiles (tour de France)
et le brassage des populations dû aux guerres et aux immigrations permanentes.
Fabricant de boites à musique à Mirecourt. (Coll. RP) |
L’organisation du travail était flexible, saisonnière selon
le tempo des agriculteurs basé sur le rythme de la nature. Les moyens de
production et les outils étaient simples et appartenaient aux producteurs.
Fiscalement, ils restaient paysans et non pas artisans (avec leurs taxes
spécifiques). Les activités artisanales domestiques (de domus = maison) étaient
faites avec toute la famille dans la ferme (avec les femmes et les enfants, les
ouvriers agricoles et domestiques), et ce travail complémentaire et discontinu
pendant les temps libres des travaux agricoles, permettait un appoint de
revenus additionnels. Mais l’autonomie, la mobilisation et la motivation
dépendaient de chacun.
Atelier d'un canut à Lyon, lieu d'une multi-activités Parfois fabrication d'instruments de musique. |
La pluriactivité existe encore dans certaines régions (montagne, bord de mer…) où certains ont plusieurs métiers, selon les besoins et les saisons, et l’activité principale ou la plus lucrative sont parfois difficiles à distinguer.
La position avantageuse sur des axes routiers ou des voies navigables, reliant des grandes villes proches et des marchés, permettait de se lier à des marchands - facteurs qui écoulaient la production. Ceci a été démontré pour la plupart des biens (tissage notamment). Le succès venant, les demandes augmentaient et créaient des liens solides entre donneurs d’ordres de la ville et producteurs ruraux sous-traitants. Ainsi Brescia et Crémone en Italie sont proches de Milan, Mittenwald est situé sur la vieille route commerciale entre Venise et Augsbourg, Markt Neukirchhen en Saxe pas trop loin de Dresden sa capitale, la Couture Boussey de Paris etc… Mais le fait qu’une partie d’un village ou d’une petite ville ait pu se mobiliser et se spécialiser pour un type d’activité spécifique, à savoir la facture d’instruments de musique, avec ses leaders entrepreneurs et une main d’œuvre disponible à faible coût, est quand même rare.Le colporteur (Coll. Musée du Louvre) |
L’impulsion
pouvait venir aussi de personnalités entreprenantes parfois endogènes (un menuisier,
tourneur talentueux et motivé par la musique, qui décidait de se spécialiser
sur ces objets, se formant à l’extérieur (apprentissage, tour de France) et qui
venait s’installer, créant une dynamique villageoise et des emplois voire une
notoriété internationale. (Exemple le luthier Vuillaume à Mirecourt)
Jean Baptiste Vuillaume de Mirecourt. |
Parfois ce
sont des personnes extérieures (par exemple les immigrés tourneurs - facteurs
allemands amenant un savoir- faire (Amlingue, Geist, Keller etc…) ou d’autres
provenant d’autres régions de France (l’alsacien Proff qui se fixe à Tours,
Kreitszchmann de Markneukirchen qui se fixe à Strasbourg etc... ou les 12
luthiers de Graslitz en Bohème autrichienne émigrant en Saxe qui créent le
principal pôle d’instruments de musique du monde à Markt Neukirchen.)
Ces premiers artisans professionnels s’installaient comme facteurs à temps complet, souvent liés entre eux (par exemple les familles entrecroisées de facteurs à Lyon ou à la Couture Boussey) et se différenciaient du monde agricole mais restaient liés au monde rural pour des travaux simples de sous-traitance. C’est cette symbiose entre artisans professionnels (luthiers, facteurs) et la mobilisation d’agriculteurs- artisans ponctuels qui va permettre de créer et développer ces pôles de fabrication.
Certains au départ sous-traitants vont devenir de plus en plus professionnels et ces nombreux artisans spécialisés, qui auparavant ne faisaient qu’une partie de l’instrument et qui donnaient la finition donc l’estampille et la vente (et les profits !) à d’autres, vont s’établir à leur compte réalisant entièrement les instruments avec une diversification des produits de plus en plus qualitatifs qui garantissaient la crédibilité, l’expansion et l’évolution des pôles instrumentaux.
