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La découverte d'un beau flageolet
en ébène et ivoire, sans clé d'un certain COLLINET nous a
incité à faire des recherches sur ce facteur ou marchand ?
C'est un très grand flageolet
puisqu'il mesure : longueur totale 506 mm et longueur du sifflet à l'extrémité
inférieure 312 mm La note obtenue tout ouvert est Si (440) et Si (octave
inférieur) tous les trous bouchés. En fait, le père Edme COLLINET
et le fils Hubert COLLINET étaient très connus dans la première moitié
du XIXe siècle comme virtuoses du flageolet. Edme COLLINET est né à Semur en
Auxois en Côte d'or le 10 novembre 1765. Son père Edme COLLINET
(1741-1798) était perruquier à Semur. On ne sait pas si le jeune Edme jouait de
la flûte à Semur, mais lors de son mariage le 22 avril 1793 avec Reyne JUBIN
(1767-?) il se déclare perruquier.
Signatures de Edmé Collinet et de son épouse à leur mariage
Son fils Hubert
COLLINET est né lui aussi à Semur en 1797. En 1798 après la mort du père d'Edmé
COLLINET toute la famille est "montée à la capitale" puisque l'on
trouve dans les archives de Paris la naissance de Charles COLLINET le 26
novembre 1808, baptisé à l'église Saint Eustache.
François Joseph
FETIS nous
explique dans sa biographie universelle des musiciens et bibliographie générale
de la musique : "....Edmé COLLINET fut d'abord admis comme flûtiste au
théâtre des Variétés, puis se livra à l'étude du flageolet, perfectionna cet
instrument en y ajoutant des clefs et parvint à en jouer avec une habileté
inconnue avant lui. Julien CLARCHIES, directeur pour orchestres de
contredanses, engagea COLLINET à appliquer son instrument à ce genre de
musique. Le succès et bientôt la vogue dont il jouit fut elle qu'on ne voulait
plus danser à Paris qu'au son du flageolet de COLLINET".
Reine JUBIN première épouse
d'Edmé COLLINET décède vers 1810 ; ce dernier se remarie le 17 juillet 1817 à
Paris avec Marie Madeleine DUBOIS. Cette même année il figure dans
l'annuaire Bottin : "Collinet : Marchand de musique 90 rue Saint
Honoré".
Flageolet à deux clés du musée de la Couture Boussey.
De 1820 à 1825 il figure régulièrement
dans le Bottin de Paris. " Collinet, flageolets d'orchestre, 90 rue
Saint Honoré" et "Collinet, marchand de musique, directeur des
orchestres des bals du Duc de Berry, professeur de flageolet et musique, tient
des contre-danses connues sous le nom de soirée de famille, pour piano, violon,
guitare, flûte, flageolet etc..., 90 rue Saint Honoré".
L'art de danser édité par Collinet
Le XIXe siècle est très festif. En 1790 il y
avait environ quatre cents bals à Paris. L'aristocratie et la bourgeoisie
organisaient de nombreux bals dans leurs hôtels particuliers. On y pratiquait
la contre danse c'est à dire la "country danse" d'origine anglaise
introduite en France au XVIIIe siècle, dans laquelle les danseurs se
positionnaient en cercle ou sur deux lignes en vis-à-vis et exécutaient des
figures définies très élaborées. Il fallait selon certains auteurs deux ans de
pratique avant de pouvoir s'y intégrer. Au début du XIXe né le quadrille, forme
simplifiée de cette contredanse qui fera fureur pendant ce siècle. On peut
citer le quadrille français composé du Pantalon, l’Été, la Poule, la
Pastourelle, le Galop, le fameux quadrille des lanciers, le quadrille des
variétés parisiennes.
Une des forme du quadrille : l'été.
En 1830 Edmé
COLLINET, père continue son activité : "Collinet, flageolet 4 place de
l'oratoire du Louvre au coin de la rue du Coq" et "Collinet direction
des orchestres des bals de la cour et de laville, et instruments,
contredanses nouvelles, musiques de flageolet", apparaît le fils comme
marchand de musique : "Collinet fils N°37 rue Saint Augustin",
mais aussi comme artiste jouant du flageolet dans les orchestres célèbres de
l'époque. Voilà ce qu'en dit Fétis : " Hubert Collinet a surpassé son
père dans l'art de jouer du flageolet. Il y a dans son jeu plus de goût, plus
d'élégance, sinon plus d'habileté dans l'exécution des traits difficiles. Il
joue les solos de flageolet dans le bel orchestre de danse organisé par Mr
Musard, et dans les bals de la cour. Il est aussi marchand de musique et
d'instruments".
