par José-Daniel
Touroude.
Comment résumer en quelques lignes une rencontre de 3 jours aussi
foisonnante pour les 30 ans de notre association ? Je ne peux que livrer
mes impressions subjectives, (car les discussions et manipulations d’instruments
en petit comité étaient nombreuses).
Chaque exposé mérite une retranscription de plusieurs pages et
les échanges permanents et informels entre membres, les essayages d’instruments,
les confrontations passionnées sur un détail d’instruments ou sur un facteur et
bien sûr les prestations musicales auraient nécessité un film !
Un constat partagé par tous :
* Ce fut convivial,
sympathique, détendu, amical dans un cadre original dans les
anciennes usines Thibouville et dans la maison de Jérome Thibouville Lamy (transformé
en gîte) avec une météo ensoleillée, ce qui nous a permis de visiter, avec une
guide compétente, les lieux chargés d’histoire qui ont du sens pour nous tous,
à savoir les ateliers des principaux facteurs de la Couture Boussey et même les
maisons de certains travailleurs à domicile puis avec l’animatrice culturelle
du musée la visite de l’exposition permanente d’instruments de ces facteurs
bien sûr mais aussi de l’exposition
temporaire (notamment sur SML et Gouget)
La maison de Jérôme Thibouville, lieu du séminaire où François Camboulive et son épouse nous ont accueillis. |
* Ce fut dense, instructif,
d’excellent niveau car les conférences alternaient avec des
illustrations musicales, voire des petits concerts qui entraînaient des
échanges et des discussions passionnantes
et informelles (trop anarchiques pour nos amis suisses !), des
rencontres entre personnes et cela du matin jusqu’à minuit !
Elodie Biteau nous présente la Maison Martin Frères à La Couture Boussey. |
* Ce fut original notamment
avec un collègue suisse nous parlant de son dernier livre sur l’aérophor, ou une
jeune compositrice catalane qui nous a présenté ses recherches sur deux instruments
rares : la Ténora et le Tible (dont beaucoup ont été fabriqués chez Thibouville
mais que n’ont-ils pas fait !)… et qui compose actuellement un duo pour
clarinette et mouettes (elle m’a promis de me l’envoyer mais si elle attend
trop je ne pourrais plus jouer la partie de clarinette, je ferai alors la mouette !).
Ce livre vient de sortir. Nous en reparlerons. |
Alain Girard. |
Nous avons
eu aussi un exposé passionnant sur les cromornes et un autre sur les poinçons des
clés en argent principalement des flûtes, un thème de recherche actuel qui
précise la datation des instruments.
Ce qui est passionnant c’est qu’une collection ouvre
plusieurs entrées et tout collectionneur est obligé d’avoir une vision pluridisciplinaire
(passant de la généalogie qui redonne vie à des facteurs (comme le bel exposé
sur Saget), à la connaissance du contexte historique et musicologique, de la compréhension
des techniques de fabrication (une visite dans l’usine de Buffet Crampon s’imposait
pour commencer ces journées de rencontres) à la nécessité de nettoyer voire
restaurer afin de faire sonner ses instruments, à la recherche de trésors en
chinant et hantant les enchères (un collectionneur est un chercheur de trésors)
et l’as du marteau de Vichy présent à ce séminaire nous raconta quelques
pratiques douteuses passées (ouf !) et l’évolution de son métier avec
internet au cours d’un repas…. il n’y
avait aucun temps mort !
(Gauche à droite : Bruno Kampmann, François Camboulive, Guy Laurent, Paul Carré) |
Beaucoup de questions annexes ont été abordées : ainsi
personnellement j’ai été questionné en
tant « qu’ex technocrate et néanmoins clarinettiste » (sic) sur le
projet ISF concocté à Bercy qui ne prévoit pas de taxer les collections, alors
tous à Vichy !