Nous connaitrons ainsi une multitude d’artisans facteurs locaux liés entre eux souvent par mariages (les collectionneurs raffolent de ces estampilles différentes entrecroisées). Ces activités artisanales de qualité vont créer de la richesse et les conditions pour une évolution.
2ème étape :
De l’atelier artisanal à la manufacture : une pré-industrialisation
Cette évolution s’est intensifiée et a été possible grâce à une demande civile et militaire qui évoluait quantitativement (par exemple avec l’expansion des clarinettes) et qualitativement (nombre de clés…). Certains facteurs et marchands des grandes villes intervenaient pour accélérer la production des parties basiques des instruments, grâce à un financement (par des avances et des crédits), par l’achat de matériels (forges plus modernes, tours à bois…) et d’outils (célèbres pour les métiers à tisser dans d’autres régions), fournissant des machines de plus en plus efficaces, mais aussi des matières premières (des produits importés comme des soieries et cotonnades, ou de l’ébène et laiton. (Ainsi pour les clétiers, on leur apportait des plaques de laiton pour les clarinettes ou d’argent pour les flûtes et les modèles à reproduire pour fabriquer les clefs) pour faire à façon, avec un paiement à la pièce du travail fini après un contrôle qualité.
Cette
collaboration se formalise de plus en plus avec des contrats précis (cahiers de
charges sur la production) et les luthiers et facteurs se réservaient certaines
tâches techniques spécialisées complexes (finisseurs et régleurs, essayeurs des
instruments par des musiciens confirmés) pour satisfaire la qualité demandée.
Cette
activité a permis une véritable transformation de la vie locale. Les habitants
commencèrent à traquer le temps libre pour travailler plus, pour épargner afin
d’améliorer leurs conditions de vie, pour pouvoir se marier et élever leurs
enfants correctement (ascenseur social) et surtout pour consommer (il y avait
beaucoup de nouveaux produits importés (tabac, thé, sucre, café créant des
besoins addictifs dans les campagnes, des dépenses aussi afin d’améliorer son
statut social avec des vêtements plus pratiques ou pour affirmer son identité,
un confort domestique amélioré avec de nombreux objets etc…). En effet il fallait
se distinguer des autres, se positionner dans le village pour se différencier
du prolétariat rural et des domestiques mais pour avoir tout cela, il fallait
avoir soit des activités lucratives artisanales et/ou commerciales, soit une
belle exploitation agricole soit d’autres métiers lucratifs…
Usine Couesnon en 1891. (Coll. RP) |
Bien sûr les caractéristiques de la 1ère étape antérieure de la proto-industrialisation vont encore parfois subsister (organisation rurale afin de générer des revenus complémentaires et d’utiliser les temps morts des saisons non agricoles à domicile avec paiement à la pièce) mais cela va vite évoluer et se complexifier.
La proto-industrialisation était très flexible, suivant les marchés, donnant du travail et des revenus ou non aux sous-traitants qui faisaient l’essentiel du travail selon les commandes, les paiements étant fixés à la pièce. Grace à cette flexibilité, les artisans et leurs sous-traitants constituaient les amortisseurs de ce système et subissaient les aléas de la conjoncture à savoir pics d’expansion et de commandes et crises cycliques (par exemple dues aux guerres en Europe)
Avec le succès et la demande accrue,
l’extension des activités artisanales diversifiées à la communauté villageoise
était logique et a mobilisé une partie de plus en plus grandissante de la
population sur ces activités. Cela demandait une organisation et une division
du travail qui allait s’opérer en fonction des aptitudes et formations des
ouvriers spécialisés. Les lieux de fabrication éclatés des sous-traitants
artisanaux sont d’abord regroupés dans le même village puis dans un même lieu à
savoir la manufacture (de manu = main montrant la part importante encore du
travail manuel).