Hubert Collinet vers 1844 par Thomas Wingate.
(Source Sydney Living Museums)
Portrait de Philippe Musard.
Philippe
MUSARD (1792-1859) est un des plus illustres représentants de la musique
festive de danses de Paris au XIXe. La première partie de sa carrière a pour
cadre Londres où il dirige des concerts promenades et dirige les orchestres des
bals de la reine Victoria. Il poursuit sa carrière en France où il est surnommé
"le roi du quadrille", "le Napoléon du quadrille". Il
remporte un grand succès durant le carnaval de Paris, aux bals de l'opéra. Ses
orchestres comptent jusqu'à cent musiciens et des solistes réputés comme DUFRESNE
au cornet, COLLINET au flageolet
Musique composée par Musard.
A cette
époque des concerts MUSARD, Hubert COLLINET est une "vedette" et Jean
Pierre DANTAN (1800-1860), sculpteur surtout connu pour ses portraits-charges
de personnages connus de l'époque (Paganini, Tulou, Musard etc...), en avait
fait un portrait peu flatteur.
Cette
caricature était atténuée par quelques "billets" plus réalistes.
Article de presse.
Pendant ce
temps, son père Edmé COLLINET se consacrait à son travail d'édition de musique
pour flageolets et contredanses. " Collinet, flageolets, quadrilles par
abonnement au journal de la contredanse pour piano, duo, septuor, et orchestre,
musiques nouvelles pour flageolet et piston, méthode genre moderne pour violon,
flûte, flageolet, clarinette, piston, guitare etc...rue du Coq Saint Honoré 4
au premier".
Méthode de clarinette. (Source Gallica)
Il existe peu d'instruments portant la marque Collinet ; outre les deux
flageolets déjà décrits nous connaissons une clarinette du musée de La Couture
et une flûte de la collection Dayton Miller.
Flûte à 1 clé portant la marque de Collinet. (D.C.M.)
Clarinette à six clés du musée de La Couture.
Mais Edmé
COLLINET était simplement revendeur car dans l'inventaire après décès que nous
avons trouvé aux Archives Nationales de Paris (Maître BOUCLIER MC/RE/LXVI/28),
il devait 150 frs 50 à BUFFET CRAMPON, 113 frs 60 à VUILLAUME, 437 frs 65 à
MARTIN frères, 30 frs à GUICHARD. D'ailleurs dans l'inventaire de son
appartement 11 rue Vavin et de son magasin 4 rue du Coq, il n'est signalé qu'un
flageolet dans son appartement. Sa boutique n'était consacrée qu'à l'édition
musicale. Au niveau de l'anecdote, le commissaire priseur chargé de cet
inventaire était assisté de Jean Jules JANET, marchand de musique N°47
rue Vivienne (Janet frères éditeurs de musique), et Jean Etienne MASSET
marchand de musique N°40 rue Vivienne.
Edmé COLLINET est décédé le 18 décembre 1841 dans son appartement du 11 rue
Vavin;
Son fils Hubert pour toute la succession se fera représenter par son épouse Thomassine
Antoinette BYRNE avant de renoncé finalement à son héritage au profit de sa
belle-mère. A cette époque il habitait à Londres N°32 Exenton Street, Hay Marked, car
depuis 1841, il avait rejoint l'orchestre de Louis Antoine JULLIEN
(1812-1860), compositeur et chef d'orchestre, rival de MUSARD, et qui avait dû quitter Paris à la suite de problèmes financiers.
(11/09/2018) : Notre ami Marc Wouters nous signale qu'il est en possession d'un flageolet tout à fait intéressant à 5 clés dont une manquante portant la marque " Visage rayonnant/Collinet Fils./Guerre/ A Paris/ Etoile 5 branches".