Autre aparté (et chacun peut en rapporter des dizaines
différents) sur la musique spécifique de la Corée du nord qui s’élabore et qui ne veut pas ressembler à
la musique traditionnelle de Corée (partagée par la Corée du Sud), ni la
chinoise du voisin puissant, ni de l’occident honni….
* Ce fut aussi musical car
montrer et commenter des instruments ne suffit pas et ce fut intéressant
d’entendre des spécialistes comparer des instruments anciens différents quant à
leurs sonorités, leurs spécificités… ainsi nous avons eu le plaisir d’apprendre
beaucoup de choses concernant les hautbois anciens de la part d’un spécialiste
suisse, mais aussi une prestation sur divers saxophones par un professionnel
talentueux…
Nous avons eu la chance avec des prestations : duo flûte
et basson avec instruments du XVIIIème siècle de Prudent. Paul Carré jouait sur une flûte Prudent du 18ème siècle et une copie d'une flûte Palanca et Denis Bèlières lui sur un basson copie de Prudent, le fameux duo clarinette basse
et clarinette contrebasse (que le monde entier nous envie !) et la venue de
pointures professionnelles qui ont joué des pièces pour trompettes diverses,
cors, ophicléide en trios et pu ainsi clôturer en beauté nos journées.
Duo de clarinette basse, Denis Watel et contrebasse Frédéric Courquin. |
Des souvenirs personnels aussi partagés par certains : Samedi
matin au lever, encore embrumé par des ronflements de René avec qui je
partageais la chambre historique de Jérome Thibouville Lamy (mais René a voulu
dormir sur un matelas par terre.)
En conséquence il était logique que ses ronflements soient
un Mi2 au diapason 440 (il travaille sa colonne d’air en ce moment) et logique
pour un saxophoniste qui joue du ténor en sib (ce Mi2 soit un Fa# pour saxo),
Fa# qui comme tout le monde le sait est près du sol ! après cette blague
douteuse au lever, notre hôte m’a apporté sa clarinette neuve Tosca de Buffet Crampon
n° 700 000 à essayer. Le dernier adhérent de l’ACIMV jeune agrégé de musique
arrivant un peu au radar s’est mis au piano spontanément (ce n’était pas un
bizutage) et à 8h pour réveiller tout le monde on a joué un tico
tico endiablé !
Un des musiciens présents à la fin du séminaire sortira lui un
orgue de barbarie et jouera quelques pièces en duo avec un excellent musicien
maîtrisant l’ophicléide … et le calvados aidant, il se lança avec son orgue dans une chanson
paillarde bien connue de notre président qui chanta avec lui… (même dans la
voiture en revenant à Paris, cet air lui rappelait apparemment des souvenirs
émouvants…)
* Ce fut transversal :
et c’est assez rare pour être noté. Habituellement les expertises et les
discussions de chacun sont souvent cantonnées à un instrument et chacun
s’exprime pour montrer ses recherches, ses savoirs et savoir-faire devant ses
pairs . Ce qui est plus rare, c’est d’écouter, de s’intéresser et d’échanger
avec les autres spécialistes et musiciens d’autres instruments à vent. Les collectionneurs
des bois s’intéressaient aux cuivres et inversement… alléluia !
Ainsi nous avons eu des exposés sur les flûtes, clarinettes,
hautbois, saxophones, trompettes, ophicléides, cors, bassons, le Basson solo de
l’Opéra nous a expliqué comment le basson français avait stagné voire
« régressé » (question existentielle pour certains) alors que les
autres instruments continuaient à évoluer et qui nous a fait part de ses
recherches. Un de nos membres facteur d’ophicléides qui continue ses recherches
nous a montré un piston innovant devant une assemblée admirative de sa
créativité….
Et puis un des invités d’honneur, le président d’une association
suisse proche de l’ACIMV, nous a subjugué par la méthodologie de classement de
sa collection de flûtes anciennes avec fiches rationnelles et précises (il est
suisse !) de son catalogue avec illustrations musicales de pièces d’époque
et du pays pour chaque instrument… Son
travail exemplaire a interpellé beaucoup de collectionneurs !