Usine Julliot à La Couture-Boussey. (Source RP) |
Car fabriquer un instrument devient de
plus en plus complexe et demande des savoir-faire différents (par exemple la
fabrication d’une clarinette à 13 clés puis la clarinette moderne système Boehm
en ébène faite en série n’a plus rien à voir avec la fabrication artisanale
d’une clarinette en buis à 5 clés).
Cette organisation du travail, avec
des outillages, des machines et des matériaux différents, engendrait plus
d’efficacité et devenait moins aléatoire car elle intégrait peu à peu des
sous-traitants mieux formés, plus spécialisés et professionnels grâce à
l’amélioration générale des savoir-faire par la pratique et les apprentissages.
D’autres moins formés seront cantonnés
à des tâches plus simples et resteront ouvriers, tâcherons, sous-traitants pour
les facteurs.
Mais les bénéficiaires de ces
activités étaient surtout les facteurs finisseurs qui connaissaient
l’emplacement des trous et des clés, connaissant l’acoustique, et bien sûr
aussi où se situaient les débouchés, les clients et devenaient ainsi plus ou
moins marchands ou facteurs reconnus avec pignons sur rue. Ces bénéfices
allaient permettre soit de vivre mieux comme un bourgeois pour certains
facteurs, soit se diversifier dans d’autres branches (certains facteurs
abandonnant la facture pour
Exemple : la manufacture d'Adolphe Sax. (Source RP) |
Ainsi les facteurs d’instruments à
vent de la Couture Boussey étaient liés souvent à un magasin de vente à Paris
(estampilles de presque tous mettant A Paris, d’autres Wien (Vienne), Dresden,
Prague…). Certains facteurs locaux ont aussi fait connaitre leur ville avec une
notoriété internationale de leur lieu de production (Mirecourt, Crémone,
Markneukirchen, Graslitz, la Couture Boussey…)
|
Atelier Couesnon à Garenne en 1890. (Source RP) |
Ces activités allaient avoir des
répercussions importantes dans les sociétés rurales, car l’autarcie reculait et
ces activités non agricoles permettaient de se procurer plus de ressources et
de consommation. Ceci va favoriser la croissance démographique et
paradoxalement freiner l’exode rural car il y avait des emplois sur place.
Certains pouvaient s’enrichir un peu et élaborer une accumulation primitive de
capital qui allait engendrer des investissements et la création d’ateliers plus
conséquents voire à terme des manufactures.
Certains marchands et facteurs plus riches s’installèrent dans la région au plus près de leurs sous-traitants et investirent pour devenir chef d’entreprise. Le rôle des marchands était crucial créant au départ un troc avec des produits, organisant des prêts et l’endettement de certains pour les inciter à consommer plus afin qu’ils produisent plus encore…
Le salariat au départ modeste va se
développer. La manufacture était donc un mode mixte de production à mi-chemin
entre la proto-industrialisation de la période précédente et la production
industrielle à grande échelle de la 3ème étape du XX° siècle.
Atelier Buffet-Crampon en 1890. (Source RP) |
3ème étape : De la manufacture à
l’usine : l’industrialisation
Lors de la première étape, nous avons
vu que les paysans contrôlaient leur travail ponctuel artisanal avec leurs
outils, les facteurs-marchands commandaient des parties d’instruments, parfois
fournissaient des matières premières et achetaient la production, ce qui
constituait un appoint de revenus mais les paysans -producteurs restaient
maitres de leur organisation et de leur temps productif artisanal.
Puis dans une deuxième étape, les
facteurs-marchands demandaient d’accélérer et de fournir plus de production.