Effectivement " Collinet flageolets, 4 r. du Coq Saint-Honoré" figure dans le Bottin de 1842 à 1844, c'est à dire après le décès du père en 1841 et le départ du fils pour Londres. Sans doute l'activité du magasin a dû continuer tenu par l'épouse d'Hubert Collinet. A noter que ce flageolet réalisé par le facteur Georges Guerre porte une marque "tarabiscotée" dans laquelle l'espace manque pour le mot fils. Donc on peut dater cette instrument : autour de 1842.
En 1853
l'orchestre de JULLIEN part pour une tournée aux États Unis, et triomphe à New
York. COLLINET fait partie de l'orchestre qu'il ne quitte qu'à la fin en 1859
lorsque JULLIEN rentrant à Paris se fera arrêter pour faillite et sera mis en
prison.
Hubert
COLLINET est décédé à 70 ans à l'hôpital Fernand Widal, le 22 juin 1867. Il
habitait à cette époque au N°20 rue Lacépéde, son épouse quant à elle vivait au
66 rue Truffaut.
Pour conclure en musique cet article écoutez l'orchestre les pantalons de notre ami Géry Dumoulin au piston.
Nous avons le plaisir d’accueillir un nouveau rédacteur, qui comme nous est passionné de musique et travaille sur les facteurs, luthiers et marchands de musique. Bienvenue à Denis et merci pour ton article.
Le catalogue de 1907 et un flageolet Margueritat à 5
clés de la même époque
(Coll. DC)
Margueritat est pour tous les musiciens et collectionneurs d’instruments
un nom connu qui au fil du temps commence peu à peu à s’estomper. Par devoir de
mémoire, ce qui est un des buts de ce blog musical, l’histoire de cette famille
d’éditeurs et de marchands de musique méritait un article.
Première époque de cette histoire : René Margueritat (1816-1868), le créateur de l’entreprise et
fondateur d’une dynastie.
René est né le 18 avril 1816 à Bourges ; son père, Jean Julie, y était cordonnier et sa famille venait du village de Saint-Caprais, à 15 km de là . Rien dans ses origines modestes ne
le prédestine vers la musique, à part une attirance personnelle et peut-être
une vocation de musicien amateur. Mais il vit une époque favorable. En effet après
la chute du Premier Empire et avec l'avènement de Louis Philippe, la musique
militaire envahit les harmonies et les orchestres locaux, et la facture
d’instruments de musique innove sans cesse. La musique est partout et cela
suscite des vocations. Le jeune René monte donc à Paris en 1839, s'y marie avec Alexandrine Painvert, originaire d'Amboise et, en 1843, il
fonde son entreprise "Margueritat, éditeur de musique et marchand d’instruments"
au 39-43 boulevard du Temple en face du théâtre de la Gaîté, puis en 1856 alors
que Paris se bouleverse et se rénove sous l'action de Haussmann, il s’installe
au 21 boulevard Bonne Nouvelle. Dans les annuaires commerciaux et musicaux de
cette époque, le nom de Margueritat figure aux rubriques "marchand et
éditeur de musique" et "luthier ou facteur d’instruments à cordes et
à archet".
Le boulevard du Temple en 1862 juste avant sa
démolition
Le théâtre de la Gaîté est le bâtiment au fond à
droite
(Source gallica.bnf.fr / BnF)
Le 39-43 boulevard du Temple, la maison basse au sommet des marches en 1900. (coll. DC)
L’éditeur de musique
facile, populaire adaptée aux événements de son temps :
Avant 1858 les partitions sont imprimées chez Guillet rue
Croix-des-Petits-Champs. La cible est populaire : un répertoire très
varié, avec chansons à la mode, danses diverses, airs d’opéras comiques,
messes, musique militaire et d’orchestres de village. Il s'intitule lui-même un
spécialiste de musique facile en 1852. Pour faire ces arrangements destinés à un large public, il s’entoure de
musiciens tous chefs de musique militaire (notamment les chefs Blancheteau,
Ziegler, Marie, Bléger, Mulot) pour adapter les partitions à différents niveaux
de difficultés et pour la plupart des instruments. Il vend également neuf ou
d’occasion des instruments pour sa clientèle. Mais il édite aussi des musiques
plus difficiles et élaborées pour des orchestres professionnels.