* Ce fut une ambiance passionnée :
la concentration de passionnés individuels, mutualisant leurs connaissances dans
une joyeuse ambiance…. aurait semblé à une personne extérieure non initiée et
avertie comme un groupe de personnes un peu bizarres parfois un peu
obsessionnels… avec des souvenirs et anecdotes sur des collectionneurs, des
musiciens et des instruments rencontrés, des expériences de collectionneurs
montrant l’acquisition de quelques trésors, chacun soufflant et commentant…
On a même frisé les crises cardiaques : il fallait voir la tête de François, lui
qui connaît pratiquement tout de la dynastie Thibouville , vivant dans leurs maisons,
découvrant « la polka des Thibouville » inconnue de tous pour orgue
de barbarie, quant à mon ami René, il était en extase devant une flûte Bühner
et Keller avec poinçons d’argent sur les clés venant de Suisse et qui manque à
sa collection et qu’un bon flûtiste fit sonner…. moi même je bavais devant une
clarinette Raver de Bordeaux que Denis arrivera bien un jour à me vendre, pendant
que la sérieuse Nuria dessinait sur son cahier les mesures d’une Ténora Thibouville
pour ses recherches universitaires etc…
* Ce fut aussi parfois administratif
et formel avec l’assemblée générale de l’ACIMV ou René a pu enfin après
20 ans de bons et loyaux services et de cotisations payées accéder au pouvoir en
intégrant le bureau prestigieux de l’ACIMV.
* Ce fut aussi la
confrontation d’approches et pas seulement d’idées et de
connaissances notamment celles des
collectionneurs-musiciens (plus attirés par les aspects esthétiques et
historiques des facteurs) et celle des musiciens-collectionneurs (attirés par
la réparation voire la restauration pour jouer avec leurs merveilles). Au
hasard, d’autres questions comme doit-on démolir la cohérence d’une collection qui
a demandé toute une vie et la refaire tourner par le biais des enchères ou la
léguer à une institution intéressée ou à un autre collectionneur ami ? etc…. Ce
qui m’amusait personnellement, c’était d’entendre des apartés, des débats sur
les questions récurrentes et fondamentales soulevées dans la psychologie des
collectionneurs que j’avais analysée il y a quelques années.
En résumé une rencontre réussie en tous points et qui
restera dans les mémoires de ceux qui ont participé. Vivement la prochaine fois en espérant qu’on n’attende
pas 10 ans !
La question suisse posée lors d’un repas : (mais dans le
brouhaha de multiples discussions simultanées où les décibels étaient
proportionnels à l’alcool ingurgité, peu ont entendu la question)
Quelle est l’origine
du mot cor anglais ? Quizz
1°) cor anglais car juxtaposition des mots cor et anglais,
son pays d’origine l’Angleterre.
2°) cor anglais car juxtaposition des mots cor et angle (en
français) et il y a eu déformation du
mot.
3°) cor anglais car juxtaposition des mots cor et ange (Engelich en
allemand déformé en English ), autre déformation du mot par ces français
incorrigibles.
Après tirage au sort, le gagnant (car vous aurez tous
trouvé) aura un numéro spécial de la revue en allemand de l’association suisse
GEFAM (facile en plus il y a un indice dans la question).
PS : Compte rendu écrit en écoutant la musique de JM
Hotteterre (figure emblématique du lieu de notre séminaire) joué par le
flûtiste baroque Philippe Allain-Dupré présent à ce séminaire.