Pour cela, ils vont intensifier des prêts, faire acheter des moyens de
production plus performants, procurer des matières premières, fournir des investissements
importants. Ainsi ils organisaient et contrôlaient mieux la spécialisation du
travail. Les ateliers
Nous arrivons aussi à la 3ème étape
plus capitaliste où certains vont regrouper des ouvriers spécialisés en
quelques tâches, des sous- traitants et artisans déclassés dans un même lieu de
travail appelé usine, en divisant le travail en tâches plus simples et
répétitives, en fixant le temps de travail, augmentant les cadences et
subissant une hiérarchie avec un salaire.
La facture artisanale devenait industrielle, avec des outils et des machines plus modernes et performantes, une formation et un savoir-faire plus spécialisé à certaines parties de l’instrument… Le taylorisme envahissait tous les secteurs de la production de masse industrielle (des automobiles Ford à la cuisine élaborée d’Escoffier dans les palaces…) Ceci entrainait une plus grande efficacité, une économie d’échelle et une production plus régulière et normative dans les instruments permettant d’améliorer la qualité, la rapidité d’honorer certains marchés notamment l’export en pleine expansion mais constituait un prolétariat ouvrier détaché du monde agricole et domestique de la proto-industrialisation et même de l’artisanat de la période précédente. Ces usines se mécanisaient de plus en plus et captaient la valeur produite (la plus-value) ce qui permettait des investissements pour une production de masse demandées pour les harmonies civiles et militaires et l’export.
Puis la facture instrumentale va connaitre, après sa période d’évolution et d’expansion, une série de crises liées à la conjoncture (la guerre civile de sécession aux USA) puis un déclin voire pour certains un arrêt pratiquement complet. La première guerre mondiale et ses millions de morts, puis la crise économique des années trente, les conflits sociaux. Ainsi les exportations massives à l’étranger (par exemples un pic de 80% de sa production pour la Couture Boussey notamment aux USA, le même phénomène à Markneukirchen) vont se tarir, d’autant plus qu’il y avait de nouveaux concurrents d’autres pays produisant aussi... (exemple la facture américaine)
Pour contrer la baisse des profits et
la concurrence industrielle, comme dans les autres secteurs d’activités, une
des solutions avec l’augmentation de la productivité est la concentration
d’entreprises par des fusions-acquisitions. Ainsi la plupart des manufactures
ayant eu leur période de gloire se sont fait racheter pour s’intégrer à des
groupes productifs plus performants. Seuls les collectionneurs connaissent
leurs aventures, les successions, les fusions etc….
Avec la 2ème guerre mondiale et la
difficile reconstruction, quelques entreprises vont surnager et profiter du
boom vers l’exportation des trente glorieuses et le marché mondialisé, certains
vont continuer (exemple : Leblanc à la Couture Boussey …) avant de disparaitre
à leur tour. Nous connaitrons le même phénomène dans les autres pôles étrangers.
Mais à Mantes, deux groupes financiers français d’importance (Selmer et Buffet Crampon) vont peu à peu se diversifier en rachetant d’autres entreprises en France et à l’étranger et prendre la quasi-totalité des marchés intérieurs des harmonies civiles et militaires, les orchestres prestigieux, les conservatoires et se positionner comme leaders d’un marché mondialisé pour les instruments à vent.
Beaucoup d’anciens pôles de
fabrication autrefois renommés et fondamentaux n’ont pas pu suivre les
évolutions modernes. Pourtant il existe encore des entreprises qui s’accrochent
avec des niches comme les fameux hautbois de Marigaux à la Couture Boussey ou
certains luthiers toujours en activité par exemple à Markneukirchen…
Mais ces anciens pôles de production appartiennent au passé et rappellent leurs apogées et les péripéties de leurs histoires dans des musées (exemples : les Musées de Markneukirchen, de la Couture Boussey, de Mirecourt etc…), pour que le patrimoine soit montré avec des instruments témoins, et devenir un lieu privilégié et nostalgique pour les musiciens, mélomanes et collectionneurs curieux du patrimoine.