Annuaire général du Commerce 1852
(Source gallica.bnf.fr / BnF)
De plus il sait exploiter l’actualité. Ainsi en 1848 pour fêter la chute
de Louis-Philippe et le retour de la République, il édite un quadrille national
(sic) composé par Eugène Delisle et dédié au poète Lamartine, et toujours
patriote, en 1854, il encourage en Crimée la guerre contre l'impérialisme russe.
Pages de titre de partitions musicales de 1848 et 1854
(Source gallica.bnf.fr / BnF)
Avec beaucoup d’entregent, en
1853, René forme une société avec cinq directeurs de bal pour acquérir des
droits d'auteurs de musique de danse.Il achète entre autres les droits de
publication de Narcisse Bousquet, professeur de flûte et flageolet, ce qui lui
vaut deux ans plus tard de perdre un procès contre la jeune SACEM (créée en
1851).
Le chef d’entreprise : «il vaut mieux être le premier dans son
village qu’un parmi d’autres dans la capitale».
Mais René n'a pas envie de vivre complètement à Paris. Il a appris à aimer le pays de sa femme, la Touraine, le Val de Loire, Amboise. Et c'est vers 1848, que René et Alexandrine s'installent au bourg de Saint-Règle, à 6 km à l'est d'Amboise, un petit village de 260 habitants, peuplé surtout de fagotiers (bûcherons) et de vignerons. C'est à Amboise que naît leur seul fils Eugène, le 9 mars 1849.
Carte de la Touraine, ca 1750 (extrait)
(Source gallica.bnf.fr / BnF)
A partir de 1858, sans doute pour diminuer les frais d'impression et pouvoir contrôler toute la chaîne de fabrication, René décide de créer sa propre imprimerie à Saint-Règle. Dorénavant c'est dans ce petit village de Touraine que seront imprimées les partitions musicales vendues ensuite boulevard Bonne-Nouvelle à Paris. Ce système perdurera bien après sa mort jusqu'au début du XXème siècle. Sous son impulsion, le bourg de Saint-Règle va ainsi se développer de manière originale, une partie grandissante de la population travaillant pour les éditions Margueritat. Au recensement de 1861, on trouve René entouré de quatre apprentis, âgés de 15 à 19 ans, à qui il apprend les techniques de l'imprimerie. Et en 1866, cinq ans plus tard, il y a déjà dans le village 7 imprimeurs, 6 graveuses et une brocheuse. A cette époque, au début des années 1860, René diversifie ses publications et, en plus des partitions musicales, il édite des méthodes théoriques de solfège, des petites méthodes de violon, de contrebasse, de clairon, des méthodes de danse… René Margueritat devient ainsi un personnage important à Saint-Règle. Il en est élu maire de 1860 à 1867. Malheureusement, il ne profite pas longtemps de son entreprise. Le 20 janvier 1868, alors qu'il se promenait sur la chaussée du boulevard Bonne-Nouvelle, accompagné de sa femme et de son fils Eugène âgé de 18 ans, il tombe brutalement sur le sol, terrassé par une attaque d'apoplexie. On le ramène chez lui, mais malgré les soins prodigués, il meurt vers minuit. Il n'avait que 52 ans.
Le Progrès Musical, 1er février 1868. (Source
gallica.bnf.fr / BnF)
La signature de René Margueritat en 1849. (AD Indre-et-Loire)
Deuxième époque : Survivre dans une époque difficile. La transition grâce à Alexandrine son épouse.
Image transmise par Daniel Faguer membre de la famille. Merci pour cette contribution
Eugène est trop jeune pour prendre la suite, c'est donc Alexandrine qui assurera la transition : "Veuve Margueritat, Éditeur". Dans cette période difficile (1870-1871), ellecontinue l’adaptation
que réalisait son mari en publiant de la musique patriotique et revancharde
contre l’ennemi prussien.