Pour plus de précisions ci joint la
liste des noms et qualités des intervenants et des interventions et prestations :
François Camboulive : notre hôte, collectionneur notamment des
instruments de la Couture /Ivry
Exposé : présentation de quelques pièces de sa
collection et de sa démarche de collectionneur
Maurice Vallet :
infatigable guide des usines Buffet Crampon à Mantes
Exposé : la visite de l’usine
Alain Girard :
collectionneur et spécialiste suisse du hautbois ancien
Exposé : présentation de son livre sur l’Aérophor, et
sur les hautbois notamment Boehm
Jérome Wiss :
collectionneur de cuivres et facteur
Exposé : présentation de ses recherches sur un
ophicléide et analyse de pistons spéciaux
Frédéric Courquin
et Denis Watel clarinettistes
professionnels et collectionneurs surtout de clarinettes
Prestation : duo de clarinettes basses et contrebasses
Guy Laurent
commissaire priseur à Vichy et René Pierre
collectionneur et saxophoniste de jazz
Exposé sur la création d’une base de données des poinçons
français de clés en argent
Nuria Bonet compositrice
de musique contemporaine et universitaire :
Exposé sur la Ténora et le Tible catalan
Denis Watel :
clarinettiste basse, professeur et collectionneur
Exposé : ses recherches actuelles sur Saget, un facteur
bordelais de clarinettes et créateur de bien d’autres choses
Jean François
Picard : collectionneur et facteur de cuivres
Exposé : présentation d’instruments (serpents ,
ophicléides, tubas…)
Denis Belières et
Paul Carré : collectionneurs de bois
Prestation : mini concert flûte du 18ème siècle de Prudent et basson.
Fred Couderc :
saxophoniste professionnel et collectionneur
Exposé comparatif avec illustrations musicales de différents
saxophones anciens
Elodie Biteau :
du département de l’ Eure missionnée pour des recherches sur les documents liés
aux facteurs
Exposé : visite de la Couture-Boussey des lieux où ont
travaillé et vécu les facteurs locaux
Laurine Millet :
Médiatrice culturelle du musée
Exposé :présentation des expositions temporaire et
permanente du musée de la Couture.
Pascal Gresset :
flûtiste professionnel.
Exposé : sur les flûtes anciennes et présentation de la
revue "Tempo flûte" et qui réalise actuellement un travail sur les concerts
Lamoureux et Roger Bourdin cher à notre cœur.
Nicolas Pinard :
bassoniste professionnel soliste de l’Opéra de Paris
Exposé sur le basson français et la problématique du
musicien-collectionneur
Philippe Allain-Dupré :
flûtiste baroque professionnel et facteur
Exposé sur les Cromornes et réalisant de nombreux essayages
de flûtes au cours de ces journées
Ulrich Halder :
Président de la GEFAM, association sœur suisse, flûtiste et collectionneur
Exposé : méthodologie exemplaire d’un collectionneur
rigoureux et passionné
Jean–Daniel
Souchon : trompettiste (militaire à la musique des troupes de marine et
professeur) et collectionneur de trompettes
Exposé : sur quelques trompettes anciennes
Laurent Madeuf trombone
solo à l’ODIF, Pierre Turpin corniste
à l’Opéra de Paris, et Pierre Yves Madeuf corniste à la musique
des gardiens de la paix tous musiciens professionnels nous ont ébloui avec un concert
de cuivres pour clôturer nos rencontres avec la participation ponctuelle de JD Souchon
trompette.
Frédéric Gondot
altiste à l’orchestre national de l’ile de France (orgue de barbarie et un instrument
bizarre le Stroviole + chant (paillard) nous démontrera que la virtuosité des
musiciens classiques de haut niveau peut s’allier à l’humour….
Si vous voulez vous joindre à nous, il suffit d'adhérer à l'ACIMV.....pour une somme dérisoire!!!!
Bonjour je suis à la recherche d'une précision sur les bassons Buffet-Crampon ou j'ai travaillé.
RépondreSupprimerA quelle époque la perce de la branche et de la culasse ont été doublées en ébonite.
J'ai vu un très vieux basson Buffet non doublé d'avant 1914 , peut-on dire que les doublures sont apparues vers cette époque , si vous avez une info merci de me la communiquer .
Cordialement
René Lesieux