Page de titre d'une partition musicale de 1872. (Source gallica.bnf.fr / BNF)
Après les troubles, la troisième République permet une certaine stabilité. Les
divertissements et donc la musique reviennent en force et la vente des
partitions musicales aussi. On danse toutes sortes de danses (polkas, mazurkas,
galops, valses et menuets. On chante des chansons souvent assez grivoises des
théâtres des boulevards (Alcazar, Alhambra, Bouffes …), et des airs d’opérettes
d’Offenbach et autres avec des réductions pour piano accompagné d'un ou
plusieurs instruments. Margueritat décline tout cela en de multiples éditions
en les dédiant à des personnalités importantes et diverses. Le 20 juin 1877 Alexandrine, qui fatiguée, s'était retirée dans sa maison de Saint-Règle, meurt à 61 ans. Ce fut son domestique et un des contremaîtres imprimeurs qui déclarèrent le décès à la mairie.
Troisième époque : Développer l’entreprise familiale : Eugène Margueritat (1849-1912).
En 1877, Eugène prend la direction de «Margueritat éditeur» et développe
l’œuvre de son père en gardant le siège parisien et l’entreprise d’imprimerie à
Saint-Règle. C’est un notable, un patron fournisseur d’emplois et lui aussi est
élu comme Maire. Il est devenu riche et vit comme un hobereau avec sa femme, ses
trois enfants (deux fils et une fille cadette Gabrielle) et ses chiens de
chasse, dont certains sont primés, tout en restant un chef d’entreprise
efficace.
Saint-Règle en 1900 (coll. DC)
La signature d'Eugène Margueritat en 1869. (AD Indre-et-Loire)
Pourtant, à Paris, la concurrence dans l’édition musicale est
rude ! Une centaine d’éditeurs et marchands de musique existent, notamment
les grands comme Leduc, Choudens, Lemoine. Eugène parvient à se faire un nom dans
la vente d’instruments alors que la facture française d’instruments est une des
premières du monde et qu'elle exporte dans le monde entier. Il devient membre de la SACEM, et en 1887 il
gagne un concours d'orchestration de la Marseillaise organisé par le ministère
de la guerre. Il en retire l'exclusivité de la vente de la partition aux corps
de troupe. Ce bénéfice est réitéré en 1901 par circulaire ministérielle.
Partition de la Marseillaise pour baryton en sib (coll. DC)
Eugène avait épousé le 28 décembre 1869 à Loches à 30 kms d'Amboise, Marie Hyacinthe Boutron ; de cette union trois enfants naîtront à Saint-Règle : René Alexandre Margueritatné le 21 juillet 1872 qui ne sera pas attiré par la musique. Il préférera entreprendre une carrière d'artiste peintre. Il sera admis à l'Ecole des Beaux-Arts en juillet 1895. Il obtiendra une mention honorable au Salon de 1902 et participera au Salon de l'Ecole Française en 1908, 1909, 1911. La critique dit de ses toiles qu'elles sont "très nuancées, d'une note heureuse et d'une vive justesse".
Reproduction en carte postale d'une toile de René : "Un loup de mer honfleurais" (1909)
Gabrielle Marie, fille cadette, née le 1 octobre 1874 épouse le 27 avril 1896 un personnage étonnant qui jouera un rôle capital dans l'entreprise Margueritat. Il s'agit d' Elie Joseph Félix Victor Gaillard dit Tallon, voyageur de commerce, né à Buenos Aires (Argentine) le 30 janvier 1872.
Gabrielle Margueritat (1874-1906). (Coll. Louis
Emmanuel Lehoux)
Le couple part d'abord s'installer à Alger, dans le quartier chic et européen de Mustapha, rue Michelet. Joseph Félix est alors courtier en vins. Et c'est là que naît le premier enfant, un fils prénommé Marcel René le 27 mars 1897. Puis Gabrielle et Joseph Félix décident de rentrer en France et ils s'établissent à Paris, rue La Fayette, non loin du boulevard Bonne-Nouvelle. Ils sont ainsi à proximité du jeune frère de Gabrielle, Daniel Charles, représentant de commerce, qui habite rue de Paradis. Naissent alors deux autres enfants, Robert Eugène en 1900 et Henri Gilbert en 1903. Mais au début de l'été 1906, alors que toute la famille est en villégiature à Saint-Règle chez les grands-parents des enfants, Gabrielle meurt brusquement le 3 juillet. Elle aurait eu 32 ans trois mois plus tard.
Signatures de Joseph Gaillard-Tallon et de son épouse Gabrielle
en 1896 (Archives de Paris)
Quatrième époque : L’association d’Eugène avec
son deuxième fils Daniel Charles (né le 14 juillet 1880) et son gendre Joseph Félix Gaillard dit Tallon. Ce décès brutal a des répercussions sur le fonctionnement de l'entreprise Margueritat. C'est à ce moment que Joseph Félix Gaillard dit Tallon s'associe avec son beau-père Eugène pour gérer les éditions Margueritat qui prennent alors le nom de "Margueritat Père, Fils et Gendre". Le siège social quitte le boulevard Bonne Nouvelle où il était fixé depuis 50 ans et s'installe dans des nouveaux locaux au 7ter Cour des Petites-Ecuries. La Maison Margueritat se modernise, elle a maintenant le téléphone, le numéro 258-26, donc rattaché au central Gutenberg. Et sur le catalogue des instruments de musique de 1906, on peut même acheter une étrange Machine Parlante à disques double face "Odéon". Or ces disques ne sont commercialisés en France que depuis deux ans, ce qui montre la volonté d'innovation de l'entreprise. Notons que cette machine coûte approximativement le prix d'une bonne clarinette à cette époque.
Catalogue Margueritat de 1906 (coll. DC)
De même, dans le domaine de la présentation des partitions, l'éditeur ose des pages de titre avec une esthétique inspirée de l'Art nouveau. Ci-dessous le "Pecatto d'amore" dédié à la soprano belge Mariette Sully.
Page de titre d'une partition musicale de 1907
(Source gallica.bnf.fr / BnF)
Et depuis quelques années déjà, la Maison Margueritat a pris l'habitude d'envoyer son courrier sur de petites cartes postales publicitaires avec au recto quelques lignes de portées musicales.
Carte postale publicitaire de 1913
(Coll DC)
L'entreprise prend une telle importance que les imprimeries de Saint-Règle ne suffisent plus pour l'impression des partitions musicales et on fait appel, en plus, à des imprimeries parisiennes dont l'Imprimerie Moderne, rue Clignancourt. Le plus jeune fils d'Eugène, Daniel Charles, participe aussi à l'entreprise Margueritat. Il est imprimeur de musique et directeur de la revue "Le Monde Orphéonique", le journal des sociétés chorales et instrumentales. La gestion conjointe "Fils-Gendre" dure pendant six ans, jusqu'à la mort d'Eugène Margueritat le 26 juillet 1912 à Paris en son domicile 41 rue de l’Échiquier. Il avait 63 ans. En 1914, est publiée une partition prémonitoire, une chanson patriotique avec accompagnement de piano intitulée "Salut ! Petit soldat de France !". Au deuxième couplet on peut lire : "Petits soldats préparant l'Avenir, vous donnerez, sans peur, votre existence pour la Patrie, vous serez forts pour chasser l'étranger"…
Page de titre d'une partition musicale de 1914
Joseph Gaillard-Tallon
fait son devoir avec zèle dans la Première Guerre mondiale, il sera fait chevalier de la légion d'honneur.
Extrait base Léonor.
Après les massacres de la Première Guerre mondiale, les années
folles relancent toutes sortes de musiques, du tango au fox trot et au début du
jazz, et les éditions Margueritat sont toujours au diapason. Elles se
diversifient encore en publiant "Petite biographie des grands compositeurs"
de Paul Rougnon et du même en 1925 "Souvenirs de 60 années de vie musicale
et de 50 années de professorat au conservatoire de Paris" ou de Maurice
Galerne en 1928 "L’école Niedermayer : sa création, son but, son
développement".
Carte postale publicitaire datée de 1920
Joseph Gaillard-Tallon, veuf depuis si longtemps, fini par se remarier le 28 janvier 1925 avec Oliva Caloue qui n'est autre que la belle-mère (veuve) de son fils aîné Marcel René. Mais il ne profite pas longtemps de ce deuxième mariage, il meurt le 10 octobre 1928 en son domicile 10 rue de Valenciennes, âgé de 56 ans. Les héritiers, chacun pour un tiers, sont ses trois fils, tous mariés depuis 1922, Marcel René, employé de commerce, Robert Eugène, ingénieur de l'Ecole Centrale de Paris, et Henri Gilbert, imprimeur de musique et éditeur du "Monde Orphéonique".
Cinquième époque : Henri Gilbert Gaillard-Tallon, la quatrième génération (1903 – 1933).
Henri Gilbert est le seul des trois héritiers qui semble intéressé par la musique. C'est lui qui reprend la gestion de ce qui s'appelle maintenant, en 1928, les "Editions Margueritat", et en sous-titre, "Margueritat, Gaillard-Tallon et Cie". Par une curieuse coïncidence, la femme d'Henri Gilbert, Louise Blondiaux, se trouve être l'arrière petite fille d'un certain Jean-Baptiste Martin, l'aîné des trois frères Martin, célèbres facteurs d'instruments de musique.
Marque Martin Frères d'une clarinette en La. A gauche clarinette à 6 clés de Martin Frères. (Coll. DC)
Malheureusement Henri Gilbert ne restera que cinq ans aux commandes de l'entreprise. Il meurt dans sa maison de Taverny le 21 janvier 1933. Il n'a que 30 ans. Et ses trois enfants, Gabrielle, Bernard et Lucie sont bien trop jeunes (respectivement 10, 8 et 6 ans) pour reprendre l'affaire. C'est alors que Marcel René et Robert Eugène, ses deux frères aînés, qui ne sont pas intéressés par l'entreprise, cèdent leurs parts de la Société Editions Margueritat à Raphaël Joseph Blondiaux, le beau-père d'Henri Gilbert. Il résulte qu'en 1933, Joseph Blondiaux, Louise Blondiaux veuve Henri Gaillard-Tallon, et ses trois enfants mineurs sont propriétaires indivis des quatre mille parts du capital de 400.000 francs de la Société à responsabilité limitée Editions Margueritat immatriculée au registre commercial de la Seine sous le numéro 216561B. En 1934 le siège des éditions est transféré au 20 boulevard Malesherbes à Paris. L'activité de graveur et d'éditeur de musique ainsi que de vente d'instruments se poursuit jusqu'à la Deuxième Guerre Mondiale.
Sixième époque : la fin de Margueritat : Lucie Gaillard Tallon, la cinquième génération (1927 - )
Le 9 mars 1965 les Editions Margueritat sont immatriculées au RCS à l'adresse de 175 rue Saint Honoré à Paris, sans doute sous l'impulsion de Lucie Gaillard-Tallon, la plus jeune des enfants d'Henry Gilbert et de Louise, qui reprend le flambeau de l'entreprise familiale. Dans la Bibliographie de la France des années 1973 et 1974, on remarque encore quelques publications Margueritat, des partitions qui semblent être des rééditions. En 1978, on relève le nom de Lucie Gaillard-Tallon à la tête des éditions Margueritat au 290 avenue Victor Hugo à Fontenay-sous-Bois dans la liste des éditeurs appartenant à la chambre syndicale des éditeurs de musique sérieuse. Dans les années 2000, Lucie, âgée, s'adjoint l'aide d'un cogérant, il s'agit de François Girard Leduc, né le 7 septembre 1939. François Girard Leduc était un grand monsieur de l'édition musicale, gérant des prestigieuses Editions Leduc, vice président de la SACEM, Président d'honneur de la Chambre syndicale des éditeurs de musique de France (CEMF), Président de la Société des éditeurs et auteurs de musique (SEAM) dont il a été fondateur… Il est décédé le 15 décembre 2016 à Boston (USA).
François Girard Leduc
En 2007 et en 2008, le chiffre d'affaires des éditions Margueritat était de 5000 euros. Le deux décembre 2009, les Editions Margueritat sont radiées du RCS. C'est la fin d'une histoire qui aura duré 165 ans.....
Comment dater un instrument ou
une partition Margueritat…
Et les instruments de Musique Margueritat ......
Quelques marques Margueritat.
Comme toutes les grandes maisons musicales de la fin du XIX siècle : (Thibouville, Couesnon.......), Margueritat a coté de son métier principal, l'édition musicale, vendait tout ce qui concernait la musique, instruments, accessoires, abonnements de partitions....Cette grande Maison s'approvisionnait sans doute à la Couture Boussey (Thibouville, Martin etc....) pour les vents ou à Château -Thierry chez Couesnon et pour les cordes à Mirecourt......
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